St Germain, african touch

St Germain © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Quinze ans après le triomphe de Tourist, Ludovic Navarre, alias St Germain, est de retour aux affaires. Après avoir déclaré sa flamme au jazz, il passe cette fois par la case Afrique. Les machines donnent toujours le tempo, mais cette fois sur fond de blues du désert.

CONCOURS

Remportez le nouvel album de St Germain, ainsi que deux tickets pour son concert archicomplet, le 11 novembre prochain, à l’Ancienne Belgique.

Dans la foulée, devenez journaliste pour un jour, et rencontrez Ludovic Navarre pour une interview et un compte-rendu de la soirée, publié par la suite sur le site du Focus!

Pour participer, envoyez un mail, expliquant pourquoi vous serez le parfait reporter d’un soir, à l’adresse focusvif@levif.be (objet: « ST GERMAIN »).

On le pensait définitivement rangé des bagnoles. Voilà ce qui se disait: à force d’avoir été trop placé dans la lumière, St Germain avait pris le maquis, planqué dans l’ombre. Depuis le succès planétaire de Tourist, sorti en 2000, Ludovic Navarre -l’unique cerveau derrière le projet- n’avait en effet quasi plus donné signe de vie. Disparu des radars, le Français. Parti sans laisser d’adresse. Et puis, tout à coup, au printemps dernier, un nouveau titre: sans crier gare, Real Blues a déboulé sur le Net. Dans la foulée du nouveau morceau, un album et une tournée étaient même avancés. Sur les visuels, le visage en plâtre de Ludovic Navarre, tel un sphinx endormi.

Passé la surprise, l’annonce titillait cependant autant qu’elle interpellait: qui allait encore se souvenir du crossover jazz-deep house pratiqué par St Germain, quelque quinze ans après les faits? Ce grand retour, qui allait-il pouvoir encore intéresser? La réponse est tombée très vite: visiblement pas mal de monde. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, toutes les places pour le concert prévu à l’Ancienne Belgique en novembre prochain ont en effet été écoulées. Un vrai sold out éclair.

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Le come-back est donc bien embouché. Pour autant, Ludovic Navarre revient de loin. D’une autre planète, quasi. Un monde où iTunes n’existait pas, pas plus que Facebook, Spotify ou même YouTube. Quand le nouveau morceau fut lancé sur la plateforme de vidéos, en mai dernier, un commentaire s’étonnait: « Je croyais que le mec était mort! » « Ben non, j’ai pris un coup de vieux, mais je suis bien vivant », certifie aujourd’hui Navarre. On confirme. Rencontré à Bruxelles, le Français n’a pas vraiment changé. Pas plus physiquement, que dans sa manière de revendiquer une certaine discrétion, détendu mais pas forcément toujours à l’aise avec l’exercice promo. « Ce n’est pas ça. C’est juste que, quand vous enchaînez trop d’interviews pendant trop longtemps, par la force des choses, vous vous retrouvez souvent à devoir répéter quinze fois les mêmes réponses. A la longue, cela peut devenir lassant. Ce qui est un comble pour quelqu’un comme moi qui aime par-dessus tout les musiques répétitives. » (rires) Tout de même, on ne peut s’empêcher de se demander: où était-il passé pendant toutes ces années? « A la campagne. » Dans le Larzac, à élever des chèvres? « Bah je n’avais pas de chèvres, mais il y avait les sangliers. Des sauvages, hein. Près de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. A part ça, et quelques cerfs, il n’y avait pas grand-chose d’autre… » Il fallait apparemment bien ce calme-là pour récupérer de la folie de Tourist, et probablement de la décennie qui a précédé. Dix ans passés au coeur de la révolution électronique made in France…

Sound of Belgium

La fameuse French Touch, Ludovic Navarre l’a vécue en première ligne. Avant même que Daft Punk ne sorte son premier maxi, ce fou de house et de techno avait déjà bien eu le temps de défricher le terrain. Comme avec le fameux morceau Acid Eiffel, par exemple. « On l’a réalisé dans ma chambre: il y avait Laurent (Garnier, NDLR), Shazz, un pote, et moi. En fait, le copain était juste passé pour boire un coup. On en a profité: « Tant que t’es là, tu veux pas baisser ce bouton quand on te le dira? » Après ce morceau, les Anglais et les Américains ont commencé à regarder la scène française un peu autrement.  »

Jusque-là, l’Hexagone était en effet resté largement à la traîne en matière de musique électronique. A ses tout débuts, Ludovic Navarre taillait régulièrement la route jusqu’en Belgique pour satisfaire sa fringale musicale. « Il y avait ici une grosse culture house et techno de Detroit. Du coup, on prenait souvent la bagnole pour sortir en club, où l’on savait qu’il y aurait un minimum de monde. Ce n’est pas qu’il n’y avait rien à faire à Paris, mais cela restait très confidentiel: on se retrouvait souvent à douze, au fond d’un bois, comme des cons (rires). Puis, par ici, on pouvait facilement trouver les disques de Transmat (le label de Derrick May, NDLR), tout ça. Vous aviez également ce fameux label dont le logo reprenait le cheval Ferrari… » R&S? « C’est ça! C’était énorme, il a quand même marqué l’histoire de la techno en Europe. Et puis il y avait US Import évidemment… »

Gregos et St Germain
Gregos et St Germain© Benoît Peverelli

Magasin de disques anversois, qui sortait lui-même de la dance music à la pelle, l’enseigne US Import a été la première à sortir une production de Ludovic Navarre, signée sous le nom de Sub System. « Avec un ami, on avait pris la voiture pour assister à une soirée dans le coin. L’après-midi, en se baladant, on rentre dans le magasin US Import. Un peu plus tard, un mec arrive et dit à l’autre, derrière le comptoir: « Tiens, j’ai fait un truc, je te fais écouter. » Bon, le morceau en question était pas terrible… Mais le gars essaie quand même de vendre son truc, commence à parler DJ, ce genre de conversation de vendeurs d’aspirateurs qui m’énerve! Du coup, je regarde mon pote et je lui dis: « Nous aussi, on va laisser notre cassette. » Coup de pot, c’était le patron, José (Pascual, NDLR) qui était là à ce moment-là. Le temps qu’il jette une oreille, on est reparti faire un tour. Quand on est revenus, une heure plus tard, le contrat était déjà prêt! Je te promets! C’est comme cela que ça a commencé, sur une connerie. Bien sûr, c’était un contrat de merde, mais ce n’est pas grave. José nous a accueillis, il nous a donné notre chance, et nous, on s’est fait plaisir. »

Temps mort

On est alors au début des années 90. Encore loin, très loin, de la folie French Touch, emmenée un peu plus tard par des groupes comme Daft Punk, Cassius ou même Bob Sinclar. St Germain sortira son premier album en 1995. Vendu à plus d’un million d’exemplaires, Boulevard inaugure alors une formule mélangeant deep house et jazz. Cinq ans plus tard, Tourist confirmera l’option. Mieux: l’album sort carrément sous la prestigieuse enseigne jazz BlueNote. Emmené par l’insubmersible Rose Rouge, single samplant la voix de Marlene Shaw sur un groove repiqué à Brubeck, Tourist s’écoulera à plus de trois millions d’exemplaires… Pendant deux ans, les concerts un peu partout dans le monde, la reconnaissance et le succès. Dans le cas de St Germain, jusqu’à l’écoeurement. « A la fin, j’en ai eu marre. Je voulais qu’on me foute la paix, qu’on arrête de me faire chier. Ne plus voir ni entendre personne. Sinon ça risquait de partir en live… »

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Ludovic Navarre a donc fait un pas de côté, pour finir par disparaître petit à petit des écrans radars. Au bout d’un moment, le label montrera quand même quelques signes d’impatience. Ne tenant plus, il sortira en 2012 une nouvelle édition remastérisée de Tourist. « Honnêtement, je ne suis pas sûr que cela avait un grand intérêt… », concède aujourd’hui Navarre. Sinon peut-être de filer une piqûre de rappel, avant que l’étoile de St Germain ne se soit tout à fait éteinte… « Au départ, j’avais juste besoin d’une pause. Même si c’était pour ne pas revenir, cela ne me dérangeait pas. Le succès, ce n’est pas ce qui me fait avancer… Le vrai stress, c’était qu’on ne me laisse pas tranquille, qu’on ne me laisse pas le temps d’avoir le déclic. Avec Tourist, j’avais été au bout de ce que je voulais faire. Je ne voyais pas ce que je pouvais encore apporter dans cette direction. Il fallait que je reparte sur autre chose, que je trouve une nouvelle voie susceptible de m’exciter… Bon, après, c’est vrai que je pensais quand même relancer la machine un peu plus tôt… »

Pendant plusieurs années, Ludovic Navarre va creuser, fouiller, chercher une porte de sortie. L’Afrique est une piste. Pourquoi pas en s’attaquant par exemple à l’afrobeat, mise à la sauce électronique? « J’aurais pu. Mais sampler du Fela sur un groove house, tout le monde l’avait déjà fait… » Non, la solution est ailleurs, du côté du Mali. « J’écoutais du blues américain de manière assez obsessionnelle, quand la parenté avec le blues du Mali et celui des Touaregs m’a sauté aux oreilles. On y entend la même chose! » Un des premiers gros succès de St Germain s’intitulait Alabama Blues et samplait Lightnin’ Hopkins. Vingt ans plus tard, la voix de la légende blues américaine est à nouveau utilisée sur Real Blues, mais accompagnée cette fois des enluminures de la kora et du ngoni, comme planant sur les percussions du balafon.

Mariage à Bamako

Le geste a beau paraître aujourd’hui des plus naturels, la sauce n’a pas pris tout de suite. Il a fallu tâtonner, se plonger dans la musique malienne, l’explorer sans la domestiquer. « Il y a quatre ans déjà, on a fait les premiers essais. On s’est retrouvés en studio, avec des musiciens africains. Mais à ce moment-là, j’ai vraiment pensé que cela allait capoter. C’était trop abstrait pour tout le monde. J’arrivais avec mes rythmes binaires. Mais cela ne leur parlait pas. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas, mais ils ont besoin d’autre chose pour se lancer. Or, j’aime l’authentique. Ce que je voulais, c’était précisément intégrer leur 6-8 ou leur ternaire, dans mon binaire. Donc on a essayé. Mais c’était encore trop tôt, cela sonnait trop occidental. » Il faudra encore un peu de temps pour réussir à imbriquer toutes les pièces du puzzle. Ludovic Navarre imaginera même se rendre sur place. « On allait commander nos billets d’avion, quand les choses ont commencé à se gâter sur place. » Quinze jours plus tard, François Hollande lancera l’intervention de l’armée française…

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Lentement mais sûrement, le canevas se mettra malgré tout en place. Si la forme change par rapport à Tourist, le fond reste le même: réussir à mélanger les contraires -l’acoustique et les machines, l’organique et l’électronique- et faire en sorte que le tout sonne cohérent, homogène. Pendant longtemps, il s’agissait aussi de se faire rencontrer une musique « noble », voire élitiste -le jazz-, avec une autre, la house, considérée comme plus légère et futile. Pour le nouvel album, l’enjeu était peut-être encore un peu différent: comment en effet intégrer une musique africaine sans que cela ne passe pour une réappropriation occidentale? « Est-ce que je me suis questionné par rapport à ça? Bah, je ne sais pas trop. Il me semble avoir toujours eu une démarche respectueuse par rapport aux musiques que j’intègre. C’est comme cela qu’on est arrivé à un disque comme Tourist. Parce que je respecte tous ces anciens joueurs de jazz, ceux qui se sont déformé les mains, et la bouche, à force de jouer de leur instrument. Des mecs qui ont même parfois été obligés de jouer pour survivre. Là aussi, il y a toute une histoire d’exploitation. »

Résultat: quinze ans après son dernier album, Ludovic Navarre réussit à la fois à proposer de nouveaux paysages sonores, tout en sonnant toujours comme du St Germain, immédiatement reconnaissable. « Parce que ma motivation reste identique: c’est d’être entier. Après, on peut dire ce que l’on veut sur le disque. Il y a des goûts et des couleurs. Chacun fait ce qu’il peut, dit ce qu’il veut, aime ce qu’il veut. Je ne dis pas que cela ne m’atteint pas. Mais au moins, je suis en paix avec moi-même. »

ST GERMAIN, ST GERMAIN, DISTR. WARNER. EN CONCERT (COMPLET), LE 11/11, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES. Gagnez les dernières places pour le concert et rencontrez Ludovic Navarre!

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