Un jeudi au Pukkelpop

© Caroline Lessire
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Non. Rihanna n’a pas dormi en Belgique après son concert… Mais sinon il s’est passé quoi au Pukkelpop jeudi? De Cassius à Battles, de Chvrches à The Kills, deux résumés d’une journée contrastée.

Face A

Mick Jenkins. Mais t’es où? Pas là. Mais, t’es pas là mais t’es où… Non, le Pukkelpop n’a pas invité Vianney. Il y a des limites quand même. C’est juste qu’on a attendu et que Mick Jenkins n’est jamais venu. C’est souvent comme ça avec les rappeurs ricains. Soit ils foirent, soit ils annulent. Son matos était pourtant installé sur scène. Zai zai zai zai…

Ezra Furman. Petite jupe, joli top et grands colliers… Ezra Furman a beau chanter des morceaux sur son grand-père réfugié qui a fui les nazis, il est plutôt du genre flamboyant. Une diva rock au masculin qui aime le saxophone, observe le shabbat et lit des morceaux de la Torah chaque semaine. That’s all « folle »…

Edward Sharpe. On se souvient encore de lui avec les tubes disco punkoïdes d’Ima Robot. Alex Ebert alias Edward Sharpe est passé avec sa secte les Magnetic Zeros prêcher tant bien que mal la fraternité et le port du poil long. Tentative de duo avec une inconnue, tribune pour ceux qui ont une histoire à partager… « Je suis un peu orphelin aujourd’hui. Mon père vient de mourir. Mais n’ayez pas peur. La vie est tout ce que vous avez », raconte au micro un festivalier à la barbe blanche. Hippie Hippie Hourra.

Warhaus. « Tiens. On dirait Balthazar qui essaie de faire du Nick Cave. » Bon sang mais c’est of course, Warhaus est le projet solo de Maarten Devoldere. En groupe, et même accompagné d’une danseuse d’ailleurs, le chanteur et guitariste de l’acclamé groupe flamand présente un premier album We Fucked a Flame into Being à paraître le 2 septembre chez Pias. « C’était une reprise de Red Right Hand? »

Cassius. Des palmiers, un volcan en fusion… Philippe Zdar et Hubert BoomBass ont fait péter le décor. Le décor d’un film d’Ed Wood peut-être. Mais le décor quand même. Du haut de sa montagne, et non sans quelques petits pépins techniques, le duo électronique français a donné un avant-goût d’Ibifornia. Un « îlot imaginaire entre Ibiza et la Californie » (ouverture au public le 26 août) sur lequel il a entre autres ramené Pharrell, Cat Power et Mike D (Beastie Boys). Une première date de tournée, une heure un peu précoce. Peut mieux faire…

Flying Horseman. Il ne faut pas avoir le vertige avec le cavalier volant Bert Dockx. Grattes tournoyantes, ambiance sombre et habitée. Dans la Wablief où on écoute du post punk limbourgeois, de la dreampop anversoise, des médailles d’argent au Humo’s Rock Rally, le sextet emmené par le virtuose guitariste de Dans Dans nous a plongé dans la nuit avec une prestation tendue, possédée et fiévreuse. Haut de gamme.

Battles. C’est toujours un petit peu la même chose avec le super trio américain. Le début de tournée est approximatif, tâtonnant. Puis la machine se met en marche et même quand un grain de sable vient se glisser dans la mécanique, elle l’écrase, le pulvérise, le broie… Ian Williams, Dave Konopka et le toujours aussi impressionnant et physique John Stanier, cymbale haut perchée, ont à nouveau fait des ravages. Battles royal.

Neurosis. Besoin de se décrasser les oreilles rien qu’à l’idée d’entendre un morceau de Rihanna? Neurosis préfère le kärcher que le coton-tige. Les Américains, dont le nouvel album Fires within Fires sortira le 23 septembre, ont envoyé du lourd. De quoi oublier l’affiche parfois très commerciale de cette édition 2016.

Warpaint. On peut reprocher pas mal de choses à la programmation du Pukkel (non, ce festival n’est plus aussi passionnant qu’avant). Mais pas de délaisser le rock, la nuit venue, pour s’abandonner exclusivement aux sirènes du dancefloor. A une heure du mat, alors que Mastodon fait trembler le Shelter, les Californiennes de Warpaint ont bouclé la journée au Club et dévoilé de nouvelles facettes plus joyeuses et moins dream pop.

Julien Broquet

Face B

Flatbush Zombies. Après avoir erré sur le site entre une poignée de groupes semi-convaincants, le gang de Brooklyn sera notre réelle entrée en matière. Avec leur hip hop cracra, particulièrement cru, les 3 MC’s éructent leurs couplets énervés de gauche à droite de la scène, se jettent dans le public pour mieux le haranguer… Délicieuse prise en otage.

Robbing Millions. Ils occupent pour ainsi dire le même slot que BRNS il y a deux ans à l’affiche du Pukkelpop: l’outsider « francophone » (quoi qu’il y a également des Flamands dans le groupe), qui est en bonne voie de conquérir le nord du pays autant que le sud avec un premier album aussi foutraque que prometteur. Génialement habité, groovant à contre-courant et alignant les refrains ultra chantants: pas de doute, on en reparlera.

Ry X & The Tallest Man on Earth. De la difficulté de programmer de la folk en festival. En 2012, Jens Kristian Matsson emmenait le public dans les hautes sphères, public qui lui arrachera un rappel obligatoire -et mémorable- alors que les Stone Roses balançaient pourtant un déluge de décibels juste en face. Aujourd’hui, il aura joué devant un public très bavard et disséminé, peu prompt à favoriser un réel échange. Il ira jusqu’à engueuler quelques distraits du premier rang entre deux morceaux en solo. Même enroule pour Ry X qui, même s’il dissémine quelques éléments d’électro dans sa folk hypersensible, se retrouve face à un public dissipé et braillard. À revoir dans d’autres conditions.

Wolfmother. Le carnage. Son criard au possible, nouveaux morceaux laissant plus qu’à désirer, le groupe qui faisait pourtant partie de nos héros d’adolescence (l’album Wolfmother, 2005) part en roue libre et ne donne même pas l’impression de jouer ensemble. Salut.

Eagles of Death Metal. Si on a toujours voulu séparer un maximum la musique de Jesse Hughes de ses idées politiques scabreuses, ses déclarations plus que limites à répétition n’auront fait qu’entacher l’image qu’on a du bonhomme. C’est d’ailleurs peut-être pour les mêmes raisons qu’il a perdu un énième batteur au passage. Quoi qu’il en soit, son groupe fait le job, les classiques I Only Want You, Cherry Cola ou Speaking in Tongues font leur effet mais éclipsent largement les nouveaux morceaux un peu bancals, surtout quand le moustachu délaisse sa guitare pour se la jouer pop singer.

The Kills. Le concert qui pue le sexe de la journée? Il était sous le chapiteau de la Marquee, plein à craquer. Merci Alison Mosshart. La dernière fois, il y a un bail, qu’on avait vu VV et Hotel sur scène, ils écrémaient encore leur formule en duo. Aujourd’hui, c’est avec un vrai groupe (batterie et claviers en bonus) qu’ils tournent à notre grand bonheur. Certes, leur dernier Ash & Ice est loin d’être leur meilleur, mais sublimé par un son crade et puissant, rehaussé des déhanchements lascifs de la blonde peroxydée en chef, l’ensemble prend un côté primal et brut qui nous prend aux couilles.

Clutch. Parlant de couilles, le gang du Maryland, qui faisait bonne figure entre Kyuss et Fu Manchu sur la scène stoner de la fin des 90’s, en a par kilos. Du gros riff bien gras qui dégouline, qui passe le blues du bayou à la moulinette heavy. Rhaa lovely.

Chvrches. La scène est marquante. Entre deux refrains pop ultra sucrés, la toute mignonne Lauren Mayberry crache un énorme molard sur scène. S’excuse, penaude, dès la fin du morceau: « Rho, je ne peux pas laisser ça sur la scène alors que Bloc Party y joue juste après. » Et s’enfuit illico backstage chercher une serviette pour nettoyer son carnage. Anecdote à part, on est fasciné par l’efficacité redoutable des hymnes synth pop dont chaque refrain est du genre à vous rester en tête toute la journée -voire bien plus. Même si le chapiteau était loin d’être rempli à pleine capacité, on aurait bien vu le trio sur la Main Stage et y faire un carton.

Rihanna. On s’attendait à un gros show à l’américaine, avec décorum outrancier et changements de tenues à répétition. Il n’en sera rien: Riri affiche une tenue sobre, aussi immaculée que sa toile de fond de scène, et n’en changera pas. Arrive tout de même avec 50 bonnes minutes de retard (diva oblige?) et entre en matière tout en douceur avec les skette-braguettes Stay et Love the Way You Lie. Pas vraiment fan de la demoiselle, on partait sans a priori négatif mais ne sera pas pour autant renversé par ce concert en pilotage automatique qui expédie les tubes façon medley histoire d’en placer un maximum.

Bloc Party. Pas de doute, les beaux jours de Kele Okereke et alii sont bien derrière eux. D’ailleurs, les classiques Banquet et Helicopter sont presque les seuls à susciter une réaction quasi-unanime dans le public très à la fête par ailleurs. Mention spéciale à la charmante batteuse qui recevra demande de rendez-vous et bouquet de roses en fin de concert…

Kevin Dochain

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