Rock Werchter J3 : PJ Harvey au sommet

PJ Harvey, vingt ans après son premier passage à Rock Werchter. © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le retour de PJ Harvey dans la grange, des Red Hot Chili Peppers pas frais, tout l’inverse de Tame Impala: récit de la troisième journée de Rock Werchter.

On se souvient encore très précisément de son premier passage à (Torhout)Werchter. C’était en 1995. Maquillée à la truelle, PJ Harvey était arrivée en combinaison rose, ouverte sur un soutien noir. Venue présenter To Bring You My Love, elle avait livré un set aussi tendu que sensuel. Mémorable en tous points… Fin (provisoire) de la séquence ancien combattant. On fait juste quand même encore remarquer qu’à l’époque, l’Anglaise occupait la grande scène. Samedi soir, quelque vingt plus tard, Polly Jean Harvey était de retour, mais cette fois programmée sur l’un des deux podiums annexes – précisément dans la « grange », dites The Barn.

Elle avait pourtant assez d’arguments que pour revendiquer à nouveau le plateau principal. Spatialement déjà : déboulant à une dizaine de musiciens, PJ et son groupe occupent tout l’espace. Ne serait-ce que visuellement, la troupe en impose : tous vêtus de noir (seul John Parish s’est permis une chemise mauve), menés par une PJ ayant enfilé sa tunique-robe signée Ann Demeulemeester, et coiffée d’un serre-tête à plumes qui lui donne un air de pythie ou encore de faune hiératique. Théâtrale ? Oui, mais pas trop. Le geste ample, mais le visage impassible, Harvey met avant tout l’accent sur la musique. Dans son cas, elle est assez spectaculaire que pour se passer de grands effets pyrotechniques. Entamant le set en débroussaillant son dernier album, The Hope Six Demolition Project, elle embarque son monde dans une épopée d’une intensité étourdissante. Rock, mais à sa manière. Avec des guitares (parfois trois en même temps). Mais sans batterie, préférant des tambours et des grosses caisses. Avec des cordes aussi. Et surtout des cuivres : en première ligne, par exemple, le saxophone de Terry Edwards, blanc et fulgurant sur The Ministry of Social Affairs. Derrière, arrivent les classiques 50Ft Queenie, Down By The Water, et To Bring You My Love. PJ Harvey se permet malgré tout de terminer son concert par le nouveau River Anacostia : tel un gang, tous les musiciens sont alors alignés sur le devant de la scène, à deux par micro, terminant acapella. Le point d’orgue d’un concert d’une classe folle. La preuve aussi que le rock, ce vieux format parfois rabougri, ne s’use en fait que si l’on ne s’en sert pas. Et que, habité, incarné, il est toujours capable de raconter des choses de l’époque.

Il est pas frais, mon poisson?

Peut-on en dire autant des Red Hot Chili Peppers, autres rescapés des années 90 (première apparition en terres de Werchter en 1992)? Avant les Editors, ils étaient les principales têtes d’affiche de la journée de samedi. Dans la valise des Américains, The Getaway. Un nouvel album inégal, mais qui, après le pénible I’m With You (2011), montrait un regain de vitalité. En live, cet esprit de reconquête fut toutefois plus compliqué à percevoir…

« Be fresh like a fish », indiquait le t-shirt arboré par Anthony Kiedis, samedi soir : un voeu pieu pour le coup. Egrenant une setlist bizarrement construite, pleine de faux-plat (Snow (Hey Ho)) et de faux-rythmes (The Adventures of Rain Dance Maggie), les RHCP ont eu en effet du mal à captiver. Les premiers rangs s’en sont certes donné à coeur joie. Mais 50m plus loin, la plaine de Werchter est restée nettement plus dissipée, les pieds de toutes façons trop lestés de boue que pour commencer à danser. Sauf évidemment quand déboulèrent l’un ou l’autre gros tube, type Californication ou surtout Under The Bridge. Un nouveau titre comme Dark Necessities passe pourtant plutôt bien la rampe. En fait, il a fallu attendre By The Way pour voir le concert s’emballer. Avant de se terminer aussi vite… Le temps d’un rappel (The Getaway et le classique Give It Away), et les RHCP étaient déjà repartis. Dix minutes plus tôt que l’horaire prévu. Et dans l’indifférence à peu près générale.

Ce fut tout l’inverse un peu plus loin. Sur la scène de The Barn, Tame Impala et sa pop psychédélique pour stade, ont récolté un nouveau triomphe. En fin de course, la doublette Feels Like We Only Go Backwards/New Person, Same Old Mistakes, tout en guitares fuzz et voix spectrales, provoqua même l’hystérie générale, le public noyé sous une pluie de confettis.

Pendant ce temps-là, juste à côté, au Klub C, l’Allemand Paul Kalkbrenner avait lui enfilé le maillot de la Mannschaft. Et allumé un écran, pour ne rien rater de la séance de penaltys du soir. La suite est connue : le foot est un sport qui se joue à 11 contre 11, et à la fin…

>> Nos photos de ce troisième jour.

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