Xavier Boyer (Tahiti 80): « J’ai voulu faire un disque ni rétro, ni trop à la mode »

Xavier Boyer. © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le second solo de Xavier Boyer, leader de Tahiti 80, ramène les sensations épatantes de chansons océaniques millésimées. Le tout pourtant bricolé maison.

Some/Any/New est un album qui ressource les meilleurs sentiments vintage -Brian Wilson, Todd Rundgren, Hall & Oates, Beatles- en version quasi lo-fi, désertant les actuelles productions gonflées d’infini numérique. Genre l’autotune qui permet par exemple à Renaud de donner l’illusion de chanter alors que sa voix s’est depuis longtemps crashée dans le pastis. CQFD. Les douze chansons hautement personnelles de Xavier se sont échafaudées sur une période de six ans, suivant un divorce et l’annonce d’une nouvelle vie amoureuse. L’épanouissement vocal, la sophistication de ses harmonies et la vitalité instrumentale y impressionnent. Y compris lorsque Boyer -né en 1974, physique de gendre idéal dans les films de Claude Sautet- raconte calmement le périple dans un snack de Flagey. « Les thèmes autour d’une nouvelle vie ont déjà été partiellement traités dans l’album Ballroom de Tahiti 80 -paru en 2014- mais les compositions pour ce disque en groupe et celui en solo se sont croisées: j’ai trié les morceaux pour savoir dans quelle case ils pouvaient rentrer. »

Il y a dix ans, Xavier sort un premier jet perso sous le pseudo Axe Riverboy, anagramme gamin plus raccord, pense-t-on, que le nom d’origine franchouillard par rapport au style de morceaux pop anglophones revendiqués. Et puis, le quadra « d’origine pied-noir et bretonne » sent qu’il faut simplement revenir à la matrice d’une bio réelle et ne pas prétendre à autre chose que le cours du sang. Soit un parcours dans la classe moyenne française où la famille suit les affectations du père banquier, surtout dans l’ouest de la France. Des déménagements tous les trois ans entre « Tours, Caen et d’autres endroits » résultent dans le sentiment d’être éduqué avec une constante, « celle du cours de musique scolaire français obsédé par le jeu de flûte à bec qui, me semble-t-il, n’a pas vraiment donné de star du genre. Malgré les millions d’adeptes »…

Funky Town

Une guitare empruntée à une cousine dope l’adolescence en autodidacte, tout comme la musique de famille, « essentiellement composée de compilations de variété internationale, Abba ou les Beatles. J’en ai retenu un sens du format pop, qui s’est concrétisé le jour où j’ai acheté mon premier 45 tours, Funky Town de Lipps Inc., incarnant aussi cette rencontre entre les musiques noires et blanches. » Cette période de fin seventies est d’ailleurs la matrice de Some/Any/New, titre ouvertement inspiré de Todd Rundgren, que Xavier cite comme exemple de sa propre hybridité (1). « J’ai voulu faire un disque qui ne soit ni rétro ni trop à la mode: disons que je me suis arrêté quelque part entre 1979 et 1982 avec des ingrédients soft-rock et un vernis lo-fi. Mais toujours avec un résultat sonore qui se veut au final, intemporel. »

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Voilà le trouble coopté d’un album qui surfe sur les modes et le fantôme frenchisé de Brian Wilson -patent dans Song for M. Et Baby Cannon-, rappel d’une première vie d’enfant-ado passée au bord de la mer, « ce qui donne indiscutablement une identification aux choses de l’océan ». Sentiment ici une nouvelle fois transcendé via un processus normatif d’enregistrement 2017. Pendant une paire d’années donc, Xavier -tout en jouant avec Tahiti 80- enregistre entre les villes françaises au gré de ses humeurs post-divorce, Paris où il habite, Montpellier ou encore le salon de ses parents dans les environs de Tours « où l’on entend ma mère occupée à la cuisine ». Avec un équipement transportable, donc tendance minimaliste: « Contrairement à Tahiti 80 qui lèche le son (…), j’ai essayé des choses aussi différentes que de chanter dans un kit mains libres, utiliser le micro de mon téléphone et travailler avec le CR 78, une boîte à rythmes analogique. Parfois, je savais que devais filer chercher mes deux enfants -neuf et treize ans- à l’école et donc j’enregistrais sur ce que je pouvais. J’aime bien l’idée de m’affranchir de chaque instrument, de chaque prise. »

Atmosphériques

Sentiment partagé par l’ADN de ce disque inclassable qu’est Some/Any/New. Si Xavier a pratiquement tout emballé en solo -chansons, sons, instrus, enregistrements-, il l’a fait sous double complicité. Financière d’abord: Tahiti 80 ayant connu un vrai succès commercial -y compris un disque d’or au Japon et le tube international Heartbeat-, les dividendes permettent toujours d’échapper au statut de galérien ordinaire. « En 1998, Tahiti a été signé sur le label Atmosphériques de Marc Thonon (2) qui avait déjà réalisé le colossal succès de Louise Attaque et avait donc besoin de faire quelques frais (sourire). J’ai connu la période faste où l’on pouvait aller enregistrer aux États-Unis pendant six semaines et puis partir mixer en Suède, réaliser des clips très chers et faire recommencer une pochette qui ne plaisait pas. Aujourd’hui, c’est évidemment davantage l’entonnoir et la difficulté d’exister pour pas mal de musiciens, mais je ne vais pas cracher dans la soupe de l’industrie. »

Second point d’importance, artistique, Xavier a demandé à Stéphane Laporte de venir en fin de parcours coproduire et mixer le disque. Boyer a été séduit par le travail de Laporte sur un album insulaire, celui d’Orval Carlos Sibelius. « J’avais besoin de quelqu’un pour rejoindre le procédé de fabrication du disque: Stéphane avait du recul sur les chansons et surtout, il a mixé, chez lui, utilisant par exemple des échos à bandes et des méthodes en parties artisanales fuyant le confort des studios standards. » Du coup, avant un concert belge pressenti pour 2018, Xavier retourne sur ses terres de succès: la France et, surtout, le Japon. « J’ai dû y aller une trentaine de fois et les premières dates passent par Nantes, Lyon, Paris et Tokyo! J’espère que ce pays me fera une place, et que le public sera touché par les chansons qui ont utilisé mes chakras, tu sais, quand tes petits tiroirs personnels sont bien ouverts. »

(1) Something/Anything? sorti par Rundgren en 1972.

(2) Liégeois devenu Parisien, travaillant chez Virgin et Barclay avant de fonder sa propre boîte.

Xavier Boyer, Some/Any/New, chez Hot Puma Records ****

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