[Critique théâtre] Utopie autour d’un cordon bleu

© Danny Willems
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Seppe Baeyens, protégé de Wim Vandekeybus déjà salué pour son premier projet Tornar en 2015, abolit la séparation scène/salle et spectateurs/danseurs dans Invited. Un spectacle comme une utopie où tous seraient égaux.

C’est en assistant à un spectacle comme celui-ci que l’on peut comprendre à quel point la structuration de l’espace peut influencer les rapports entre les gens. En l’occurrence, la salle du KVS_Box a été mise à nu, vidée de sa scène et de ses gradins. Au milieu est disposé un cordon géant, bleu ciel, enroulé en spirale. Dans un des coins ont été installés les trois musiciens qui accompagneront en live la performance.

En entrant, on hésite: où se placer? Avant de comprendre qu’il faut s’asseoir, le plus confortablement possible, sur cette espèce de gros lacet. Le noir se fait alors et un chant polyphonique est entonné a capella. Dans l’obscurité, une autre pièce tombe: les danseurs sont éparpillés parmi l’assistance. Qui est qui dans cette communauté éphémère? Qui est public? Qui est interprète? La question est d’autant plus compliquée que les « danseurs » d’Invited ont tous les âges -enfants, ados, adultes, seniors- et toutes les couleurs et sont pour certains porteurs d’un handicap. Le critère qui permettra de tracer la ligne de démarcation invisible et mouvante sera de voir qui prend l’initiative, qui « invite ». Car à travers des gestes pleins de bienveillance, chacun parmi l’assistance est régulièrement « invité » (« invited », donc) à quitter le boudin de mousse pour participer à des duos, des face à face, des jeux de regards et de mouvements révélateurs des dynamiques de groupe (Qui est-ce que je suis? Qui est-ce que je quitte? Quand dois-je rejoindre les autres? Est-ce que j’accepte de rester seul?, etc.). Invité à sauter au-dessus d’un garçon qui, en toute confiance, s’est allongé sur le sol pour servir d’obstacle à franchir. Invité à courir, propulsé par la musique, dans un tourbillon dont la vitesse dégage son propre vent. Invité à se laisser porter, à se laisser tomber. Invité aussi, en procession, à changer ensemble la disposition du fameux cordon bleu, pour le transformer en piste circulaire ou en rangées d’une salle de concert.

Avec un dispositif simplissime, Seppe Baeyens parvient à supprimer les frontières, les hiérarchies et les différences. Un spectacle généreux, dont on sort régénéré.

Invited: du 23 au 25 février au KVS à Bruxelles (complet, liste d’attente ouverte), puis les 6 et 7 mars au STUK à Leuven, le 14 mars au Centre culturel d’Hasselt, le 18 mars au CC De Grote Post à Ostende, le 24 mars au CC ‘t Vondel à Hal, le 29 mars au CC De Ploter à Ternat, le 19 avril au CC Het Gasthuis à Aarschot, le 29 avril à l’Enter Festival Brussels.

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