Rock Werchter J3 : le r’n’b, versions 2.0

James Blake © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Werchter, terre d’extrêmes.

On écrit ces lignes alors que Rammstein bastonne et pétarade en tête d’affiche, sur la scène principale. Quelques heures plus tôt, dans le Club, James Blake jouait lui avec les silences. Il y a quelque chose de remarquable dans le parcours de l’Anglais. Comme par exemple cet exploit d’avoir fait de sa relecture du Limit To Your Love de Feist un hit radio, blanc de deux secondes compris. Sur la scène de Werchter, le morceau fait toujours un carton auprès du public, qui arrive même à danser dessus ( ?!), Blake allongeant la sauce avec une longue épopée dub.

Les festivals sont-ils vraiment tout terrains ? A priori, à 21h, il fait encore trop clair, et le chapiteau est beaucoup trop rempli pour apprécier une musique comme celle de James Blake. Pourtant, il y a beau ne pas se passer grand-chose sur scène, le magnétisme de morceaux comme Life Round Here ou I Never Learnt To Share fonctionnent en plein. A coup d'(infra)basses énormes et des nappes de clavier enveloppantes, Blake croone une poésie mélancolique qui, pour délicate qu’elle soit, évite le mielleux. C’est parfois subtil : sur Lindisfarne, il entame le morceau acapella, la voix passée au vocoder. Casse-gueule ? Troublant dans ce cas-ci. Et puis Blake a appris à construire son set et à l’adapter aux festivals. Comme quand il dope CMYK ou file un coup de pompe quasi house à Klavierwerke. En fin de concert, il file encore la chair de poules avec The Wilhem Scream puis Renegade.  » We’re alone now « , souffle-t-il, donnant sa version personnelle, sensible et crayeuse du r’n’b.

De r’n’b, il en est encore davantage question avec Frank Ocean, qui enchaîne sur la scène d’à côté. Avec sa mixtape Nostalgia Ultra et son premier album officiel ChannelOrange, l’Américain a bouleversé la donne, montrant que le genre pouvait s’éloigner du formatage pour être réinvesti de manière plus personnelle. A Werchter, cela passe par un début de concert brumeux. Littéralement : Ocean évolue dans la fumée et la pénombre. Le bonhomme donne l’impression de se cacher, souvent le dos courbé, quasi prostré. Isolé du public, comme de son groupe, gros band en costard, cuivres inclus, qu’il a l’air de tenir à distance. Il faut en fait attendre une bonne vingtaine de minutes pour qu’Ocean, un poil autiste, ouvre le jeu. Pendant Super Rich Kids, par exemple, repris sur la BO du dernier Sofia Coppola, sa voix tout à coup se lâche, enchaînant parlando grave et supplique déchirante. Moteur diesel, Ocean augmente alors petit à petit le tempo. La dernière demi-heure n’en est que plus bluffante. Dans une scène noyée de rouge, il enchaîne Bad Religion, poignant, et fait le break avec Crack Rock. Avant de quitter la scène, il se laisse même aller à reprendre Swim Good acapella. Le point final à un concert qui, s’il a mis du temps à se déployer, aura marqué pas mal d’esprits.

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