Prince fait la passe de trois au Bota

Prince (ici à Abu Dhabi en 2010). © REUTERS/Jumana El-Heloueh
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Vendredi soir, le génial musicien a finalement donné trois concerts dans l’Orangerie du Bota. Trois best of d’une heure chacun. Un peu court quand même, votre Altesse…

Le dernier concert de Prince en Belgique aura donc été ce triple événement surprise et intimiste au Botanique, le 30 mai 2014, soit deux jours après avoir rempli le Sportpaleis. Retrouvez ci-dessous notre chronique de la soirée, ainsi que nos impressions sur ses concerts au Sportpaleis (2010) ou à Werchter (2010 également).

Prince est décidément un mystère. Planté au pied de la verrière du Botanique, c’est un peu ce qu’on se dit au milieu de la file, entamée trois heures plus tôt (il faudra encore 30 minutes supplémentaires pour rentrer dans l’Orangerie). Prince est évidemment une énigme quand il joue au jeu du chat et de la souris: toute l’après-midi, les infos contradictoires se sont succédé – « Prince ne jouera pas » (quelques minutes encore avant la confirmation officielle, le Bota affirmait n’avoir reçu toujours aucune info), « Prince jouera deux fois », « Prince jouera trois fois »… Dans une industrie du live où les concerts sont parfois annoncés plus d’un an à l’avance, on pouvait y voir quelque chose de rafraîchissant, voire d’excitant. Pour rentrer, un coup de tampon, un numéro écrit au marqueur sur le bras, puis un bracelet de couleur. Ah oui, 100 euros aussi. Cash (une tradition maison).

Après avoir déjà rempli un Sportpaleis anversois deux jours plus tôt, les fans ou simples amateurs enthousiastes sont présents. C’est l’autre mystère Prince: comment son Altesse arrive-t-elle toujours et encore à créer de l’émoi et à bourrer des arênes entières, sans avoir sorti le moindre disque vraiment marquant depuis plus de 20 ans? Certes, cela ne l’a jamais empêché de produire. Signé à nouveau sur une major, 18 ans après en avoir la claqué la porte, Prince s’agite à nouveau.

D’ailleurs, il commence son concert – le 2e de la soirée sur les trois finalement prévus – en glissant dans la sono son nouveau The Breakdown, balade pas trop mal emballée. Sur scène, son groupe 3RDEYEGIRL enchaîne avec le tout aussi récent Funknroll, Roger Nelson les rejoignant presqu’incognito derrière les claviers. Tout est dans le titre du morceau : ça roll et ça jute, funk typiquement princier qui ne manque pas de faire son effet. Coiffé d’un large bonnet en laine, Prince porte un vague gilet-toile de jute , qu’on dirait offert par Thérèse au Noël dernier. Mais ce qui frappe d’abord reste cette voix. Un miaulement vicieux et pervers, signature vocale qui renverse toujours tout sur son passage.

Pour accompagner la star, cela se joue à 3 + 1 + 1: les 3RDEYEGIRL entièrement féminin (basse, batterie, guitare), rejointes par Cassandra O’Neal (New Power Generation) et un deuxième claviériste (que la condition masculine a probablement renvoyé en régie, planqué pour balancer épisodiquement quelques nappes supplémentaires). Cela joue bien assurément. Très carré en tout cas, et plutôt rock. Let’s Go Crazy prend même une couleur quasi heavy metal, comme si Black Sabbath se mettait au funk. C’est l’un des moments les plus réussis du set – tandis qu’à l’inverse, le band se vautre un peu dans 1999.

Prince ne lésine pas sur les classiques. En fait, après 10 minutes, il n’y a plus que ça. Little Red Corvette, Nothing Compares 2 U, Take Me With U, Rasperry Beret… Un vrai best of, qui pour commencer à dater, n’en reste pas moins d’une efficacité incroyable, d’une musicalité irrésistible. Cool écrit pour The Time est une dernière gâterie funk avant que toute la compagnie ne quitte la scène. Après 50 minutes.

Prince et sa cour reviennent, s’amusant notamment à reprendre Play That Funky Music (Wild Cherry), avant un dernier Kiss pour la route, arraché du bout des lèvres. « Il y a encore des membres de la famille qui s’impatientent dehors. On doit pouvoir jouer pour eux avant d’aller dormir ». Après un peu plus d’une heure, le public peut donc dégager les lieux. Un peu court tout de même. Surtout à 100 euros la place. Petit calcul vite fait: avec trois concerts sur la soirée, rassemblant à chaque fois 400 personnes, cela donne une recette brute de 120.000 euros. Une paille pour un artiste comme Prince. Pour autant, si le triple gig du Bota ne peut pas être trop rapidement taxé d’opération purement vénale, il n’empêche pas la déception. Car les attentes étaient là. Depuis toujours, Prince a cultivé cette tradition du concert last minute, dans des lieux plus intimistes – comme lors de son passage bruxellois précédent, au Viage en 2010. Ils sont à chaque fois l’occasion de set à rallonge, dépassant régulièrement les trois heures, permettant des envolées et des impros souvent bluffantes. Au Bota, peut-être parce que son groupe actuel ne le lui permettait pas – les 3RDEYEGIRL ont semblé davantage branchées rock qu’attirées par d’éventuelles digressions funk-jazz -, Prince s’en est tenu à une setlist cousue de fil blanc, bourrée de titres brillants et insubmersibles, mais sans surprise. En mode blitzkrieg, Prince a en fait inventé le best of-speed dating. Après une heure, changement de table. Au suivant!

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