The Cool Greenhouse: Free Fall
Déjà repéré par Henry Rollins, The Cool Greenhouse écorche la société capitaliste et le conservatisme rural avec un disque post-punk qui a le sens de l’humour et de l’ironie. Mise au vert…
Quand on le Skype, il porte le pull et les lunettes, se trouve chez ses parents dans la campagne anglaise près de la frontière galloise et est entouré de félins (sa mère est éleveuse de chats). Dans la vie non confinée, Tom Greenhouse habite Norwich. Il a vécu à Manchester, à Londres. À Paris un peu. C’était il y a longtemps. Quand il décrochait de l’école, à seize ans. « Je pensais être un poète. J’aimais beaucoup Rimbaud. Je me suis dit que ce serait cool d’aller y écrire et me saouler la gueule. Ça peut sembler immature. C’était une chouette expérience. » Depuis, il a étudié la philosophie à Cambridge, enchaîné les petits boulots qui ne mènent à rien et les groupes qui ne vont nulle part. À désormais 30 balais, il est le cerveau de The Cool Greenhouse, la nouvelle promesse post-punk made in England.
Ce projet qu’il a lancé en solitaire n’est pas lié à l’exigeant label Speedy Wunderground du producteur Dan Carey ( » C’est fou ce don qu’il a de dégoter tous les groupes les plus cool« ) mais il a déjà tapé dans l’oreille d’Henry Rollins. « J’ai repéré sur une commande un nom qui ressemblait au sien. Je lui ai envoyé un message et il m’a dit: « Oui, oui, c’est moi. Je vais vous passer dans mon émission de radio. »Il répond super vite. Plus rapidement que mon label. C’est un explorateur. Un peu comme John Peel. Il a l’air de tout savoir. Je pense qu’il est obnubilé par les disques des petites structures. »
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Tom, lui, n’a quasiment plus d’albums dans sa discothèque. « Je collectionnais pas mal. Ça devenait une obsession. Tu pouvais trouver du Joy Division, Gang of Four, The Slits, un Suicide original. Je les avais achetés 20 ou 50 livres. J’en ai revendu certains pour 500 balles. » C’est peut-être à ce prix-là que s’arrachera sa musique dans 40 ans… Le disque a été enregistré en sept jours à Nottingham chez Phil Booth (Sleaford Mods, The Wave Pictures). Parfois à 4 heures du matin après avoir regardé Joker. « Phil aimait le groupe et je ne connaissais personne d’autre qui nous appréciait et possédait son propre studio. » Il se marre. L’histoire de leur rencontre est surprenante. « Sur la pochette de notre premier 45 tours, on avait imaginé une lettre qui m’était adressée. Je l’avais signée Booth et Matt. Deux noms qui m’étaient venus comme ça à l’esprit. Ça l’a fait tripper et il nous a contactés. »
Dogma
Enregistrer de longues chansons, s’interdire le refrain, limiter les instruments… Il les enfreint allègrement maintenant, mais The Cool Greenhouse a commencé avec des règles façon Dogma de Lars von Trier . « J’ai commis des trucs affreux. Même du prog rock. Je ne sais pas très bien jouer et je ne suis pas un expert du software. Ce que j’aime dans le punk et le post-punk, ce sont les limites. Je voulais essayer de faire de la musique catchy mais en me compliquant la tâche, en demeurant minimaliste. Tout ce que j’adore l’est plus ou moins. Le rock aussi dans son essence. Je voulais voir jusqu’où on pouvait aller, sans tomber non plus dans l’avant-garde. Je tenais à rester accessible. »
Ce qui aide, c’est que Tom et ses paroles ont le sens de l’humour et le goût du name-dropping. « Je pense que certains groupes se prennent beaucoup trop au sérieux. J’aime me moquer de moi. Quand tu veux aborder des sujets importants dans la musique, le pire est souvent d’y aller frontalement. Et c’est vrai pour toutes les formes d’art. C’est contre-productif. Il y a des endroits pour ça. Les manifs, par exemple. Il faut foncer. Mais dans la culture, ça peut très vite te dégoûter. J’utilise donc l’humour. Tout en gardant à l’esprit que je n’ai pas envie de devenir une blague. »
Conservatisme rural, absurdités capitalistes… The Sticks raconte un déménagement. Cardboard Man un mec haineux. Là où Life Advice se penche sur ces gens toujours de bon conseil. « Ce sont généralement des choses qui m’embêtent, me dérangent, me semblent stupides et m’interpellent. Je trouve le monde moderne étrange. Et je ne comprends pas pourquoi si peu de groupes l’expriment. Il y a tellement de choses bizarres sur la planète pour l’instant. Je ne capte pas non plus, pour en revenir à l’humour, que si peu en fassent usage. Ça explique sûrement qu’on est si souvent comparés à The Fall. »
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Tom déteste les mecs qui disent qu’un groupe est sous-estimé alors qu’ils parlent de David Bowie ou du Velvet Underground. Puis aussi les types qui prétendent qu’il n’y a plus de bonne musique aujourd’hui. « Ils sont juste extrêmement fainéants. » Lui, il aime Black Midi, Uranium Club et Sleaford Mods. Il apprécie la drôlerie et l’intelligence de Tyler, The Creator. Partisan de la répétition, il est aussi fan de Can, amateur de krautrock… Plus qu’avec les États-Unis ou l’Allemagne, les Cool Greenhouse ont déjà noué des contacts étroits avec l’Australie. Ils ont joué avec The Stroppies, partagent un morceau de leur album avec The Shifters et se sont fait masteriser par Mikey Young d’Eddy Current Suppression Ring. « Il est incroyable et vraiment pas cher en fait. On lui a envoyé un mail pour lui demander s’il n’avait pas oublié un zéro. Il a répondu: « Non, non, je suis juste bon marché. » »
Compilation de leurs meilleurs morceaux en quatre ans, The Cool Greenhouse et son parlé chanté décapant devraient avoir droit à un successeur plus ou moins rapidement. « Je ne connais rien à l’industrie. Mais de ces temps-ci, les groupes sortent un morceau tous les trois mois. La campagne de promotion pour un disque dure des plombes. Ça me dépasse… Perso, j’aimerais enregistrer un album par an jusqu’à ce que je trépasse. » Au plus tard au mieux. « Je devais aller voir Gil Scott-Heron et il est mort. J’ai eu le coup avec Mark E. Smith aussi. Ça m’arrive tout le temps. J’achète un ticket pour quelqu’un et il y passe. Je devrais peut-être en commander un pour Ed Sheeran ou un truc du genre… »
The Cool Greenhouse, The Cool Greenhouse, distribué par Melodic Records. ****
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