Critique | Musique

Un peu Yusuf, beaucoup Cat

Cat Stevens en concert à Forest National. © Ph.Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Cat Stevens était en concert ce dimanche 9 novembre. Un long show dans un Forest-National peu garni mais au final, une prestation très bien reçue.

A Forest-National, ce dimanche 9 novembre, il y a peu de monde, 3000 personnes environ, et encore moins de juniors. Pas d’ados, quelques prototypes de trentenaires (égarés ?) et un maximum de quinquas en couples ou filles sorties à deux ou trois, vestige de la catstevensmania seventies. Qui fût une grosse affaire combinant joli minois et bataillons de tubes, le tout sous perfusion de romantisme inquiet, caractéristique endémique de celui qui se présente aujourd’hui comme Yusuf flanqué d’un autocollant Cat Stevens. Preuve de l’inquiétude ? Il interdit les images (pros) en concert et convie deux photographes -dont votre scribe- à dix minutes de shooting lors du soundcheck vers 17h30 dans un Forest forcément vide, hormis une dame en foulard au premier rang. Madame Yusuf on présume. Plus tard, alors qu’il va reprendre le vieux standard égrillard de Sam Cooke, Another Saturday Night, il expliquera benoîtement qu’il ne s’agit plus de « courir après les gonzesses »- mot d’ordre original du titre- mais bien de courir après un boulot (…). Rick James, ce n’est pas. Même s’il a le courage de distiller à peu près tous les morceaux de son nouvel album, Tell’ Em I’m Gone, sous forte influence noire, celle en particulier du blues. D’ailleurs, sa reprise de Leadbelly est l’un des seuls moments où les guitares crachent rock, la majorité de ce très long concert de 34 morceaux, filant doux sous les ballades ou les mid-tempos étoilés. Le son est parfait, le volume aussi, les cinq accompagnateurs juste efficaces, même si Yusuf a embauché son compagnon des années de gloire, Alun Davies. Qui, comme le public, est assis dans cette grande cruche de Forest pas trop garnie, face à cette ex-idole des jeunes -premier tube, I Love My Dog, à 18 ans- qui se produit devant une fausse gare tout droit sortie d’Harry Potter. Oui, Peace Train, évidemment.

Chocolats

Il est vrai que le retour scénique événementiel après 35 ans d’absence des scènes belges, c’est déjà fait, en juin 2011, dans le même Forest, là où il passe également en mai 1976, avant de quitter bientôt la pop pour Mahomet. Pas que Cat ait jamais été un fou des prestations belges: ajoutez-y aux susnommées, un passage au Festival de Bilzen en 1970, et le compte chez nous doit être à peu près bon. Soigneusement, le sexagénaire (1948) introduit chaque chanson, que ce soit le Here Comes My Baby (The Tremoloes), People Get Ready (The Impressions) ou son propre et splendide First Cut Is The Deepest (« celle que Rod Stewart n’a pas écrite« ). Pas question de religion dans les interludes pas plus que de politique, à l’exception du Gold Digger composé alors qu’il avait Nelson Mandela en tête. On ne comprend pas très bien l’entracte d’une demi-heure, barbant, et la façon music-hall old school de ne pas enchaîner les morceaux pour classiquement faire monter la sauce. Dommage parce que la vieille magie n’attend que les classiques pour sortir de sa malicieuse boîte à poussières: ils n’y sont pas tous mais Cat joue quand même Oh Very Young, Where Do The Children Play, Moonshadow, Wild World, Sad Lisa, Morning Has Broken et Father And Son, pendant lequel on verse une larme (pour du vrai). Le tout avec une voix qui a conservé son vibrato mélo même si l’artiste avoue « ne plus pouvoir monter dans les aigus comme avant ». In fine, Yusuf semble content, demande si on lui a apporté des chocolats (oui), et conclut ce long show forestois bien reçu, par Trouble, titre écrit alors qu’il se remettait pendant près d’un an de la tuberculose, vers 1970. Sacrée histoire quand même.

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