Critique | Musique

Suede – Bloodsports

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Toujours propulsé par le yodel de Brett Anderson, Suede met du glamour pédant dans ce monde binaire. Une improbable chimie qui s’avère payante.

SUEDE, BLOODSPORTS, DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE. ****

Faut entendre le Brett: dès le premier des dix morceaux, le conventionnel Barriers, le voilà enfourchant sa grande folie de larynx extatique. Flagellée d’une réverb’ barnum, la voix copule dans un tunnel d’échos maniérés, chaque mot taillé en sonar mirifique. Les textes, à l’habitude Suedesque, sont davantage un tissu d’impressions sensorielles, paradigme décadent plutôt que narration ciblée. En l’occurrence, les choses faites et défaites de l’amour… L’impression? Entrer dans un sanctuaire où le chant n’est rien d’autre que camp, glamour, glitter, précieux, élégiaque, voire un rien pédéraste. Même si, rappelons-le pour la sauvegarde de nos enfants (…), Anderson, aux débuts électriques de Suede, se définissait comme « un homme bisexuel qui n’a jamais eu d’expérience gay ». Peu importe la couleur de la testostérone, ceux qui n’aiment pas la grandiloquence écouteront Le monde est un village. En brandissant ce surplus lyrique, on est bien conscient que la lame est à double tranchant, une goutte de ces dix chansons exagérées suffisant à overdoser les amateurs de mobilier japonais et de légumes vapeurs. L’écoute initiale du premier disque studio du groupe depuis A New Morning en septembre 2002 (…) est d’ailleurs ambiguë: des tonnes de mélo, de claviers qui pleurent, de guitares mouillées, du Brett humide à tous les étages, mais quid des mélodies?

Triple extase

Comme une drogue classique qui fait de l’effet dans un second temps, cet album célébrant aussi le plaisir des musiciens à rejouer ensemble prend de l’ampleur sur la durée. Anderson le définit comme « un disque qui parle du désir, de la poursuite, de l’éternel jeu charnel de l’amour »: au rayon de l’exposition dénudée des sentiments, dix ans et une paire d’Antony Hegarty plus tard, Suede a, paraît-il, cherché d’autres voies stylistiques avant de revenir à une sonorité réminiscente de ses deux premiers albums. C’est le producteur vintage du groupe, Ed Butler, qui pousse les manettes d’un disque essentiellement aphrodisiaque, appelant à la dépendance charnelle et consentie. On se trouve donc à fréquenter la démesure baroque de Snowblind, la décharge à guitares de For the Strangers, la ballade Sometimes I Feel I’ll Float Anyway avant l’extase finale des trois derniers titres. Alors, tout devient transparence et vapeur, territoire amniotique et hammam rythmique, les claviers sinusoïdes instaurant une forme sexuelle de prog-rock futuriste (…) alors que la voix d’Anderson plane complètement. Défoncée comme si le grand air du retour suffisait à remplacer le crack d’autrefois. Bonne came finalement, que ce Suede 2013.

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