Pelican Fly Label Night: élitisme et underground involontaires

DJ Slow pour Vice.com © Vice
Tanguy Labrador Ruiz

Hier soir, de bien jolis oiseaux nous invitaient dans leur cage: le label Pelican Fly organisait une soirée au Recyclart. Entre musique de qualité et problèmes de programmation, la soirée battait, hélas, un peu de l’aile. Explications.

Rue des Ursulines, à deux pas du skatepark. L’endroit est un peu glauque, avec son béton tatoué par plusieurs couches de graffitis, et sa bande de clochards qui vident des Carapils, tout en criant des borborygmes haineux et incompréhensibles sur les rares passants. A quelques mètres d’eux, des barrières sont posées de manière rudimentaire pour canaliser une foule qui ne viendra jamais. Deux malabars gardent une entrée qui n’en vaut pas vraiment la peine et d’où s’échappe le bruit sourd de la musique. « Bracelet? » et « Le guichet est par là » seront leurs seules paroles. Au guichet en question, des problèmes avec la liste des invités. Je suis dessus mais la personne qui m’accompagne a été retirée. Incompréhension. Bafouillages de l’autre côté de la vitre. Je franchis alors la bâche qui fait office de porte, les yeux des videurs braqués sur mon poignet fraichement redécoré, pour ressortir ensuite avec un organisateur de la soirée. « Ils ont supprimé plein de guests sans vraiment nous demander notre avis », m’explique-t-il. Une fausse identité plus tard, mon pote peut lui aussi montrer son bracelet à l’entrée.

Underground station

La salle, qui n’est autre qu’un ancien hall de la gare Bruxelles-Chappelle, est peu peuplée. Deux ou trois personnes boivent un verre sous les néons rouges du bar, tandis qu’un couple discute devant Mister Tweeks, qui dans sa solitude, se fait plaisir en mixant du R. Kelly, Aaliyah, Kevin Gates, Ty Dolla Sign et Ciara, pour une ambiance sucrée et feutrée réchauffant agréablement les oreilles. Il n’est jamais que 21h après tout, et boire une bière accoudé à la barrière du premier rang figure parmi mes activités favorites. Les gens rentrent au compte-gouttes, Gilles vend quelques T-shirts du label et Mister Tweeks cède sa place à l’invité surprise, DJ Slow. Le sol se met à trembler davantage sur du hip-hop au beat plus affirmé, et, malgré l’audience limitée, l’artiste semble passer le meilleur moment de sa vie, mixant à grands renforts d’une gestuelle exacerbée et d’un sourire lumineux. De temps à autres, le rythme se cale davantage sur la techno, mais les pieds des gens restent tristement collés au sol, ou se contentent d’un petit pas sur le côté. Les gobelets se vident en attendant que la salle se remplisse. Lorsque Zora Jones arrive pour remplacer son comparse, une trentaine de personnes se masse devant elle, et les corps remuent davantage. Et pour cause, la belle sait y faire avec un mixer et impose instantanément son style précis et futuriste, mais jamais prétentieux. L’audience se retrouve projetée en 2036 par des beats qui partent dans tous les sens et qui dressent un mélange des genres, qui fait penser à un de ces impressionnants échangeurs routiers comme on peut en voir à Los Angeles. Alors que la foule recommence à s’aérer et que la musique continue à explorer tous les horizons, on évoque avec amusement dans une discussion le premier concert mythique des Sex Pistols, devant une audience de 42 personnes. En s’imaginant, rêveurs, que la musique jouée ce soir aura la même influence sur d’éventuels artistes présents dans la salle.

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La forme, ennemie du contenu

Il est 23h45, alors que Sinjin Hawke arrive sur scène, il faut déjà penser à partir, inexistence à Bruxelles en semaine des transports en commun nocturnes oblige. À la sortie, Gilles nous remercie d’être passés et s’excuse du manque d’ambiance. « On a eu des problèmes d’organisation. On devait jouer à l’AB Club, mais un plus gros concert a été déplacé et on nous a déplacé au Recyclart. Il y avait totalement moyen de faire une bonne soirée ici aussi, même si on sait bien qu’on a pas une fanbase énorme en Belgique, seulement on n’a pas pu décider du format de la soirée. Et vendre une soirée de label comme un concert à 12 euros, ça ne peut pas marcher. »

Un problème qui persiste en effet chez nous: les organisateurs se bornant à vouloir vendre les artistes électroniques sous la forme du concert, limitée dans le temps (20h à 00h quand on a de la chance) et onéreuse pour le spectateur, pendant qu’à Paris, des soirées gratuites avec des DJ de qualité durent toute la nuit et remplissent les boîtes. Du coup, il ne reste plus qu’à attendre I Love Techno pour s’amuser un coup. Allez, plus que 11 mois.

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