Radio Dour: une expérience, des hasards heureux et des enchaînements bizarres

Alex Stevens © Kmeron/Flickr (cc)
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Dans un monde festivalier standardisé, le festival de Dour continue de se distinguer par son esprit de communauté. Dernière trouvaille en date: une webradio. Alex Stevens au micro…

Elle est encore en chantier. Au stade de l’expérimentation. Il y a un mois, le festival de Dour lançait sa webradio. Une radio de festival, le concept n’est pas tout à fait neuf. Du côté de l’Abbaye de Floreffe, il y a plus de dix ans maintenant que trois passionnés ont créé Radio Esperanzah! Une radio éphémère installée sur le site et animée par une vingtaine de bénévoles. Interviews, retransmissions de concerts… L’idée était de créer du lien entre le rassemblement des musiques du monde et les habitants de Floreffe. De faire rayonner l’événement par delà les hauts murs du vieil édifice. La station n’a pas tous les ans de fréquence mais elle est relayée par des radios associatives et est diffusée sur le net.

Différente dans son approche et son mode de fonctionnement, Radio Dour a des allures de retour aux sources pour le programmateur du festival hennuyer Alex Stevens… « J’ai commencé en faisant de la radio quand j’avais 13-14 ans, explique-t-il. C’était sur Radio Ourthe Amblève à l’époque. J’avais lancé une espèce de spin-off. Ça s’appelait Impulsion, la radio du week-end. On utilisait le même émetteur que la station locale mais on essayait de faire une radio jeune et cool. J’avais une émission qui s’appelait Rock Attitude et est devenue Nameless. Je proposais des interviews. Je partageais mes coups de coeur. C’est comme ça que j’ai nourri cette fibre. Cette envie de faire découvrir à d’autres la musique. Programmer le festival de Dour, c’est d’une certaine manière la même idée. Sauf qu’au lieu de faire passer des artistes que j’aime à la radio, je les mets sur scène. »

Pour l’instant, Radio Dour est avant tout un gros juke-box avec des playlists, des mix de DJ’s et des émissions de radios partenaires. Mais la radio est morte, vive la radio, elle préfigure quelque part un avenir et un grand chambardement qui semblent proches. « Le poste de radio des gens est devenu leur téléphone. J’avais envie de faire découvrir la musique, la programmation du festival. Et maintenant, il y a des outils en ligne, des services qui te permettent d’y mettre une base de données de morceaux, des jingles, des programmes. Tu appuies sur Play et ça te crée une espèce de radio. Tu peux préenregistrer tes émissions. Tu peux les proposer en direct. Tout le service est là. Et comme maintenant, tu as un studio radio portable sur ton téléphone, sur ton ordinateur… Enfin bref, on s’est dit que c’était peut-être un bon moyen de dire non dans ce monde où on est assaillis d’informations, où on se noie dans le flux Facebook, les articles, les chroniques… Tu veux découvrir de la musique? Tu peux faire la vaisselle, travailler dans ton jardin… Tu n’as qu’à te brancher sur Radio Dour. À l’ancienne. Tu peux même l’écouter dans ta bagnole. »

Alex Stevens
Alex Stevens© Kmeron/Flickr (cc)

Pour nourrir son « antenne », l’équipe de Dour a constitué une gigantesque base de données. Sélectionné deux ou trois morceaux pour chaque artiste. Réalisé un travail d’édition en somme. « Après, c’est complètement en aléatoire. Il y a des hasards heureux et des enchaînements parfois un peu bizarres. Quand on monte un festival, on essaie de faire en sorte que les scènes soient cohérentes, que les trucs s’enchaînent de manière logique. Et là, tu as une espèce de méli mélo avec un morceau dub, un tube électro et puis une chanson rock. Mais ça marche plutôt bien. On a quasi 100 auditeurs en continu. C’est peu et c’est beaucoup à la fois. C’est marrant: on se rend compte que des gens nous écoutent au Japon, à Los Angeles… Puis tu vas jusqu’au bout de ton idée. Tu fais découvrir la programmation du festival à des gens qui aiment la musique. »

Container maritime et vitrine de quartier chaud

Red Light Radio émet depuis sa vitrine dans le quartier chaud d’Amsterdam. The Lot Radio est installé dans un container maritime sur un terrain vague de Brooklyn. Les radios modernes apparaissent souvent là où on ne les attend pas. « C’est un Belge (François Vaxelaire, ndlr) qui a lancé The Lot. Le type a divisé son container en deux. D’un côté, il vend du café et de l’autre, des DJ’s viennent bénévolement mettre des disques. Sauf que tu es en plein milieu de New York… Et donc, l’autre jour, Nicolas Jaar s’est arrêté. Il voulait juste boire une tasse de café mais un animateur s’était désisté et il a accepté de le remplacer. Pareil à Londres. Tu as NTS où Four Tet et Floating Points vont toujours mixer. Plein d’initiatives sont en train de se monter à gauche à droite. On n’arrête pas de dire que la radio est morte mais un autre type de radio est en train de se créer. Tsugi a par exemple lancé la sienne. » Il décline même en playlist le cahier musique de Libération.

235.000 festivaliers en cinq jours. 53.000 visiteurs rien que pour la journée de samedi. Dour est une marque qui marche. « C’est triste pour les magazines mais les festivals sont devenus malgré eux des médias. Quand ça joue à Dour, ça veut dire quelque chose. Pitchfork a lancé un festoche à partir de son site Internet. Nous, on fait peut-être le chemin inverse. On est un festival mais on propose du contenu. Un site où tu peux aller lire des chroniques sur les artistes, où tu peux les découvrir. Où tu peux trouver des projets similaires et les écouter. Tout est lié…. L’idée est d’être le plus cohérent et d’aller le plus loin possible. »

Si le festival possède son réservoir d’auditeurs tout trouvé, il devra cependant, vu l’éclectisme de sa programmation et la diversité des genres auxquels il touche, organiser quelque peu ses grilles s’il veut éviter de mécontenter tout le monde.

« Les webradios font un peu penser aux radios pirates d’antan. C’est ça internet. Tout le monde peut lancer tout et n’importe quoi. Tout le monde peut créer sa radio. Il y a donc des choses intéressantes et d’autres qui ne le sont pas. Pour le moment, on a lancé Radio Dour en test avec un gros random mais si on veut la faire évoluer, il va falloir qu’on travaille un peu le truc. C’est un vrai boulot. On essaie en parallèle de retransmettre un streaming live depuis le bar du Petit Bois. Sur le site, ce week-end, tu pouvais regarder en live les DJ sets mais peut-être qu’à terme, on pourrait fusionner les deux. Un tas de choses sont possibles. »

Radio Dour a été lancé il y a un mois mais son avenir reste pour l’instant incertain. « On n’a pas encore décidé de ce qu’on en fait après le festival. Je pense qu’on va essayer de récupérer un maximum de lives, d’interviews, de contenu. À l’année, on ne sait pas encore. On peut imaginer plein de trucs. J’aimerais bien proposer des plages à thèmes à un moment donné. On pourrait aussi rassembler les archives de Dour. Créer un bazar qui te permettrait d’aller rechercher des concerts mythiques comme un vieux Sloy. On est en phase de test. Personne ne sait ce que va devenir Radio Dour sur le long terme. »

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