The Glücks: « Il y a tellement de trucs pour l’instant contre lesquels être furax »
Les Glücks fêtent la sortie de leur furieux nouvel album, Run Amok, le 23 mars sur le décrochage gantois du Stellar Swamp. Planète sauvage.
To Run Amok. Perdre tout contrôle de soi-même. Être pris d’un accès de folie furieuse, d’une intense excitation. Le nouvel album des Glücks porte bien son nom. Arrivée dans la langue française en 1830, l’expression vient du mot malais amuk signifiant rage incontrôlable. Il a été récupéré par les Britanniques pour signifier un comportement meurtrier sans discernement. Comme en Inde pour décrire un éléphant devenu ingérable dans sa fureur. Plutôt pas mal pour résumer la musique d’attaquant du tandem le plus sauvagement rock’n’roll du pays.
« Au départ, le disque devait s’appeler Private Soma . Soma comme la drogue qui empêche les gens de se rebeller et les motive à faire ce qu’ils ne veulent pas dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, explique Alek Pigor, rockeur russe ostendais surexcité, même tout juste sorti de la sieste. On sait très bien ce que c’est dans nos sociétés occidentales. On essaie juste de se persuader que notre vie est un choix. Qu’on a envie de trimer toute la journée histoire de gagner de l’argent pour s’acheter toutes ces choses dont on n’a pas besoin. Les gens captaient pas trop la référence… »
Une guitare, une batterie, deux voix et des morceaux qui restent dans l’oreille: rejetons des Cramps, Stooges, Reatards, White Stripes, Oh Sees, les Glücks hurlent leur rage, suintent l’électricité. « On a toujours fait des chansons anti-establishment. Anti-ci, anti-ça… Mais c’est facile de se poser contre. Il y a tellement de trucs pour l’instant contre lesquels être furax. Tellement de bazars actuellement qui ne tournent pas rond. Ce disque n’est pas contre, ce disque est pour. Run amok, c’est se déchaîner. Just do it… Tu as vu ce film Falling Down où Michael Douglas a passé une journée de merde? Il pète un câble, décide d’abandonner sa bagnole, de se rebeller. Un peu ce genre de feeling. »
La bio des Bonnie and Clyde de la mer du Nord annonçait la couleur: « Songs for the underdogs, the generation denied, the generation undefined… » « Ceux qui sont nés depuis le milieu des années 80 n’ont pas eu les meilleures cartes en main, reprend Alek. Mais on ne veut pas des mêmes merdes que les générations précédentes. Maintenant, on a Internet. Des choses se passent. Plein de jeunes ont des idées incroyables. Comme ce mec (Boyan Slat, NDLR) qui depuis ses seize ans développe un projet pour nettoyer les océans. Il faut se secouer. On vit en 2018 et on fait encore et toujours les mêmes conneries. La planète sera encore là longtemps. Même si on la laisse dans un sale état, ce n’est pas elle qui va disparaître mais nous… Les gens ne réagissent que quand ils se sentent eux-mêmes personnellement en danger. Tu le vois avec les armes en Floride. »
Beaucoup de café
Quand on évoque leur job alimentaire, les Glücks bottent en touche. « Le boulot, c’est le truc que tu te coltines tous les jours pour te permettre de faire ce que tu aimes vraiment. Je ne sais pas si mon taf a la moindre chose à voir avec notre musique. Peut-être juste à cause des gens merdiques avec lesquels je travaille… Ça doit m’inspirer. Disons que je suis un bâtisseur et un destructeur de rêves… »
Fabriquer Run Amok n’a pas été une mince affaire. « Pendant quatre mois, on a bossé comme des chiens, racontent Alek et sa batteuse/chanteuse d’amoureuse Tina Ghillebert. On n’a pas dormi, pas mangé. On a perdu dix-quinze kilos chacun. On essaie toujours plein de trucs sur scène et on avait un tas d’idées de chansons. Un jour, en rentrant d’une fête, on s’est dit: ok, faisons un album! On a pris beaucoup de café (rires) et on a attaqué la démo du disque. Les voisins? Pour le clip de CuCuCuCool , on a utilisé des lumières flashy et une machine à fumée dans le jardin. Personne ne s’est manifesté. « Ça vient de cette baraque? Laissons-la brûler « … Le couple a ensuite enregistré à Gand au studio Yellow Tape avec Peter Van De Veire (Facteur Cheval). « Pendant qu’on bossait sur Run Amok , j’ai beaucoup écouté les Bad Seeds, Blixa Bargeld, ce genre de choses, poursuit Alek. On a aussi acheté cette cool biographie en BD de Nick Cave… Très, très dark. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Le tandem avait pressé 500 vinyles et gravé environ 1.000 exemplaires CD de Youth of Stuff (2016). « Ce n’est pas beaucoup. Mais on n’a pas joué tant que ça en Belgique. Et en Hollande, les mecs n’achètent pas de disques. C’est vraiment bizarre. Ils viennent te voir: « Waw, putain, c’était super. Non, non. Pas de vinyle… » Nous, on fait encore tout nous-mêmes. On a payé le studio, le mastering… Garder le contrôle sur tout rend les choses plus chères. Mais en même temps, on est les propriétaires de notre musique. On ne doit pas la lâcher à un label. »
La pochette du disque est un portrait des Glücks réalisé par Mr. Mong, street artist gantois dont vous avez peut-être déjà croisé l’un ou l’autre personnage sur une façade ou une cabine de la SNCB… « Les derniers trucs qui m’ont secoué? On s’est enfermés pour ce disque, mais j’aime beaucoup Sects Tape et Ero Guro, le nouveau groupe de Mick Swinnen, le frère de Lee de Double Veterans. C’est comme GG Allin sans le côté scato. C’est dangereux. Sauvage. Imprévisible. Ce qui manque quand même à beaucoup de concerts. Iggy Pop qui dans l’excitation vient te frapper dans la gueule ou te balance sa cannette de bière sur la tronche. »
The Glücks, Run Amok, distribué par Monstrophonic/Drunkabilly Records et Suck My Goo Records. ***(*)
Le 23/03 au Charlatan (Gand), le 14/04 au Water Moulin (Tournai), le 28/04 à l’AB, le 26/05 avec Ty Segall au Trix (Anvers)…
Quatre soirées, trois villes et quatre lieux cette année pour le festival psychédélique Stellar Swamp. Release party des Glücks avec WIBG et Tubelight à Gand, au Charlatan (23/03). Les bricoleurs masqués de Why The Eye?, les Flamingods, Tomaga et les Vanishing Twin à l’Atelier 210 (30/03). Action Beat, Housewives ou encore The Psychotic Monks au Magasin 4. Mais aussi les incroyables Snapped Ankles et Strange Cages avec Spookhuis le 6 avril au Vecteur à Charleroi.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici