Von Durden: « La clé de voûte, c’est le fun »

Von Durden © Groove Man
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Les Belges sortent leur 3e album, brut de décoffrage. Où il est question de rock qui tache, de riffs qui dérapent, d’huiles essentielles, et de sodomie canine. Fun, fun, fun!

Cela ne s’invente pas. Du côté de Morlanwelz, le local de répèt’ de Von Durden est situé rue… Mon Plaisir. Presque logique pour un groupe qui a érigé le fun et la déconne comme ingrédients de base de leur rock à combustion. La preuve dès la pochette de leur nouvel album, sobrement intitulé III. En gros plan, le faciès moustachu et passablement ahuri de Kevin Dochain, guitariste du groupe. La photo a été prise un lendemain de beuverie et aurait dû rester planquée dans les tréfonds de Facebook, si elle ne reflétait pas justement l’esprit de l’entreprise Von Durden: à la fois farce et force, pileux comme Lemmy, lippu comme Mick, pour citer deux fondamentaux.

Il n’est jamais simple de pratiquer le rock au Royaume. Surtout quand on vient du Sud du pays (voire du Centre), et que l’on évite la pose indie-rock, pour assumer une direction plus rentre-dedans, davantage Queens of the Stone Age que Radiohead. Pour Von Durden, le 2e album, Dandy Animals, sorti en 2011, aurait dû débloquer la situation. C’est un peu le contraire qui s’est passé. « Après ça, certains nous ont même donnés pour morts », avoue Nicolas Scamardi, principal compositeur du groupe. Un changement de line-up plus tard -Fabrice Giacinto (Romano Nervoso) à la basse, Marie Delsaux (Gladys) aux claviers-, il était donc temps de recadrer les choses. Et de revenir aux basiques. Elliott Charlier (chant): « Quand vous vous posez des questions, comme on l’a fait pour le 2e album, et que cela ne fonctionne pas, il ne reste plus qu’une solution: faire ce que vous aimez vraiment, et arrêter de se prendre la tête. Se retrouver autour des compos de Nico, devant l’ordi, avec une guitare, une basse, en buvant des bières, et en discutant… Finalement, c’est ce mode de fonctionnement qui nous convient le mieux. » Fabrice Giacinto: « Ce groupe, ce n’est pas un hobby, ce n’est pas le match de minifoot que tu joues une fois par mois. On a été trop loin pour ça, on a atteint le point de non-retour. »

La reine Christine

Von Durden tiendrait donc du buddy movie, rock couillu filant à toute berzingue, sérieusement second degré, avec des paillettes, de la sueur, de l’alcool… (même si en coulisses, derrière l’une ou l’autre phrase, on devine deux, trois tableaux moins drôles, histoires pudiques de rupture, de suicide). Kevin Dochain: « L’objectif était de se recentrer, repartir avec une nouvelle énergie. » Nicolas Scamardi: « On n’a rien inventé, mais on le fait à notre sauce. La clé de voûte, c’est le fun. » Avec un objectif clair: réussir cette fois à traduire sur disque l’énergie des concerts. Elliott Charlier: « Souvent, après nous avoir vus sur scène, les gens étaient un peu déçus de l’album. Aujourd’hui, j’ai l’impression que le lien est plus clair. »

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On confirme. Pour cela, Von Durden a pu compter sur les services de Christine Verschorren, qui avait déjà impressionné le groupe avec son travail sur les albums de Ghinzu, Das Pop, les Anges… L’ingé son a ses propres méthodes, parfois étonnantes… « Si t’es pas ouvert, t’es mort. » Elle peut ainsi passer plusieurs heures à fignoler un mix, quitte à dépecer tout le moteur du morceau. « Là, vous flippez, vous vous demandez vraiment ce qu’elle est en train de faire, explique Nicolas Scamardi. Puis tout à coup, en trois quarts d’heure, tous les éléments se remettent en place, comme un Transformer! C’est une véritable sorcière! »

Surprise aussi quand elle propose à tout le monde de se frotter les poignets avec des huiles essentielles, ou qu’elle se lance dans l’une de ses explications « imagées ». Nicolas Scamardi toujours: « Disons que vous ne comprenez pas toujours directement ce qu’elle attend de vous. Mais c’est ce qui est gai! Elle nous expliquait par exemple que pour être dans la même énergie, il fallait se tenir jambes écartées, et s’imaginer un tuyau qui nous rentre dans le pelvis, relié au sol, où chacun serait un « petit serpent »! » Elle peut également demander de garder le solo de batterie électronique à la Phil Collins présent sur l’une des maquettes –« on a pourtant essayé de lui faire comprendre que c’était une blague! »– ou consacrer pas moins de sept pistes au seul son d’une… cloche. « Comptez, entre autres, la piste de base, une autre sur laquelle est ajoutée de la distorsion, une troisième qui additionne les deux premières, une quatrième sur laquelle vient se greffer l’aboiement d’un chien en train de se faire sodomiser! (rires). Authentique! Vous ne l’entendrez pas, mais il est là! Il faut isoler la piste et là: wouf! (rires)« .

La méthode Verschorren surprend donc, interpelle, voire déstabilise. Comme quand Fab’, carré et direct, galère pour trouver le jeu de basse qui conviendra à la productrice. « Je ne comprenais pas ce qu’elle attendait de moi! Je devenais fou! A un moment, elle m’a emmené dehors. Elle m’a pris les avant-bras, a commencé à les masser, tout en me parlant de ma famille, de mes enfants… « OK, je vois, je vois… » Quand elle a eu terminé, je suis rentré, j’ai pris ma basse, j’ai joué. C’était bon! » Magie? « Honnêtement, pour moi, je n’ai pas entendu la différence, avoue le bassiste. Mais il y a un mois, quand on a reçu l’album définitif, je me suis retrouvé à l’écouter dans la voiture avec ma femme et mes enfants. Au bout du morceau en question, Third Beat, je les regarde, j’avais les larmes aux yeux… Ma femme ne captait pas: « T’es con ou quoi? » (rires). Aujourd’hui, à chaque fois que j’écoute ce titre, j’ai la chair de poule. » Von Durden, ces grands durs au coeur tendre…

Ce n’est pas nous qui le disons!

Von Durden:

Parce qu’on connaît bien le guitar-hero de Von Durden (Kevin Dochain gère le site du Focus), et qu’on ne voudrait pas non plus qu’il y ait de méprise, on a demandé avis plus « objectif », sous surveillance de huissier. Alors, le dernier VD, c’est vraiment bien? La réponse, enthousiaste, de Luc Lorfèvre, notre camarade chef des pages musique du Moustique. « Après un Dandy Animals au son plus léché, un changement de line-up et « les bonnes questions qui ont été posées au bon moment », Von Durden déboule avec III et on se prend une grosse claque. En dix morceaux qui sentent le soufre, l’urgence et le lâcher-prise, le groupe donne sa vision du rock tel qu’il doit sonner aujourd’hui. Avec des titres qui claquent comme des slogans (Dead Queen, Attraction, Third Beat, Like a Bazooka), un son sans esbroufe, des chansons qui vont droit au coeur mais visent aussi les tripes, de vraies mélodies et une démarche atypique. »

  • Von Durden, III, VVega/Pias. En concert, le 01/10, au Botanique, Bruxelles.

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