Salut les copines

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Le label Ace regarde sous les jupes des filles et compile les années yéyé. Mais pourquoi Françoise Hardy, France Gall et Jacqueline Taïeb fascinent-elles les Anglais?

C’EST CHIC, DISTRIBUÉ PAR ACE.

Avec Soul Jazz et Vampisoul, Ace Records c’est l’une des Rolls Royce de la réédition. Créé en 1978, bien décidé à révolutionner la norme en vigueur chez les profanateurs de sépulture par la règle des »3 R »(recherche, récupération et restauration), Ace, label anglais basé à Londres, s’est récemment intéressé au yéyé.

C’est chic, french girl singers of the 1960’s compile en 24 titres 8 ans d’un phénomène qui n’a pas ébranlé que la France. Huit ans qui séparent la sortie de L’amour tourne en rond par Louise Cordet (la jeune femme née à Wraysbury de parents français a majoritairement chanté en anglais et a même tourné avec les Beatles) en 1963 de celle de Je suis folle de tant d’aimer par la Suissesse Arlette Zola en 1971.

Pourquoi un label anglais s’intéresse à Laisse tomber les filles, Ce Soir je m’en vais et A la fin tu gagneras? Si le yéyé naît en France et au Québec au début des années 60, il est dès le départ intimement lié à la culture anglo-saxonne. Son nom repose sur une transcription des  » yeah yeah » qui se bousculent dans les chansons de rock et de twist américaines. Les paroliers préférant  » yé » à une traduction plus littérale en  » ouais », yéyé se met à qualifier le courant musical popularisé par Salut les copains.

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Le philosophe et sociologue Edgar Morin est le premier à utiliser l’expression yéyé. « Les intellectuels de l’époque dédaignaient ce genre de mouvement, à l’exception notable d’un Georges Lapassade qui au même moment publiait son fameux L’Entrée dans la vie , un essai sur l’inachèvement de l’homme et l’importance du problème de l’adolescence dans les sociétés modernes, explique-t-il au journaliste Emmanuel Lemieux, auteur d’ Edgar Morin, l’indiscipliné. Cette manifestation était la version vaselinée de la culture adolescente qui jaillissait en Californie et dans le rock américain. »

Car le yéyé, c’est la rencontre du rock’n’roll et de la culture populaire française. C’est le Mod qui batifole avec la coquetterie de l’écolière parisienne.  » Il peut y avoir dans le yéyé les ferments d’une non-adhésion à ce monde adulte d’où suinte l’ennui bureaucratique, la répétition, le mensonge, la mort (…) L’exaltation du yé-yé peut porter en germe la fureur du blouson noir, le refus solitaire du beatnik », peut-on lire dans Le Monde en 1963.

Remakes et clins d’oeil

Si la plupart des chansons yéyé féminines sont de composition française, les auditeurs à l’oreille fine reconnaîtront We Got A Thing That’s In The Groove des Capitols, I’m Going Out With The Girls de Barbara Chandler, Laugh At Me de Sonny Bono, Around And Around We Go de Lonnie Jay & the Jaynes, He’s In Town des Tokens et The Sha La La Song de Marianne Faithfull derrière les habillages de Charlotte Leslie et des Surfs. De Sheila, Louise Cordet, Ria Bartok et Marie Laforêt… Bartok, d’ailleurs, s’est fait une spécialité de reprendre des tubes américains et anglais pour le marché français.

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Originaire de Tunis, Jacqueline Taïeb est, elle, une vraie anglophile qui cite McCartney dans ses chansons quand elle ne traduit pas un petit bout du My Generation des Who. Pour la petite histoire, elle a écrit en 1988 le premier tube de la jeune new-yorkaise Dana Dawson, Ready to follow you. Un morceau qui culmina en tête des meilleures ventes de 45 tours.

Bon d’accord, ce n’est pas parce que les Français ont pompé les Anglo-Saxons que ceux-ci doivent faire semblant de s’intéresser. Hors Europe continentale, les yéyés ont d’ailleurs surtout profondément marqué le Japon où ils représentent le charme français autant que l’avènement d’une société de la jeunesse. Il existe même une version niponne de Poupée de cire poupée de son, l’un des plus célèbres lauréats de l’Eurovision.

Charme romantique et arrangements spectoriens

Anglais et Américains ne snobent pas pour autant le mouvement. En mai 64, aux Etats-Unis, le magazine Life pointe le style de 3 filles du yéyé, selon lui à la France ce que les Beatles sont à l’Angleterre. Elles s’appellent Sylvie Vartan, Françoise Hardy et Sheila.

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Seule Hardy, l’idéal féminin de Mick Jagger, celle qui refuse les avances d’un Bob Dylan tentant de la séduire en lui faisant écouter I Want You et Just Like A Woman encore inconnus, a le privilège de véritables sorties britanniques durant les sixties. Pas mal de ses chansons ont été enregistrées à Londres avec l’arrangeur de chez Ace, Charles Blackwell, mais peu d’entre elles sont interprétées en anglais. La future madame Dutronc n’en décroche pas moins quelques hits dans les charts d’outre-Manche. A commencer par Tous les garçons, en 1964…

La concurrence a certes droit à moins d’égard mais les Brits entendent chez certaines, comme France Gall, des arrangements spectoriens, un côté B.O. de James Bond. Impossible de leur donner tort quand on entend retentir les trompettes du C£ur au bout des doigts chanté par Jacqueline Taïeb.

Puis pour pas mal d’Anglais et surtout d’Anglaises se passant Jules et Jim en boucles et rêvant de 2CV, la France incarne le romantisme et la douceur de vivre. Plus rapide que la malle, les yéyés les emmènent en voyage. Ils peuvent même les aider à apprendre le français à l’école.

Alors, aujourd’hui, on ne doit plus vraiment s’étonner que Damon Albarn invite Françoise Hardy à chanter avec lui To The End, de Blur, ou qu’un groupe indé se mette à nous questionner sur les lubriques sucettes à l’anis de Serge Gainsbourg et France Gall. Les femmes ont toujours été plus persuasives que les hommes…

JULIEN BROQUET

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