Robbing Millions, la « next big thing » « pas trop con, pas trop snob »

Robbing Millions © Marine Dricot
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Épisode sept de notre série Belgium Underground, en collaboration avec PointCulture: Robbing Millions, apparu sur Bandcamp avec le EP Ages & Sun en 2013 et possible « next big thing » chez PIAS 3 ans plus tard.

À l’occasion du lancement de l’application Belgium Underground et en collaboration avec Point Culture, Focus revisite durant 10 épisodes l’histoire de 10 albums marquants même si parfois méconnus de l’underground belge. Chanson française, synth-pop, électronique de salon, post-rock et garage-punk mélodique au menu.

Peu de groupes belges, surtout encore sans album, peuvent en dire autant: Robbing Millions a joué au Stade Roi Baudouin (50.000 places). Mais il était vide et c’était l’après-midi, le temps d’une session vidéo (ci-dessous). Par contre, le Pukkelpop, c’était en 2014. Sur le programme, le groupe y fut présenté comme comparable à Bed Rugs, Tubelight et Float Fall, ce qui ajoute encore quelques références aux dizaines déjà collées sur le front des Bruxellois. Le plus souvent, ce sont Frank Zappa et MGMT qui ressortent. Autant dire que l’on prête beaucoup de vertus psychédéliques à Robbing Millions. Lucien Fraipont, guitariste et chanteur, s’explique: « De la pop psyché un peu barrée, c’est ce qui revient à chaque fois. On ne prétend pas parvenir à une musique franchement psychédélique mais comme aspiration, c’est quand même assez cool. Un groupe qu’on adore tous dans Robbing Millions, c’est Deerhoof. Ils font presque tout eux-mêmes, des enregistrements à l’organisation de leurs tournées. Leurs disques sont toujours surprenants, intéressants et hyper jouissifs, et sur scène, ils ont vraiment une énergie dingue. Malgré le fait qu’ils ne feront sans doute jamais de hit à la radio, ils peuvent aussi compter sur une fanbase loyale partout dans le monde. Bref, c’est vraiment un modèle de carrière qui fait envie et nous donne la foi. Je reste aussi très admiratif de l’évolution de Radiohead. Ils ont vraiment eu le parcours contraire du cliché, celui du groupe au super bon premier album qui ne fait ensuite qu’empirer. Sinon des artistes inclassables comme Robert Wyatt, Scott Walker, Ariel Pink et Dirty Projectors sont également des sources d’inspirations auxquelles je reviens très régulièrement. »

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Robbing Millions, groupe composé de Flamands et de francophones aux parcours variés, apparaît sur Bandcamp le 10 janvier 2013 très exactement, avec le EP Ages & Sun. Il est étonnamment maîtrisé mais cela n’a rien de franchement étonnant vu le bagage des musiciens. Fraipont vient par exemple du jazz; « matière » qu’il a très sérieusement étudiée, notamment au Conservatoire de Bruxelles: « J’ai vraiment joué le jeu et j’y ai pris ce que je pensais en valoir la peine. J’ai eu de bons profs, d’autres pénibles, comme dans toutes les écoles. Le point principal, c’est que j’y ai rencontré beaucoup de bons musiciens avec qui j’ai fait de la musique en dehors des cours, avec qui je suis allé jammer, faire des concerts dans des bars et des mariages. J’ai un peu une âme de bon élève, ces années m’ont permis de bosser mon instrument, ce qui était plutôt bénéfique. J’étais prêt à devenir un vrai jazzman. Je suis même allé à New York passer des auditions, afin de continuer à étudier la musique là-bas, pour un an ou deux. J’ai été pris mais je n’ai pas reçu assez d’argent pour financer le projet. À la place, je suis resté à Bruxelles et j’ai commencé Robbing Millions. » Une mayonnaise vite montée. Des propositions de concerts sont rapidement tombées, ainsi qu’une offre d’édition d’exemplaires physiques de Ages & Sun, à vendre après les concerts et chez Musicmania, le disquaire gantois. Même procédé pour le EP suivant, Lonely Carnivore, en 2014. Deux ans plus tard, chez PIAS cette fois, un album est attendu pour la fin de ce mois d’août 2016. Bouclé au printemps, c’est presque de l’histoire ancienne pour Robbing Millions, qui en brainstorme déjà la suite. Bref, un sans-faute, un parcours de premier de classe, même si se pose forcément la question de la nécessité d’un album à une époque où la plupart des gens achètent par fichiers ou se contentent du streaming. Réponse sans langue de bois:

« Le concept d’album peut aujourd’hui sembler désuet et périmé mais on nous a tout de même fait comprendre que pour avoir un bon slot dans un festival ou un papier dans un média d’envergure, il fallait une « vraie » sortie. Pas un EP, pas un morceau sur Soundcloud, pas une clé USB ou une vidéo YouTube. Un VRAI album. On nous a dit que ce format était encore très important pour un groupe « comme nous », c’est-à-dire un groupe qui n’entre pas dans les grilles « haute rotation » des radios, qui n’est pas un groupe à singles, en somme. C’est un peu paradoxal parce que moi, j’ai plutôt l’impression que ce n’est pas vraiment avec les ventes d’albums que des « groupes comme nous » gagnent leur vie. Mais je suis finalement très content de pouvoir sortir un album. Contrairement à certains amis nés au début des années 90 et qui s’en foutent royalement, pouvoir le tenir en main m’excite quand même plus que de sortir des morceaux uniquement sur iTunes, Spotify ou Soundcloud. Ça reste une étape aussi, avec une période de gestation, une pochette, une imagerie, des dates qui suivent… »

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On reparlera sans doute beaucoup de Robbing Millions à la rentrée, groupe qui a tout de même quelques chances d’être une « next big thing » à échelle nationale, parce qu’il est bon, mais aussi parce que sa mixité communautaire lui ouvre un marché flamand aux tendances généralement isolationnistes par rapport aux musiques qui se font du côté latin de la frontière linguistique. Alors, Robbing Millions, bientôt les millions? Adios l’underground, bonjour le statut culte? Lucien Fraipont nous avoue ne pas y penser, le temps d’une tirade peut-être un peu provocatrice pour une série vantant les joies de l’underground musical belge mais néanmoins bien tapée: « Cette affiliation à l’underground, pour être honnête, ça ne veut pas dire grand-chose pour moi. Avec Robbing Millions j’ai parfois l’impression qu’on est trop mainstream pour jouer aux Ateliers Claus mais trop underground pour passer sur Pure FM et dans le fond, je m’en fous. Dans ma vie quotidienne, j’ai plutôt des envies de cultures et de lieux « undergrounds » mais j’ai aussi des rechutes dans le mainstream. J’ai ma carte Subbacultcha mais il y a deux jours, j’ai aussi regardé Zoolander 2. J’ai kiffé le dernier Tame Impala mais je viens d’écouter un album de Field recordings fait dans des guitar centers sur Bandcamp et puis, j’ai aussi été écouter des vinyles de punk polonais, pas terrible d’ailleurs, dans un nouveau lieu près du canal dimanche dernier. Tout en ayant envie de rejouer au Pukkelpop. En fait, j’essaye tout simplement de ne pas être à la fois trop con et trop snob. » Comme trop peu?

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Belgium Underground, la nouvelle application de PointCulture, est disponible sur iOS et Android. Infos et téléchargement: www.belgium-underground.be

>> Lire également: L’appli Belgium Underground, l’autre Sound of B.

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