The Last Shadow Puppets, bienvenue dans le cirque des rock stars

The Last Shadow Puppets: Alex Turner et Miles Kane © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Huit ans après le génial The Age of the Understatement, Alex Turner et Miles Kane réveillent leurs Last Shadow Puppets… Sortez les violons.

« Le management du groupe désire des références pour chaque sollicitation d’interview et une liste des artistes auxquels les journalistes ont parlé récemment. » Un jour, on aura peut-être droit à un blind test et un test d’urine… Même en ayant taillé la causette avec Alex Turner, pas toujours très loquace d’ailleurs, à pratiquement chacun de ses albums, la confirmation du rendez-vous tombe deux jours avant sa visite promotionnelle. Drôles de précautions pour l’entourage d’un mec qui, il y a dix ans, plantait sa première journée de presse parisienne pour filer avec ses potes se promener sous la Tour Eiffel. Ajoutez les 20 minutes de retard (alors qu’on vous demande d’arriver à l’avance) et l’absence dans un premier temps de Miles Kane, scotché à son téléphone… Bienvenue dans le cirque des rock stars. La cour de récréation de gamins trop friqués et sans éducation qui n’ont par moments de rebelle que la mèche traînant négligemment au milieu de leur front.

Planqué derrière une grande paire de lunettes de soleil qui doit cacher des yeux bien fatigués à en juger par son débit de parole neurasthénique, le leader des Arctic Monkeys accueille dans une suite luxueuse avec impressionnante vue sur Bruxelles pour parler d’un deuxième album qu’on avait fini par ne plus attendre. En huit ans, pas mal de flotte a coulé sous les ponts. Turner a sorti trois albums pas très convaincants avec ses Monkeys. Miles Kane a dissous les Rascals et s’est lancé en solo. Tous deux, pourtant fers de lance, surtout médiatiques, du rock britannique, sont aussi partis s’installer sous le soleil de Los Angeles. « J’habite à LA depuis 2012, explique Turner. Miles passait déjà me dire bonjour de temps en temps mais il a déménagé en Californie l’été dernier. Perso, je suis dans le quartier de Los Feliz. Je ne sais pas ce qui m’a tant attiré dans cette ville. On est partis y enregistrer un disque des Arctic Monkeys et je dois dire que je n’avais pas trop aimé. C’était l’un des endroits les plus bizarres où j’avais mis les pieds. On était sans doute dans la mauvaise partie de la ville et on n’y connaissait forcément pas grand-monde. Ce séjour m’avait désarçonné et laissé confus… Mais en bossant avec Josh Homme, on a aussi sympathisé avec son crew. C’est là sans doute que j’ai commencé à percevoir cette tentaculaire cité des anges autrement. »

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Les deux rockeurs s’y sentent tellement bien qu’ils ont enregistré Everything You’ve Come to Expect au Shangri-La, studio mythique de Malibu acheté en 2014 par Rick Rubin. Un temps quartier général de The Band, le Shangri-La a vu défiler Eric Clapton, Joe Cocker, Gossip, Weezer, Metallica… « La machine s’est remise en route très naturellement, résume platement Turner. On a recommencé à écrire ensemble sans trop savoir vraiment pourquoi. A priori, c’était plutôt destiné à un album solo de Miles mais on a accouché de The Aviation. C’est dur de pointer clairement quoi, puis ça remonte à deux ans déjà, mais il y avait cependant quelque chose dans ce morceau de clairement Last Shadow. »

Ned Doheny, Isaac Hayes et Tina Turner…

« Au-delà du fait qu’on venait de se rencontrer Miles et moi, et qu’on était excités par la perspective de créer de la musique ensemble, le premier Last Shadow Puppets était marqué par quelques disques que je découvrais à l’époque. Notamment ceux de Scott Walker. Je me suis demandé si je devais en trouver d’autres mais j’ai réalisé que la situation n’était plus pareille. Qu’on avait grandi, mûri. C’est la même chose avec les Arctic Monkeys. Aujourd’hui, on ne discute plus tant que ça de ce que l’on fait. Les choses se passent. C’est bosser ensemble sur ces chansons qui fait d’elles ce qu’elles sont. C’est une exploration. »

Les Last Shadow ont néanmoins été inspirés par quelques artistes. Notamment le relativement obscur Ned Doheny. « Quand j’ai entendu Scott Walker, ma tête a explosé. Je me suis dit: wow mais c’est quoi ce bazar, cette musique qui a 21 ans? Ici, je n’ai pas pensé: putain, je veux faire une chanson à la Ned Doheny. J’ai juste été intéressé et inspiré par l’un ou l’autre truc dans ses morceaux et d’autres choses que j’ai découvertes récemment. Doheny joue de la guitare acoustique. Son album Hard Candy est très amusant. Il vient de Malibu mais nous ne l’avons jamais rencontré. »

The Style Council et Hot Buttered Soul d’Isaac Hayes ont aussi servi la cause des deux Britanniques. « A un moment, alors qu’on coinçait un peu, on a écouté ce disque et on a réécrit dans la foulée quelques arrangements. Le Wu-Tang l’a samplé sur sa chanson Hollow Bones. J’écoute encore pas mal de hip hop. Kendrick Lamar notamment. »

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S’ils ont embauché Zach Dawes (Mini Mansions), le super tandem Kane/Turner a aussi à nouveau sollicité les services du producteur et batteur James Ford et pour les inévitables cordes d’un certain Owen « Final Fantasy » Pallett (Arcade Fire, Beirut, Grizzly Bear…) « Owen est venu jusqu’au studio cette fois. Il était là, en chair et en os. J’ai parfois du mal à réaliser que c’est mon travail auquel il donne vie. C’est tellement loin de ce qu’il se passe dans ma tête quand j’écris de la musique. Des projections que je peux faire. Au début, il réalise de petites démos sur ordinateur. Ce sont des fausses cordes. Des grandes idées de mélodies. Mais fort éloignées de ce que ça va donner quand ce sera enregistré. C’est assez perturbant en fait. Ça te donne une impression tronquée parfois de ce à quoi ça va ressembler. Il y a ainsi des idées qu’on a abandonnées à cause, je pense, de ce qu’on imaginait sans doute à tort. C’est quand on a enregistré les cordes que tout m’a semblé prendre vie, qu’on a retrouvé en quelque sorte notre identité. »

Moins grandiloquent, classique et bluffant que son prédécesseur, Everything You’ve Come to Expect a la beauté pop et l’ambiance changeante. Une photo de Tina Turner en guise de pochette. Et une chouette chanson, Miracle Aligner, coécrite par Alexandra Savior (avec laquelle Alex Turner avait enregistré un titre, Risk, pour la BO de True Detective). Jolies poupées…

THE LAST SHADOW PUPPETS, EVERYTHING YOU’VE COME TO EXPECT, DISTRIBUÉ PAR DOMINO. ***

LE 03/07 À ROCK WERCHTER.

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