« Plénitude ressentie »: le journal de Sharko au Fly Away

© David Bartholomé

J1 – Départ

Dans l’avion donc.

Nous sommes, les festivaliers et nous, en partance pour le festival belge à la cool. Wesh: puisque je suis une « rock star de Wallonie », je suis évidemment, à bord, placé dans la zone VIP. (Oh, c’est normal après tout; j’ai tout de même composé Spotlite sur trois notes et j’ai déjà joué au festival de la saucisse de Issy-sur-Semois en 2005.) J’insiste ici sur l’aspect VIP car en l’occurrence, ce qui nous différencie des festivaliers, c’est ce minuscule paquet de cacahuètes posé sur le siège. Après l’avion, un bus serpente un parcours sinueux et bien que chahuté par la nausée, je me suis endormi comme une mert’, la bouche ouverte au petit filet de bave, à côté d’un couple qui m’a confié par la suite avoir hésité à prendre une photo! Ah ben super!

Une fois sur place, nous sommes conduits dans nos chambres. Si celles-ci sont, mmmh, un petit peu passées de mode on va dire, le cadre mer-montagne-sable se montre immédiatement irrésistible.

J2

J’ai été réveillé au coeur de la nuit! Une tondeuse à gazon attachée sur un drone semblait être rentrée dans la chambre! Non en fait, il s’agissait de mon camarade de chambrée Teuk dont je découvrais la ronflette, magnitude 7.

Splendide concert de Balthazar hier soir. L’alliance des voix de ces quatre individus marquants est une réussite indéniable. Concert parfait de Joe Bel également, sous un arbre, ce matin, pour un réveil en douceur.

L’open-bar!

Comme il y a 6 barmen et qu’ils sont au taquet débordés, on ne boit jamais deux fois le même mojito ou la même pina colada. Tu peux prendre 3 margaritas, elles auront chaque fois un goût différent: les doses varient et même les ingrédients – sans parler du verre. Mais on repère rapidement à qui s’adresser et on a vite nos barmen fétiches.

(Certains serveurs font valser les verres derrière leur dos à la Tom Cruise dans Cocktail, c’est souvent ceux-là qu’il s’agit d’éviter.) L’open-bar a ceci de bon qu’on ne se soucie de rien. Tu ne penses plus à ta bagnole à conduire, ni aux clés à retrouver par ailleurs, ni au vestiaire, ni à ta carte de crédit qui a explosé ni à la petite monnaie à réunir pour un dernier cocktail. Tu commandes, tu reçois un truc plus ou moins équivalent et tu vibres en communion. Bon, coolos quand même hein, loin de moi l’idée de faire ici l’apologie de l’alcool; les festivaliers (et nous!) sont donc sages et font montre de modération (mouesh!) et tout se passe sans accrocs. Bien sûr, si les plus timides ont besoin de Résiste de France Gall pour monter sur une table et danser, les autres ont juste besoin d’un demi-ponch et hop c’est caisse.

Ce matin, pour me donner bonne conscience et dérouter les toxines, j’ai entrepris une randonnée dans le maquis. Et je me suis vite perdu. J’ai croisé, hagard, un paysan (ô joie!, un sauveur corse) qui m’a dit: « C’est par là! C’est facile, tu peux pas te tromper! » et 400 mètres plus loin, il y avait déjà une intersection gauche-droite. C’est quoi ce délire?

J’étais perdu depuis un certain moment quand mon téléphone, sollicité par trop de recherches GPS, m’a lâché. J’ai donc commencé à sentir les joies de l’anxiété: « Personne ne s’apercevra de mon absence, je vais finir en dosette pour lézards. »

Je me suis vaguement retrouvé sur une simili-route et, après de longues minutes sous la cogne en plein délire, j’ai entendu une voiture que j’ai arrêtée de tout mon corps croyant à un mirage: « Bonjour, je fais du rock belge, j’ai composé Spotlite et j’ai déjà joué au festival de la saucisse de Issy-sur-Semois en 2005. Je suis perdu. Pouvez-vous m’indiquer le chemin vers le Club Med? »

Le gars: « Ah c’est facile, c’est par là, vous pouvez pas vous tromper! » 500 mètres plus loin, même délire-dilemme: un nouvelle intersection gauche-droite…

(Ces Corses ont une toute autre définition de la facilité.)

J3 – Jour du concert Sharko

Hier super concert de Alaska Gold Rush, sur le sable devant la mer: à ce moment, à cet endroit, juste parfait.

Entendu au petit-déjeuner: « Un triple sec au coucher, deux doubles expressos au réveil! »

Ce matin, balade sur les rochers en bord de mer. Le Samsung S3 mini, je le confirme ici, n’est pas waterproof.

Avant nos réglages de son, je tente la détente sur un transat à la plage au milieu de tous. J’ai alors un éclair de lucidité: l’huile solaire mal répandue sur mes coups de soleil écrevisses, mes crocs qui pendent aux pieds et même cette couille téméraire échappée du maillot… Mais comment puis-je, dans quelques heures sur scène, vendre l’image d’une rock star en sur-confiance au charisme lumineux et glamour? MAIS C’EST IMPOSSIBLE!

Concert terminé. Avons-nous performé trop vite et trop fort? Sans doute. Je mets ça sur le compte de notre attente pendant deux jours, nous avions tellement hâte de rentrer dans l’arène! Vas-y Ben Hur!

J4 – Jour d’après notre concert

Concert acoustique solo improvisé sous l’arbre. Tête à l’envers, fatigue de travers, quelques petites farces, des chansons tourmentées et No Contest en bouquet final muée en un vaste défi de réveiller Teuk avec l’aide du public. (« Ôde au dernier couché, dernier levé. »)

État de grâce et communion. Plénitude ressentie.

D’enthousiastes festivaliers, sans doute touchés par mon look « crocs-short », m’ont alors convié à une sortie en jet-ski prévue l’après-midi. Alors que je tentais de polies dérobades telles « je ne suis plus tout jeune », « je n’ai jamais fait de jet ski, ni du ski tout court », « mon maillot est trop large en bas » ou encore « je crains pour ma vie », la charmante jeune femme, très en verve et pleine de ressources a déclaré: « Le jet-ski, c’est comme le Get 27, mais en plus vite! »

Bref, me voilà sur la machine. Collé à ma fougueuse co-pilote, assommé par la majesté des lieux, étourdi par les slaloms, éconduit par des vagues robustes à l’eau de mer (10 litres avalés au moins), le sourire béat et les picotements de joie partout! Je ne savais plus comment formuler les « mercis » et mon entière gratitude à mes camarades skieurs.

Le soir, la nuit et au petit matin, j’ai dansé jusqu’à plus d’heure. Je n’ai pas arrêté de danser. Je dansais en allant aux toilettes, je dansais aux toilettes, je dansais en sortant des toilettes, je dansais au bar, je dansais sur scène, je dansais devant, je dansais derrière.

Certains festivaliers m’offraient des sourires indescriptibles, d’autres de petits rires nerveux, nous prenions des photos, j’embrassais Teuk qui embrassait Olivier Cox qui embrassait Maxime Firket, j’observais l’amitié sincère et bienveillante entre les DJs, mes camarades de jet-ski me sautaient dessus dans le sable pour faire la pyramide sur mon dos (sympa), nous riions, riions, nous riions tellement!

Je me suis alors tourné vers le ciel étoilé et la mer: à nouveau, je ne savais plus comment formuler les « mercis » et mon entière gratitude. Plénitude ressentie.

J5 – Le retour

À midi, au dernier repas avant de reprendre le bus, nous étions tous profil bas. Déjà envahis par la promesse de la nostalgie à venir, fatigués d’avoir ingéré tant d’amour et de joies, épuisés d’avoir dansé toutes les nuits, nous échangions, mines défaites, nos emails, nos motiliums, nos secrets pour affronter les lendemains qui déchantent.

C’est alors que Teuk est apparu, décalqué avec sa tête de vainqueur toute catégorie, dernier couché, dernier levé. Quand nous avons tous compris qu’il avait réussi à se lever pour prendre le bus sans encombres, une immense vague spontanée d’applaudissements est montée, montée, montée, portée par toute la terrasse des festivaliers. Fabuleux. Complicité absolue.

J6 – Le jour d’après

Que s’est-il passé? « Un gaz hilarant tout du long sur le site? », m’a demandé une jeune internaute.

Tout le monde, le public, les techniciens, les musiciens du Fly Away semblaient tellement bienveillants et sympathiques, composés de quadras bien portants qui se retrouvaient dans la bonne humeur pour afficher et revendiquer l’insouciance. Comment dire mieux? Il me semblait voir chez tous une forte envie de vibrer, de mordre la vie et d’aller bien. Diligenter le bien. Uniquement le bien.

Est-ce moi, ma projection et une vue de l’esprit? Si c’était réel, était-ce généré par le contexte actuel? « Revendiquer l’insouciance », je ne peux pas mieux dire en fait.

Plénitude ressentie.

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