Sound check (4/6): Tuff Gong, rastaman vibrations

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Chaque semaine, gros plan sur un studio mythique d’ici ou d’ailleurs. Cette semaine: Tuff Gong.

C’est moins un studio qu’une déclaration d’indépendance. Celle de Bob Marley, première star globale, prophète reggae et icône tiers-mondiste, qui se donne les moyens de fonctionner en complète autonomie, voire en autarcie. Lancé en 1969, Tuff Gong démarre comme un simple label. Petit à petit, il deviendra le lieu de rassemblement de toutes les activités de Marley. Et très vite, une destination de pèlerinage. Dans les années 70, le 56 Hope Road à Kingston fonctionne en effet comme une cour impériale, où le chanteur reçoit journalistes, politiques et petites frappes du ghetto. Dès janvier 1979, il abrite également le studio de Marley et ses Wailers. Conçu sur le modèle des célèbres studios Criteria de Miami, entièrement recouvert de lambris de bois, il reste de dimensions modestes, « la cabine réservée à la console 24 pistes ne pouvant guère accueillir plus de cinq personnes », explique Francis Dordor dans la biographie qu’il consacre à Marley (1). À l’époque, le journaliste français avait pu se rendre sur place: « Le son était si dense, son impact si physique qu’il vous immobilisait; on se retrouvait dans le studio comprimé par le son, comme dans la cabine dépressurisée d’un avion précipité dans un trou d’air. » Et de continuer: « Dans ce lieu étroit à l’acoustique parfaite, chaque pulsion du couple basse-batterie vous appuyait sur la cage thoracique, et l’on se retrouvait à respirer en rythme »… C’est là que seront notamment enregistrés les deux derniers chefs-d’oeuvre de la star: Survival (1979) et Uprising (1980).

Sound check (4/6): Tuff Gong, rastaman vibrations

Après la mort de Marley, en mai 1981, sa femme Rita délocalisera Tuff Gong, avec une bonne partie de son équipement, au 220 Marcus Garvey Drive. Elle rachète en fait le Federal Records de Ken Khouri, studio d’enregistrement historique de l’île: en février 1962, c’était déjà là que Bob avait gravé ses premiers morceaux. Aujourd’hui, l’endroit continue d’accueillir des stars, telles Lauryn Hill, Diplo, Snoop Dogg… Récemment, Tuff Gong annonçait même vouloir profiter du regain d’intérêt pour le format 33 tours pour relancer le pressage de vinyles…

Sound check (4/6): Tuff Gong, rastaman vibrations

De son côté, la cour du 56 Hope Road a été transformée en un Musée national Bob Marley, l’icône s’étant elle-même muée entre-temps en une véritable marque, exploitée souvent à tort et à travers. Francis Dordor est revenu s’y promener, à la fin des années 90: « Ayant déjà fait un pèlerinage à Graceland, l’ancienne demeure d’Elvis Presley à Memphis, (…) je m’attendais à tout lors de cette visite. Mais, en voyant un ridicule bonnet de laine auquel avaient été greffées de fausses dreadlocks vendu 25 dollars US, j’avoue que je fus pris d’un haut-le-coeur. Comment avait-on pu en arriver là? » Encore un coup de Babylon…

(1) Bob Marley: destin d’une âme rebelle, éditions Flammarion (épuisé).

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