Pukkelpop J3: vieux pots et meilleures soupes

André Brasseur s'offre un rappel au Pukkel. © Caroline Lessire
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

De la consécration d’André Brasseur à l’hommage aux Ramones, du retour de Soulwax à la résurrection de LCD Soundsystem…

Face A

André Brasseur. « Merci André, merci André, merciiii… » Ovation et consécration samedi pour le natif de Lustin. Dans son jeune temps, André Brasseur a côtoyé Johnny, Nougaro et Claude François (qui voulait même l’emmener avec lui sur les routes). Bu des chopes avec Tom Jones, prêté son orgue à Roy Orbison, accompagné Vaya Con Dios et été proprio de discothèques. Il a surtout fait honneur à l’Hammond, a apporté un peu de psychédélisme, de groove et de kitscherie au surf rock et célébré un certain mariage du jazz et du funk. Réédité l’an dernier par le label NEWS (cette compile est, dit-il, la BO de sa vie), voilà ce bon vieux Dédé, 76 ans, un costume, une cravate et pas de chaussettes, qui accède au rang d’artiste culte et s’offre un rappel dans l’un des grands chapiteaux du Pukkel. Entouré de cinq musiciens dont un trompettiste et un saxophoniste, le vieux moustachu, qui n’a jamais rien fait comme les autres, va devenir une star à l’âge de la pension… « Dat is niet gemmakelek », dit-il au sujet de son néerlandais entre un « Vous êtes formidable » et « Je suis sûr qu’on se reverra ». Le gars de Wépion a apparemment écrit de nouveaux morceaux et arrangements. Forever Young.

The Internet. Avec sa coupe iroquois et son sourire permanent au coin des lèvres, elle a les vibes la petite Syd Tha Kyd, l’ancienne DJette de Tyler The Creator et de son collectif Odd Future. Malgré la qualité indéniable de ses musiciens, son r’n’b jazzy et sa néo soul feutrée sont malheureusement ennuyeux comme un jour de pluie. Pour une fois que cet été nous réservait un peu de soleil…

King Gizzard and the Lizard Wizard. Fils caché australien, perché et abondamment chevelu de John Dwyer (le leader de Thee Oh Sees), le Stakhanoviste Stu Mckenzie se plait à redessiner les contours de King Gizzard à chaque nouvel album. Rock garage (I’m in Your Mind Fuzz), pop sous Uv (Papier Mâché Dream Balloon), prog rock psyché jazz (Quarters)… Samedi, les kangourous ont réussi à se mettre le public en poche avec un harmonica, une flûte, deux batteurs et des morceaux d’un quart d’heure. Ces serial bosseurs ont prévu la sortie de quatre albums pour 2017. Qui dit mieux?

Grandaddy. En 2012, les retrouvailles avaient été emballantes. Touchantes même. Ce concert fantastique aux charmes nostalgiques éclairant pour les jeunes générations les talents et l’oeuvre du génial et grand Jason Lytle. Samedi, Grandaddy, qui sortira l’an prochain son premier album depuis Just Like The Fambly Cat en 2006, semblait plutôt en roue libre. Mêmes vidéos (ça marche toujours les gosses avec une fausse barbe et les gamelles à moto), voix parfois à côté de la plaque et son un peu plan plan… Disons juste qu’on a passé un chouette petit moment. A côté des Hewlett’s Daughter, d’El Caminos in the West, et de leur tube pour jeu vidéo AM180 (pas de Summer Here Kids cette fois-ci, désolé les enfants), les Américains ont glissé avec Way We Won’t un avant-goût de leur retour discographique. A suivre…

Marky Ramone’s Blitzkrieg. One, two, three, four… Ce n’est pas le plus connu des Ramones. Ce n’est même pas l’un de ses membres originaux puisqu’il n’a rejoint le groupe qu’en remplacement de Tommy à la batterie en 1978, après la sortie des trois premiers albums. En attendant, Marky, dont l’autobiographie vient d’être traduite en français, est le seul Ramone encore vivant. Beat on the Brat, Now I Wanna Sniff Some Glue, Rockaway Beach, Let’s Dance, I Wanna Be Sedated et forcément Blitzkrieg Bop… Depuis ses fûts, le bonhomme qui a joué avec Wayne County, les Misfits et les Voidoids (il figure d’ailleurs sur l’enregistrement de Blank Generation) télécommande le juke-box punk et laisse chanter Ken Stringfellow (oui oui, le mec des Posies) qui s’en sort plutôt bien et semble avoir pris des cours de danse avec Iggy Pop. Plutôt rigolo pour terminer sa journée malgré le saccage de What A Wonderful World

Julien Broquet

Face B

Fleddy Melculy. Il n’aura pas fallu plus que le nom du groupe pour nous donner envie d’aller voir ce que ces flamins-là avaient dans le pantalon. Soit une version métal de De Jeugd van Tegenwoordig, maniant tant le riff à la Sepultura (dont ils reprendront d’ailleurs le Refuse/Resist) que la vanne bas du front dans la langue de Vondel. « Marre de ces gens qui portent des t-shirts avec des noms de groupes que personne ne connaît », charrient-ils avant d’entamer leur ode aux T-shirt van Metallica. On rit, mais dans le jaune du Vlaamse leeuw évidemment…

Vant. Un peu de fraîcheur adolescente pour continuer la journée. Ces petits nouveaux-là, quelques singles et un EP sous le bras, cisaillent leurs guitares façon 90’s avec beaucoup d’innocence et ont déjà dans leur sac l’un ou l’autre très bon morceau (Do You Know Me?). Une formule qui n’est pas sans nous rappeler, à leur manière et plus proche de chez nous, les kets de Freaky Age. So fresh!

Biffy Clyro. Une épiphanie et puis adieu. En 2007, les métalleux écossais ont un éclair de génie et sortent Puzzle, fantastique disque alignant morceaux progressifs et garage rock. Donnent dans la foulée quelques concerts mémorables dont un au Pukkelpop. Avant cette année-charnière, rien de très écoutable. Après, une succession d’albums-guimauve contaminés de clichés émo et rock de stade. Samedi, pour ne rien arranger à une setlist puisant bien trop dans ces dernières catastrophes discographiques, le son sur la Main Stage est exécrable comme jamais. Au secours.

The Subs. À l’applaudimètre, ça ne fait pas l’ombre d’un doute que les Gantois sont toujours au mieux de leur forme, même dix ans après leurs débuts. Anniversaire qu’ils fêtent d’ailleurs avec un best of (déjà!?), A Decade of Dance, sorti en mai dernier. Et si Jean-Pierre Castaldi n’est pas présent, c’est bien « son » Concorde qui aura définitivement fait décoller cette grosse fête décomplexée.

LCD Soundsystem. Il y a des concerts comme ça où on a l’impression de participer à un moment important. Celui qu’a donné James Murphy ce samedi en faisait assurément partie. Reformé pour de bon après avoir pourtant annoncé une fin définitive en 2011 (avec l’incroyable live de plus de 3h au Madison Square Garden et le docu Shut Up and Play the Hits), LCD Soundsystem tourne ici en formule best of avant un nouvel album promis pour bientôt. Dance Yrself Clean, Yeah, I Can Change, Daft Punk Is Playing at My House… Malgré une plaine incompréhensiblement désertée à 22h (quelques gouttes suffisent-elles aujourd’hui à avoir raison des festivaliers?), les heureux présents dansent comme jamais. Front stage, on n’a d’ailleurs pas vu un seul garde de sécurité qui ne dodelinait pas au moins de la tête… Avec une quantité incroyable de matos sur scène (les plans filmés du dessus diffusés sur les écrans géants sont particulièrement éloquents), et des musiciens menés de main de maître par un Murphy bienveillant, le son et le groove approchent pour ainsi dire la perfection. Et quand la pluie décide à réellement tomber pour New York, I Love You But You’re Bringing Me Down, elle ne fait que sublimer un concert qui avait d’ores et déjà atteint des sommets.

Soulwax. Ca fait déjà un moment qu’on est un peu perdus au milieu des différents ersatz musicaux des frères Dewaele. Mais la prestation de samedi, en mode Transient Music for Drums and Machinery, nous a définitivement laissé à quai. Soit trois batteries (dont l’une d’entre elles est cognée par Igor Cavalera, batteur de Sepultura qui avait déjà joué sur la B.O. de Belgica), ainsi que Stephen et David Dewaele et deux autres musiciens pour compléter la formule. Si on connaissait déjà un Soulwax explorateur depuis les Nite Versions en 2005, l’expérimentation est poussée ici jusqu’à un tout autre niveau. Trop d’infos pour trop peu de structure, trop peu de chansons, aucune référence au passé du groupe hormis quelques « citations » détournées des classiques E Talking ou NY Excuse ne dépassant jamais les 30 secondes. Sous la Dance Hall bourrée à craquer (il nous aura fallu 15 bonnes minutes pour réussir à y pénétrer), les avis sont plus que partagés: certains dansent à en perdre haleine, d’autres restent bouche bée devant ce spectacle auquel ils ne comprennent pas grand chose. Malheureusement, on aura fait partie des seconds…

Kevin Dochain

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