Wire, acid pop

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A contre-courant d’un mouvement punk qui n’a tenu ni ses promesses, ni la longueur, Wire sort un nouvel album corrosif étonnamment inspiré.

De la classe historique de 1977, il reste peu de monde. Exit Ramones, Clash, Generation X, Television, Talking Heads, Magazine, Jam, pour cause de morts et d’implosions. D’autres restent en circulation, malgré la perte de membres essentiels (The Stranglers sans Hugh Cornwell), tentent un retour en forme modérée (Gang Of Four) ou se contentent du circuit revival (Damned, Buzzcocks), voire des oripeaux d’une gloire fanée (Sex Pistols, PIL): leur musique n’a simplement plus la combustion insensée reliant, à la fin des années 70, un New York électrifié par sa propre décadence à une Albion gavée de nihilisme réactif.

Une rare exception à cette déconfiture magistrale dans le temps: Wire. Outsider de nature, le quatuor formé à Londres à l’automne 1976 est d’emblée dans une recherche formelle qui délaisse la jouissance crachotante du punk vintage: ni glaviots, ni épingles de sûreté, ni slogans politiques cousus dans la provoc. Même si le groupe est présent sur un document d’époque (Live At The Roxy WC2), sa musique est viscéralement post-1977. Coupes de garçons cybernétiques, costards monochromes, distinction bohême empêchent toute transpiration avouée: Colin Newman, Graham Lewis, Bruce Gilbert et Robert Gotobed s’annoncent arty et expérimentateurs.

Tectonique sonore

Free music – Red Barked Tree

Sur le premier album, Pink Flag, sorti fin 1977, Wire livre 21 morceaux, parfois ridiculement courts (28 secondes pour Field Day For The Sundays), comme un enchaînement d’orages magnétiques déboussolant le pôle rock. L’année suivante, Chairs Missing, pièce maîtresse, incarne dans Outdoor Miner et surtout I Am The Fly une tectonique sonore qui embrasse de fascinante façon les contours acérés des mélodies. C’est à la fois brutal et velouré, questionnant, in fine, le sens du modernisme en pop.

Ce dernier mot, Wire le pousse dans ses retranchements, cherchant à créer un langage éruptif et opiacé, naturellement hors mode. Mais pas imperméable. Après avoir complété une première trilogie discographique avec 154 (1979), les musiciens n’ont plus cessé de faire des allers-retours entre leurs autres projets et la mère matrice de Wire, irrégulièrement mais inévitablement revisitée. Que le groupe explore l’électronica (Manscape, 1990) ou repousse les frontières du rêve et de l’inconscient (A Bell Is A Cup… Until It Is Struck, 1988), il crée une musique fuyant avec avidité les stéréotypes. R.E.M., Franz Ferdinand, The Cure et Henry Rollins seront parmi les admirateurs notoires.

On ne s’attendait néanmoins pas à ce que le nouvel album, le douzième (Red Barked Tree, Beggar’s Banquet), soit à ce point convaincant, inspiré et, excusez le mot, rafraîchissant. Désormais à trois (sans Gilbert), Wire combine le meilleur de la pop acide et un talent narratif qui, cela va sans dire, n’ont strictement aucune date de péremption.

Wire, Red Barked Tree .

Wire sera en concert le 11 février au Botanique.

Philippe Cornet

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