Tiger King, Sinclar, Drake…: les nouvelles figures pop du confinement

Tiger King (Au Royaume des fauves) © Netflix
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Que restera-t-il de ces jours et ces nuits d' »isolement » passés à bingewatcher Netflix ou à zapper entre les live Instagram? Une apparition de Godard ou les mix de Bob Sinclar? Premier bilan d’une quarantaine vue par la lorgnette de la pop culture.

La « parenthèse » du confinement aura donc duré deux mois. Elle est encore loin d’être totalement refermée -a fortiori pour les acteurs culturels, pour qui les perspectives de reprise restent floues (euphémisme)… Il n’empêche: pendant près de huit semaines, le pays et une bonne partie de la planète ont basculé dans ce moment historique où tous ceux qui le pouvaient ont été « invités » à se cloîtrer -chacun chez soi, Marius Gilbert pour tous.

Passé la sidération, les plus optimistes ont cru y voir une opportunité pour ralentir, se retrouver, préparer son propre levain, terminer le fameux puzzle de 1.000 pièces (leurs ventes ont explosé) ou se remettre au yoga devant une session Zoom. Même si, en vrai, le plus souvent, il aura surtout fallu surfer de manière schizophrénique entre les conference calls du boulot et les devoirs à domicile envoyés par les profs des gamins… Pendant ce temps-là, la planète pop n’a jamais vraiment cessé de s’agiter. Pour certains, elle a même tourné à plein régime (kikou Netflix). De nouveaux visages sont ainsi apparus -qui aurait cru que l’une des « figures » du confinement serait un patron de zoo gay polygame américain, fan de gros chatons et de country ringarde?-, d’anciens ont refait surface. Des habitudes ont été prises, bonnes et mauvaises, servant de refuge ou d’exutoire à l’anxiété générale. Cela s’est passé sur le « balcon » de 20 heures, devant la télé, ou plus encore sur les réseaux sociaux, où même Johnny Depp aura fini par venir faire un tour (176.000 abonnés, 15 minutes seulement après la publication de son premier post). Ces mêmes réseaux qui auront fait de la chorégraphie de danseurs ghanéens portant un cercueil, le mème le plus viral de la quarantaine. L’ironie de la Toile, envers et contre tout…

Bob Sinclar

Le grand ambianceur, c’est lui. Dans la foule de livestreams qui ont inondé les réseaux dès les premiers jours du confinement, celui diffusé chaque jour à 14 heures sur Facebook par le DJ français aura tiré son épingle du jeu. Partagés par milliers (près de 90.000 partages et 6,5 millions de vues pour la session funk du 19 mars!), ses mix feelgood sont devenus une sorte de rituel quotidien incontournable. C’est plutôt inattendu de la part de Bob Sinclar, prototype même du DJ des campings qui bronze la moitié du temps à Ibiza, débitant une dance aussi subtile et goûtue qu’un Pisang orange. Enfermé dans son studio moquette léopard, le taulier de la French Touch s’est toutefois rappelé qu’avant de passer pour un sous-David Guetta, il a oeuvré sur des terres musicales plus vastes, propriétaire d’une collection de vinyles juteuse, entre house, disco, hip-hop et funk. Sans rien perdre de son accessibilité, il a enchaîné les sets savoureux, transformant ses harangues beauf en enthousiasme communicatif.

Bob Sinclarhttps://www.facebook.com/BobSinclar/https://www.facebook.comFacebook1889

Day 3 Lockdown – Classic Funk Live DJ Set #ensembleàlamaison #togetherathome

Geplaatst door Bob Sinclar op Donderdag 19 maart 2020
video1.0https://www.facebook.com/BobSinclar/videos/585098838763911/500

Koh-Lanta (et les commentaires de So Foot)

Certains auraient pu croire que la télévision allait profiter du confinement. C’est loupé. Lent à rebondir, coincé par l’arrêt des tournages et dès lors condamné à avancer ses éternelles rediffusions estivales (les Gendarmes), le petit écran a confirmé son statut de média vieillissant. Seuls les poids lourds ont surnagé, comme le concours Top Chef ou la téléréalité Koh-Lanta (quitte à être tronçonnée pour tenir jusqu’au déconfinement). Lancée fin février, la 20e saison continue de battre des records d’audience et de générer son lot de commentaires sur le Net. À ce petit jeu, c’est le média… So Foot qui s’est imposé. Privé de compèt, le mensuel foot français s’est rabattu sur les « aventuriers » pour commenter leurs exploits en direct et délivrer leur cote d’après-matchs, à coup de brèves de comptoir souvent jubilatoires. En attendant la réouverture de la buvette du stade…

Tiger King, Sinclar, Drake...: les nouvelles figures pop du confinement

Tiger King

À moment « surréaliste », documentaire improbable. Se serait-on seulement penché sur l’histoire de Joe Exotic si l’on ne s’était pas retrouvé enfermé chez soi, avec de longues soirées à tuer? Diffusés par Netflix à partir du 20 mars, les sept épisodes de Tiger King racontent le parcours d’un directeur de zoo branché gros félins et jeunes garçons, grand défenseur du port d’arme et de la coupe mulet. Obsédé par la rivalité avec Carole Baskin, directrice d’un refuge pour animaux, il est accusé d’avoir commandité son assassinat. Entre true crime et malaise TV, Tiger King fourmille de personnages invraisemblables: marginaux édentés, amputés (souvent littéralement) de la vie, hommes d’affaires chelous, ex-mafieux, gourous effrayants, amants drogués… Trash, le docu fascine et repousse à la fois, donnant à voir un pays complètement dingo et déclassé, comme resté bloqué dans sa mythologie du Far West. Soit l’Amérique qui a permis d’élire un président qui conseillait encore récemment de boire un capuchon d’eau de javel pour se prémunir du coronavirus. Ou plutôt, celle qui s’est retrouvée à l’hôpital après avoir suivi ses recommandations…

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Le son 8D

D’un côté, les innombrables concerts en appartements, enregistrés devant un papier peint défraîchi, et avec une qualité sonore souvent approximative. De l’autre, comme en réaction, le regain d’intérêt pour les enregistrements en « 8D ». Le phénomène n’est pas neuf, et le procédé un peu fumeux. Pendant ces quelques semaines de « flottement », les musiques mixées en « 8D » auront toutefois pullulé sur YouTube. À la faveur surtout d’un remix d’un titre de Billie Eilish, Ilomilo, qui, avec plus de 8 millions de vues, est en train de devenir le premier « tube » de l’ère binaurale. Soit un procédé équivalent au ciné 3D, qui permet de créer un son immersif lors de l’écoute au casque, pour un résultat potentiellement bluffant.

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La résurrection d’Habbo

À défaut de contacts réels, l’enfermement a été l’occasion d’approfondir des réalités plus virtuelles. Lancée le 20 mars, la dernière version du jeu Animal Crossing est arrivée juste à temps pour surfer sur la tendance. Mais elle n’est pas la seule. De manière assez inattendue, on a ainsi pu assister à la renaissance de la plateforme Habbo. Créé en 2000 par la société finlandaise Sulake Corporation, le jeu permet de créer son propre avatar, de se balader dans un « hôtel » virtuel pour y mener une vie parallèle et discuter éventuellement avec des inconnus parfois situés à l’autre bout du monde. Selon la société, le nombre d’utilisateurs aurait augmenté de 213% rien qu’entre le 25 février et le 24 mars…

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The Chronic en streaming

Il a fallu une pandémie pour que The Chronic, le premier album solo de Dr. Dre et l’un des disques les plus importants de l’Histoire du hip-hop, soit enfin disponible sur la plupart des plateformes de streaming (jusqu’ici, seul Apple Music le proposait dans son catalogue). Pour rappel, à sa sortie en 1992, The Chronic avait complètement chamboulé la planète rap, popularisant le g-funk (et déroulant le tapis rouge pour un rappeur alors quasi inconnu: Snoop Dogg). Sélectionné au début de l’année par la Bibliothèque de Congrès américain pour intégrer son registre des oeuvres culturelles les plus significatives, The Chronic a été « libéré » sur les plateformes le 20 avril. Soit le jour où est célébrée chaque année la culture du cannabis. Un joli coup de Dr. Dre: confinés dans leur appart’, les fumeurs de joints du monde entier lui disent encore merci…

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Le manoir de Drake

Les paris étaient lancés: qui allait rebondir en premier sur la crise du coronavirus? En la matière, on peut toujours compter sur les rappeurs, les plus réactifs et raccord avec l’époque. Avec, en tête de gondole, ce bon vieux kéké de Drake. Teasé sur TikTok, son morceau Toosie Slide est directement rentré à la première place du Billboard US -faisant du Canadien le premier artiste masculin à placer trois morceaux au top dès leur sortie. Le 3 avril, le tube a eu droit à son clip. Dans un Toronto désert, Drake rentre chez lui. Masquée et gantée, la superstar fait le tour du propriétaire, entre deux pas de danse (la choré TikTok donc, la boucle marketing étant bouclée). Salle des trophées, oeuvres d’art, marbre à tous les étages, piscine intérieure et feu d’artifice final avec vue aérienne sur le gigantesque manoir. Le clip bling-bling du confinement, y compris dans ce qu’il peut charrier d’ennui…

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Dua Lipa

Fallait-il sortir son album en pleine pandémie et parier sur la disponibilité inédite d’un public en recherche d’évasion et de divertissement? Ou, au contraire, freiner des quatre fers pour ne pas atterrir au milieu d’une actu plombée, comme l’a fait par exemple Lady Gaga? La jeune Dua Lipa a tranché pour la première solution. Après le carton de son premier disque, l’Anglaise jouait pourtant gros. Fin 2019, un premier single aux paroles prophétiques – « don’t show up, don’t come out » sur Don’t Start Now– avait chauffé la piste. L’album Future Nostalgia a confirmé l’option dance/pop décomplexée. Et de s’imposer ainsi comme l’un des antidotes les plus régressifs, mais ô combien efficaces, à la sinistrose du moment…

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Jean-Luc Godard sur Instagram

La scène avait quelque chose de symbolique. Quand l’un des papes de la Nouvelle Vague, grand penseur de l’image et de son pouvoir, a pris le temps de commenter la crise du coronavirus, il n’est pas apparu sur un écran de cinéma ou de télé, mais bien sur Instagram. C’était le 7 avril dernier, sur le compte de l’Ecal, l’École cantonale d’art de Lausanne. Depuis son domicile suisse, Jean-Luc Godard, 90 ans cette année, a répondu aux questions pendant une masterclass d’une bonne heure et demie, parlant de sa voix chevrotante, mélangeant comme souvent l’anecdotique et les fulgurances à valeur d’oracles. « Le virus est une communication: comme ce qu’on est en train de faire… Donc on ne va pas mourir, mais peut-être qu’on n’arrive pas à bien en vivre », expliqua notamment le grand réalisateur, coincé dans le format vertical du réseau…

1.0As promised, the entirety of the #ECAL #Instagram #Live with #French & #Swiss #Filmmaker #JeanLucGodard is now online – with #English subtitles – check this out on www.ecal.ch (also available on the ECAL Vimeo channel) – conversation with #LionelBaier Head of the #Cinema Department @ecal_ch – #instagood #film #movie #newwaveecal_chhttps://www.instagram.com/ecal_ch6512758092296479121212991510_651275809Instagramhttps://www.instagram.comrich658

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Christophe au bout de la nuit

Passé les bonnes résolutions – « je vais profiter de la quarantaine pour enfin regarder à bout de souffle« -, le temps confiné a surtout constitué à errer. Ce qui a permis parfois de tomber sur de vraies pépites. On a déjà évoqué ici même le Ben et Bertie Show, concept aussi absurde que génial d’émission variét’ post-Maritie & Gilbert Carpentier, imaginé par Bertrand Burgalat en 2013 et 2014, et visible désormais sur YouTube. Plus flottant encore, le documentaire qu’ont consacré les vidéastes Ange Leccia et Dominique Gonzalez-Foerster à Christophe en 2009. Jusqu’ici inédit, Personne n’est à la place de personne est toujours disponible sur le site de la Cinémathèque française. Il suit le chanteur sur scène et dans ses digressions nocturnes, raccord avec sa poésie décousue et lunaire.

Instagram Live: trois questions à Martin Vachiery

Un dimanche matin de confinement, au petit-déjeuner. Sur son compte Instagram, le journaliste rap Mehdi Maïzi discute en direct avec Hamza et son producteur Ponko, qui viennent visiblement de passer la nuit en studio. De l’autre côté de l’écran, ils sont plus de 700 à suivre l’interview… C’est l’une des tendances de la quarantaine. Si tous les réseaux sociaux ont turbiné, nul n’aura autant rassemblé qu’Instagram et sa fonction live. Comme Mehdi Maïzi (mais aussi Mouloud Achour de Clique, etc.), Martin Vachiery, rédac chef du média urbain Check, a investi l’outil, pour lancer une « libre antenne » quotidienne, en duo avec son collègue Lansky, du site rap Yard.

1.0Vos meilleurs amis de confinement ? Avec @lansk.y on est en live sur Insta le soir avec vous, au moins jusqu’au 11 mai, force à tou.te.s ✊martinvachieryhttps://www.instagram.com/martinvachiery19909314532286652356468527471_1990931453Instagramhttps://www.instagram.comrich658

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Comment est née l’idée?

À la base, ce n’est pas un truc que je faisais très souvent. À titre personnel, j’ai toujours préféré livrer un contenu monté, édité, plutôt que lâché comme ça, en direct. Mais avec Lansky, qui est l’un des journalistes rap français les plus drôles et pertinents que je connaisse, on avait envie de faire quelque chose de ce confinement. C’est comme ça qu’un soir, il a lancé une tier list (classement, NDLR) de rappeurs en live, je l’ai rejoint, et ça a directement pris.

Pourquoi Instagram?

Honnêtement, l’appli live n’est pas très pratique, les replays sont mal foutus, etc. Mais elle permet de toucher un maximum de gens. Tout le monde y est. On n’a pas forcément des audiences folles, mais par rapport à nos communautés respectives, le ratio est très bon. Et puis surtout, ceux qui passent sont très réactifs et souvent très drôles. À la base, le principe est assez simple: ce sont juste deux connards qui parlent sur tout et sur rien (Rires). On reprend en quelque sorte les codes de la libre antenne des années 90, mais adaptés à l’époque. À l’heure où l’on démarre, les gens ont bouffé, souvent regardé un film. Ils sont bloqués chez eux, s’ennuient. La parole se libère plus volontiers. C’est ce qui rend l’exercice intéressant, surtout dans une presse rap dont on peut déplorer parfois le manque d’esprit critique. Ici, on propose un espace d’expression et de vannes assez complet. Quitte à être parfois borderline.

Aujourd’hui, vous recevez même des invités (Seth Gueko, Roméo Elvis, etc.). Est-ce que le concept perdurera après la quarantaine?

On a prévu de continuer au minimum jusqu’à la fin du confinement français, le 11 mai. Après, on verra. Mais il n’est pas impossible qu’on essaie de convertir ça, peut-être dans un format hebdomadaire.

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