Sory Bamba, « à la recherche de la vraie musique, pas celle qui vend »

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FocusVif.be Rédaction en ligne

Modernisateur de la musique du pays dogon, insatiable expérimentateur et découvreur de talents depuis un demi-siècle: avec un peu moins de modestie, le musicien malien Sory Bamba aurait pu devenir une star de la scène africaine comme ses compatriotes Ali Farka Touré ou Salif Keïta.

Mais dans le Mali d’aujourd’hui, beaucoup ne le connaissent pas. Ailleurs, c’est quasiment un inconnu.

« Pourtant, c’est l’un des plus grands musiciens du Mali », affirme la claviériste Cheick Tidiane Seck. Cet autre virtuose malien, qui le connaît bien, est resté longtemps dans l’ombre, avant de connaître la consécration internationale après 30 ans de carrière.

Mais Sory Bamba, « ce n’est pas quelqu’un qui se met en avant », ajoute le jazzman de 67 ans. « C’est rare de voir des musiciens de cette envergure avec tant d’humilité et une telle volonté de toujours chercher la vraie musique, pas celle qui vend ».

Le vieil homme de 82 ans, qui passe l’essentiel de ses journées entouré de ses petits enfants et de ses poules dans la cour de sa maison de sa ville natale de Mopti, surnommée la « Venise du Mali », a été un précurseur, pour lui et pour les autres.

« Quand j’ai fait jouer ici de la guitare à Ali Farka (Touré), beaucoup n’étaient pas d’accord avec ce type de rythmes », se souvient-il.

Ali Farka Touré (1939-2006) n’avait alors qu’une vingtaine d’années et était chauffeur. Il partira ensuite à Bamako travailler à la radio nationale, avant de devenir l’un des musiciens les plus connus d’Afrique.

« Et il était ici, dans cette même maison », sourit à présent Sory Bamba, avant de sortir sa flute traversière sans crier gare et de se mettre à jouer, toujours passionné. « Sans la musique, c’est fini. Et il reste tellement de choses à faire », dit-il.

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– Porteur de trompette –

Pour Sory Bamba, né en 1938, tout a commencé sous la colonie française, à la fin des années 1940, quand un ami offre une flute à six trous.

Le petit « talibé » (élève d’une école coranique) d’alors, au destin tout tracé de marabout, change radicalement de voie: ça sera la musique.

Avec ses copains, il tend des peaux de chèvre pour en faire des tam-tams, transforme en maracas des boîtes de conserve, se met à chanter.

D’abord modeste « porteur de trompette » pour un musicien local, il s’empare de l’instrument, apprend à en jouer, puis abandonne rapidement les petits boulots pour se consacrer à sa passion.

A l’aube de ses 20 ans, en 1957, il créé son premier groupe, vite populaire chez les jeunes de Mopti.

Sa formation devient « Kanaga de Mopti », du nom d’un masque de cérémonie qui chez le peuple dogon évoque le Dieu créateur Amma.

Après l’indépendance de 1960, le groupe assoit sa notoriété au Mali en participant à Bamako aux grands concours musicaux, ouverts à toutes les régions de cet immense pays, mis en place pour forger une identité nationale.

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– De la brousse au funk –

Pendant des années, le chef d’orchestre du Kanaga écume aussi les plaines inondées du fleuve Niger, la célèbre falaise de Bandiagara, au coeur du pays dogon, les campements peuls…

« Son rôle était de trouver des jeunes talents, il partait souvent en brousse les débusquer », raconte son fils, Bamoussa Bamba.

Fait unique, Sory Bamba obtient l’aval des sages pour jouer la musique des cérémonies dogons.

Le musicien et chef d’orchestre mêle à cette tradition ancestrale des orchestrations latin-jazz, funk, folk. On surnomme parfois son groupe le « Pink Floyd malien ».

« Tout ce qui n’évolue pas est appelé à disparaitre et Sory Bamba a toujours évolué en cherchant à faire de la musique innovante », souligne Koko Dembélé, 66 ans, maître du reggae malien recruté à 18 ans comme guitariste soliste et chanteur du « Kanaga de Mopti ».

S’il est un « musicien fédérateur », selon Cheick Tidiane Seck, Sory Bamba tente aussi sa chance en solo en Côte d’Ivoire, puis en France.

Il sort quelques 33 tours, dont son album-référence « Du Mali », à la fin des années 1970, mais les années passent et le succès international n’arrive pas vraiment.

En 2010, le vent semble enfin tourner quand, au détour d’un concert parisien, Universal lui propose à 72 ans un contrat et un album.

Mais « Dogon Blues » n’aura pas le succès escompté et le vieux musicien, qui vivait en France, rentre chez lui, à Mopti.

Ses enfants, qui le trouvent « fatigué », veulent qu’il arrête la musique. Mais dès qu’un gamin passe, il commence à chantonner avec lui. « Pour transmettre », répète-il.

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