tUnE-yArDs: « J’aime l’idée de divertir les gens en variant les plaisirs »
Globe-trotteuse en formation continue, Merrill Garbus a visité Haïti, lu des bouquins, suivi des cours de chant, de percussions et de danse pour mieux réinventer la musique métissée de tUnE-yArDs.
C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule. Raison de plus de ne pas la boucler quand on s’appelle Merrill Garbus et qu’on a tant de choses à raconter. Née il y a 35 ans à New Canaan, dans le Connecticut, tUnE-yArDs est aussi rigolote et bavarde qu’exploratrice et aventureuse. Après BiRd-BrAiNs et whokill, sacré album de l’année par les lecteurs du Village Voice, la guillerette et souriante Américaine déballe son troisième disque et croque Nikki Nack. Joyeux bordel savamment organisé dont seule la bricoleuse du monde a le secret. « Je voulais un album dansant même si ça s’est un peu perdu en chemin, dit-elle devant la boîte à tisanes de La Fleur en papier doré, café bruxellois charmant et typé dans lequel se réunissaient jadis les figures de proue (Magritte, Scutenaire, Mariën) du surréalisme belge. Quand tu veux grandir en tant que musicien et en tant que groupe (Nate a travaillé de manière plus étroite avec moi cette fois), tu dois changer. J’ai donc renouvelé ma manière d’écrire. Notamment arrêté de composer à la pédale loop et acheté un clavier Moog. J’ai ainsi pu employer des sons que je n’avais jamais utilisés. »
Rentrée lessivée de tournée, Garbus a pris un mois de congé en septembre 2012. Chez elle, à Oakland, en Californie, où il fait chaud et beau, tUnE-yArDs a soufflé. S’est ressourcée et reconstruite. « J’ai fait des trucs sains. Je me suis promenée. J’ai cuisiné de bons petits plats. Pratiqué le yoga. Tourner peut rendre malade… Trop de café et d’alcool, pas assez de sommeil et d’eau. Nous avons des corps de sédentaires et j’arrêtais d’être une nomade pour la première fois depuis quinze ans. » Plus qu’à se reposer, Merrill a surtout cherché à avancer et à se renouveler. Comme les cadres, les enseignants et les ouvriers repartent en formation, elle a ainsi notamment pris des cours de chant. « Ma voix était fatiguée après tant de concerts. Et je devais revoir ma façon de l’utiliser. J’ai suivi deux leçons que j’ai enregistrées. Puis j’ai bossé dans mon coin. J’ai appris comment avoir une voix forte sans pour autant l’endommager. »
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Si l’un de ses exercices de chant est devenu un morceau, Garbus a aussi pris des cours de danse et de percussions haïtiennes. « Pour moi, c’est une question de survie. Sans eux, je m’ennuie. Je m’ennuie de moi-même. » Elle a d’ailleurs bourlingué pendant quinze jours à la découverte de cette petite République des Grandes Antilles. A assisté à différentes cérémonies locales. « Le stéréotype, c’est que tu vas être kidnappé, dévalisé… Mais tout s’est bien passé. On a fait une offrande au grand prêtre. On a donné de l’argent pour aider la communauté à survivre. Le vaudou, ce n’est pas que des gens possédés et des mecs qui tuent des poulets. Sous la surface, il y a Haïti, la première République noire indépendante. Un truc dingue pour le monde si tu y réfléchis. D’autant plus fou que la musique, la danse, les percussions y ont participé à la révolution de manière unique. »
How to Write a Hit Song?
Dans sa quête éperdue de renouvellement, Merrill a aussi pas mal lu. Le bouquin How to Write a Hit Song de Molly-Ann Leikin par exemple, dans lequel elle a appris que idéalement le titre d’une chanson doit être prononcé pendant ses 30 premières secondes. « Je sais que tUnE-yArDs ne sonnera jamais comme Katy Perry mais j’aime Cindy Lauper, En Vogue, Michael et Janet Jackson… Je devais apprendre comme ils avaient créé leurs tubes. » Ou encore Songwriters On Songwriting, un ouvrage où, comme son nom l’indique, des songwriters (Paul Simon, Leonard Cohen, Neil Young, Lauryn Hill, Madonna) parlent de songwriting. « Certains font du 9-17. D’autres vivent leur vie et foncent sur leur guitare dès qu’une idée germe. C’est marrant de voir toutes ces stratégies. L’écriture est difficile et ça m’a fait du bien de l’entendre. Ça n’avait jamais été le cas pour moi. J’avais bossé sur BiRd-BrAiNs toute seule dans ma chambre. Et whokill reposait sur des chansons qu’on avait beaucoup jouées sur la route. Elles étaient nées de manière très naturelle. »
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Globe-trotteuse, Garbus, qui s’est imposée des horaires de bureau, a écrit pendant deux semaines en regardant les cactus dans le désert de Mojave. A enregistré à Oakland dans le quartier chelou et craignos de Fruitvale avant de bosser avec les producteurs Malay (Frank Ocean, Alicia Keys) et John Hill (Rihanna, Shakira, M.I.A.) à Los Angeles. « Oakland peut être flippant. Il n’y a plus beaucoup d’argent pour la police, et le taux de criminalité a grimpé en flèche. Fruitvale est dur. Des familles essaient d’y vivre mais tu trouves aussi beaucoup de drogués à la meth et à l’héro. » Dur et bruyant. « Il y avait un groupe guatémaltèque dans notre studio les dimanches et lundis. Des mecs qui passaient en voiture avec du rap ou de la musique mexicaine à fond les ballons. Beaucoup de cris aussi. » Désormais, ils sont de joie, et accompagnent la sortie d’un album bariolé, percussif, jouette et jouissif (écoutez Real Thing pour voir) marqué par Pee Wee’s Playhouse. « Un programme pour enfants que je regardais avec ma soeur tous les samedis matins. C’était dingue. Psychédélique. Ses créateurs devaient en prendre de la bonne. Dans ce fourre-tout autour de Pee Wee Herman (personnage cher à Tim Burton, ndlr), il y avait de l’animation, des poupées, de la cuisine… J’aime l’idée de divertir les gens pendant l’entièreté d’une émission ou d’un disque en variant les plaisirs. Puis, Pee Wee a inspiré l’artwork de l’album en termes de couleurs. » Alors, qui veut un Nikki Nack?
- TUNE YARDS, NIKKI NACK, DISTRIBUÉ PAR 4AD. ***
- Le 16/05 au Cirque Royal, dans le cadre des Nuits Botanique, et le 5/07 à Rock Werchter (complet).
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