Critique | Musique

PJ Harvey – Let England Shake

ROCK | Polly Jean remplit 2 Cirques et joue les équilibristes sur un huitième album, « Let England Shake » qui parle de guerre sans s’énerver.

PJ Harvey, Let England Shake, distribué par Universal, 3/5.

Les 18 et 19 février au Cirque royal (complet) et le 2 juillet à Rock Werchter.

En 2007, la plus brute et écorchée des rockeuses anglaises bluffait tout son monde. Dévoilait ses talents de pianiste et tranchait avec la rugosité de ses débuts. Tout en douceur, White Chalk pansait les plaies et nettoyait la crasse qui nous avaient fascinés, au début des années 90, à la sortie de Dry et Rid of me.

Polly Jean Harvey ne serait probablement plus jamais cette gamine énervée qui triturait sa guitare comme une démente. Désormais, elle jouerait dans des festivals de littérature et se produirait à l’opéra de Copenhague… Le trip Tori Amos/Kate Bush (en mieux) fut de courte durée. PJ s’est offert dans la foulée une récréation plus énervée avec John Parish. Et sur son huitième album enregistré en avril et mai dernier, elle abandonne déjà le piano. On vous aura prévenus. Ce n’est pas pour un retour à l’électricité.

La transition s’opère sans violence. Car sur Let England Shake, la dureté est dans le fond plus que dans la forme. Dans la prose plus que dans les riffs. Let England Shake parle comme son nom l’indique de l’Angleterre (« I live and die through England. It leaves sadness. It leaves a taste, a bitter one ») mais aussi, surtout, des guerres et de ceux qui les mènent. Miss Harvey n’est pas devenue une protest singer et encore moins une donneuse de leçon. A travers ses 12 nouvelles chansons, elle parle de l’homme, des hommes, avec mystère et magnétisme. Chante quelque part les guerres comme Terrence Malick, le réalisateur de La Ligne rouge, en fait des films (On Battleship Hill). Avec force, spiritualité et poésie.

D’Eddie Cochran à Police…

Flood, John Parish, Mick Harvey… Polly Jean a rameuté ses fidèles et partiellement enregistré Let England Shake dans une église du Dorset, son petit coin d’Angleterre. C’est peut-être ce qui lui confère cette atmosphère par moments mystique. Sans compter que PJ s’est mise à l’autoharpe. Variation nord-américaine de la cithare autrichienne particulièrement célèbre dans les Appalaches.

Il y a encore bien des surprises sur cet album enregistré par Rob Kirwin. Des samples du Kassem Miro de Said El Kurdi (extrait de la compilation Songs Of The Brokenhearted, Baghdad, 1925-1929) et de Blood & Fire, un vieux titre reggae. Des références au Summertime Blues d’Eddie Cochran (The Words that Maketh Murder) et au The Bed’s too big without you de Police (The Glorious Land).

Alors bien sûr, Let England Shake ne réconciliera pas l’Anglaise avec ses fans de la première heure, ceux qui auraient peut-être voulu l’entendre enregistrer les mêmes disques jusqu’à l’âge de la retraite. Mais il confirme l’intransigeance d’une artiste qui continue d’avancer sans trop se soucier de ce qu’on peut bien penser d’elle. The Queen is not dead…

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Julien Broquet

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