Critique | Musique

Poly Styrene – Generation Indigo

PUNK | Au top 10 des punks historiques anglais 1977: X-Ray Spex et sa chanteuse Poly Styrene, fauchée en avril par un cancer. En héritage, un ultime album solo.

Son allure tranchait spectaculairement sur Pauline de Penetration (…) ou Siouxsie des Banshees et les autres filles qui se la jouaient hardeuses modèle Portier de nuit. Loin de la swastika douteuse ou du cuir luisant, Poly Styrene débarquait habillée comme une stagiaire Oxfam, choucroute en demi-afro héritée d’un père somalien et garnie d’un appareil dentaire qui deviendrait sa signature esthétique… 1977, année de tous les dangers comme on le sait. Poly Styrene et les 4 garçons formant X-Ray Spex proposent alors un truc chauffé à l’énergie brute et blanche d’un Londres sous speed et chômage, avec une ironie que ni Clash ni les Pistols ne portent particulièrement. Transgression supplémentaire, le quintette cultive ses morceaux avec un saxophone, instrument a priori impossible dans le contexte cru de l’époque. Sur le premier tube du groupe, une histoire d’émancipation sexuelle kinky baptisée Oh Bondage, Up Yours, oui, le sax rugit comme une érection anglaise. X-Ray Spex fera 5 singles et un album, puis partira en eau de boudin vers 1979, avec quelques spasmes de reformation jusqu’en 2008.

Bipolaire

Poly Styrene a mené une carrière solo low profile, livrant 3 albums en 3 décennies, dont cet ultime disque qui sort alors que son auteur -Marianne Joan Elliott Said dans le civil- meurt ce 25 avril à l’âge de 53 ans, des suites d’un cancer du sein. Dès le premier morceau, qui peut rappeler Blondie période Heart Of Glass -en plus raide , il est patent que Poly n’a pas trahi ses amours du son plastifié qui était le sien au confluent des années 70 et 80. On y retrouve les cuivres affamés, un beat fusion disco-punk et ces propensions à ramener les musiques noires, jamaïcaines en particulier, dans la marmite pop, comme le faisait avec frénésie urbaine le Londres d’X-Ray Spex. Code Pink Dub, tout en cascades ragga et roulements jointés, est l’un des moments chauds du disque. Et puis, il y a toujours cette voix de petite fille qui refuserait de grandir dans un tel monde anxiogène, prêchant une forme de mondialisation à elle, façonnée par ses convictions d’adhérente Hare Krishna… Qu’elle s’en prenne au consumérisme sans fin (I Luv Ur Sneakers) ou à la xénophobie (Colour Blind), Poly montre volontiers ses zones sensibles, elle qui découvre au début des années 90 qu’elle est peut-être bien bipolaire depuis l’adolescence…. « Génial pour la créativité, beaucoup moins pour la carrière », expliquera-t-elle, lucide. Alors qu’aujourd’hui son influence est reconnue par les « nouvelles filles » à la Beth Ditto ou à la Karen O, ce disque remet en vue quelques-uns de ses atours musicaux. Sans nostalgie morbide, juste avec le pincement au coeur qu’une telle fin prématurée engendre.

Philippe Cornet

Poly Styrene, Generation Indigo , distribué par News. ***

www.poly-styrene.com

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