Critique | Musique

Trois jours de marathon électronique à Bruxelles

Collectif FTRSND © Andri Haflidason
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Du 14 au 16 octobre prochains, la capitale connaîtra son premier Electronic Marathon. Au programme, beats soutenus et grooves à foison, dispersés dans toute la ville. Dansez maintenant!

Le marathon de Bruxelles, le vrai, c’était la semaine dernière: 42,195 kilomètres de bitume, de crampes et de sueur. Dur, dur. Mais dès ce week-end, c’est un autre type de course qui va traverser la ville: le Brussels Electronic Marathon, dites BEM. Soit, du 14 au 16 octobre, trois jours de fiesta électronique, dispersée entre une trentaine de lieux (du Fuse au Bonnefooi, de l’Ancienne Belgique au disquaire Taille 33), avec des live, des DJ sets, des workshops, etc., mobilisant les principales forces vives de la scène bruxelloise (du label Vlek aux soirées Leftorium, Deep in House…).

L’événement est une grande première. Une big bamboule -mais pas que-, dans une ville qui a souvent eu le moral dans les chaussettes ces derniers mois. À l’initiative du projet, on trouve le collectif bruxellois FTRSND (prononcez Future Sound), lancé il y deux ans. Kesako? Brice Deloose, l’un de ses cofondateurs, actif depuis un moment sur la scène électronique de la capitale, explique sa genèse: « Quand on a créé FTRSND, on a interrogé une trentaine d’artistes sur leur activité. Comme souvent, la première chose qui en est ressortie est qu’il est difficile de vivre de son art. Mais un second constat, plus surprenant, était également qu’ils se sentaient souvent isolés. » D’où l’idée d’une plateforme, qui compte aujourd’hui une soixantaine d’artistes, « dont un noyau dur d’une dizaine de personnes ». L’union fait la force? Ou quelque chose comme ça, en effet. « Quand j’ai commencé à mixer à l’âge de 15 ans, tout était encore fort segmenté, chacun jouait dans son coin, voire se tirait dans les pattes. Aujourd’hui, j’en ai 29, et je constate que l’esprit a complètement changé, qu’il y a peut-être plus d’entraide chez la nouvelle génération. Est-ce que c’est lié à Internet, aux réseaux sociaux? Ou au fait d’avoir simplement pris conscience qu’on est plus fort ensemble? Aucune idée… »

À bien des égards, le BEM est l’exact prolongement de cet état d’esprit. L’idée est née au printemps dernier. La Ville lance alors l’appel à projets Make Brussels afin de redynamiser les quartiers du centre-ville. Brice Deloose saisit la balle au bond: pourquoi ne pas proposer d’y organiser un grand festival de musiques électroniques? Il n’est pas le seul à être convaincu de l’intérêt de la démarche. Parmi les 370 dossiers déposés, celui du BEM remporte le vote du public. Las, il est recalé par le jury… « On avait bossé comme des fous pour remettre le dossier à temps. Quand la décision est tombée, je crois que je n’ai jamais ruminé autant de sentiments contradictoires. J’étais à la fois dégoûté, déprimé. Et en même temps, je bouillonnais: tant pis, on va le faire sans vous! »

En un après-midi, Brice et son camarade Andri Soren font chauffer leurs carnets d’adresses et contactent une trentaine de collectifs. Tous partants. On est alors à la fin du mois du mai. Avec un événement envisagé au début de l’automne. Le Brussels Electronic Marathon sera d’abord un sprint…

Collectif FTRSND
Collectif FTRSND© Andri Haflidason

Circuit court

Le couac du concours Make Brussels aura au moins eu un effet positif. Limité au départ au quartier Dansaert, le BEM peut désormais s’étendre dans toute la ville. Pour sa première édition, il proposera ainsi un parcours partant de la place Flagey à Ixelles, pour remonter quasi en ligne droite vers le centre-ville, jusqu’au musée Mima, de l’autre côté du canal. Et cela, du vendredi au dimanche.

Le nom de l’événement lorgne vers un autre, bien connu des Bruxellois? Cela n’est évidemment pas un hasard. « Comment nommer un festival musical qui se veut fédérateur et qui se déroule dans plein de petits établissements différents? » En jouant sur l’allusion au Jazz marathon, « un événement d’ampleur, récurrent, un minimum structuré ». Avec l’envie aussi de miser sur les forces locales, puisqu’elles sont particulièrement bouillonnantes et diverses. « Cela fait partie d’une démarche assez générale: on mange bio, on privilégie le circuit court, etc. Il y a comme une lassitude des mégabazars, et l’envie de revenir à des choses plus proches de nous, à des valeurs plus humaines, plus sensibles. »

On l’a compris. Derrière le BEM, et à l’instar de ce qu’a pu proposer le festival Listen en avril dernier, l’objectif n’est pas purement événementiel. À l’heure où un tribunal allemand a décrété qu’un club techno comme le Berghain, à Berlin, devait être taxé, non pas comme un simple lieu de divertissement (19%), mais bien comme un endroit à visée culturelle (7%), à l’instar des théâtres ou des musées, il est peut-être temps de reconsidérer la place des musiques électroniques. En particulier à Bruxelles, où les pouvoirs publics traînent encore souvent la patte. « À cet égard, l’ambition est aussi d’entamer un débat avec tous les organisateurs partenaires pour essayer de débloquer la situation. Essayer de trouver des solutions pour l’avenir. Après tout, des villes comme Paris, Amsterdam ou Berlin tirent une réelle activité économique liée à la nightlife. Pourquoi Bruxelles ne pourrait-elle pas miser là-dessus? » Le but n’étant pas forcément de transformer la ville en méga-boîte de nuit. À côté des soirées, le BEM s’est d’ailleurs échiné à varier les plaisirs: workshops, débats, installations au Mima, au Brussels Beer Project et même brunch électro… « L’objectif est de montrer que la culture électronique est multiple et diverse, conclut Andri Soren. Exactement comme l’est Bruxelles en fait. »

BRUSSELS ELECTRONIC MARATHON, DU 14 AU 16/10. HORMIS LES PRINCIPALES SOIRÉES DU WEEK-END (P. EX. UNITED AU FUSE, RÉUNISSANT PAS MOINS DE HUIT COLLECTIFS), LA PLUPART DES AUTRES ACTIVITÉS DU FESTIVAL SONT GRATUITES. PLUS D’INFOS: WWW.BEM.BRUSSELS

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