Ozferti, ethiopian lover

Florian Doucet, alias Ozferti, super-héros (à l'éthiopienne) des dancefloors. © RAPHAEL LETURCQ
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Breton de Bruxelles, Ozferti s’en est allé puiser en Éthiopie la matière première d’un album qui aime l’Afrique de l’Est et la science-fiction. Bas le masque…

Malgré une journée bien chargée entre son concert pour enfants de l’après-midi et celui destiné aux adultes, le soir, pour célébrer comme il se doit la sortie du premier album d’Ozferti, le musicien et illustrateur Florian Doucet a accepté de causer. Si son alter ego aime avancer masqué, le Français se pose à visage découvert sur les bancs en pierre des serres du Botanique. On est le 11 mars. La veille des premières grandes annonces et mesures adoptées pour enrayer la propagation du coronavirus. Sa dernière scène finalement avant un bon bout de temps.

Électronique, aventureux, dansant et exotique, Solarius Gamma est un disque de science-fiction qui sonne bon l’Éthiopie et l’Afrique de l’Est. « Je suis un grand fan de Jim Jarmusch et le déclic, ça a été Broken Flowers avec sa BO éthio-jazz, raconte le Bruxellois d’adoption. Je tournais pas mal à l’époque avec la Chiva Gantiva. On était sur la musique afro-colombienne, l’Amérique du Sud, la cumbia… Mais j’ai toujours été pas mal inspiré par les musiques secrètes d’Afrique. On connaît bien celles du Sénégal, du Nigeria, du Ghana, mais à l’exception de l’éthio-jazz, petite partie immergée d’un immense iceberg, il en va tout autrement pour ce qui est de l’Est… J’ai voulu creuser. »

Le projet Ozferti est né il y a quatre ans déjà, inspiré tant au niveau musical que visuel par l’Éthiopie, le Soudan et l’Érythrée. La genèse de Solarius Gamma ne remonte elle qu’à décembre 2018. Doucet rencontre alors sa manageuse, qui a beaucoup de connexions avec le marché africain. Trois mois plus tard, via les alliances éthio-françaises qui favorisent les échanges culturels et linguistiques entre les deux pays, il s’envole pour l’Afrique, des concerts à Addis-Abeba et Diré Daoua.

« Je me suis senti vraiment chez moi en arrivant là-bas. Il y avait ce côté mystique notamment. Je suis originaire de Bretagne. On a réussi à y préserver une très forte identité culturelle. On est l’un des piliers européens du druidisme. Il a d’ailleurs été très difficile d’y imposer la religion catholique. C’est aujourd’hui la région la plus catholique de France mais il y a toujours cette ambivalence: animisme, religion chrétienne. Et en Éthiopie, tu sens que tu es loin dans le temps. Ça me rappelait ce que j’avais vécu gamin. Des trucs un peu mystiques. Des prêtres cathos pas si cathos que ça. »

Florian Doucet débarque à Addis avec des tracks plus ou moins prêtes. Il cherche à faire des rencontres. ça tombe bien, sa manageuse connaît la plupart des musiciens de la ville. « Je ne voulais pas à nouveau m’inspirer de l’éthio-jazz. J’étais davantage branché par les musiques traditionnelles. C’est un tout autre monde. C’est la source. »

Après quelques coups de fil, les chanteurs et musiciens locaux se succèdent aux portes des studios improvisés. À Addis-Abeba, il s’agit d’une petite salle de cinéma assez sommaire qui sert aussi aux conférences et aux spectacles. À Diré Daoua, c’est une salle de classes. « On a mis du tissus aux fenêtres. Mon ingénieur du son a pris le truc à bras-le-corps. Très spontané. Tu ne peux pas fonctionner autrement, prévoir un programme avec des horaires. Plus tu vas préparer en mode carré et plus tu vas brider les musiciens, perdre en intensité, en fraîcheur. J’avais des prod très léchées. J’ai vite compris qu’il fallait juste des kicks, des claps, des choses très simples. Les participants sont tous des enfants du coin. Ils ont 20-25 ans. À part Ayou Nagesh, un peu plus âgé, qui tourne généralement dans les mariages. »

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Métaphysique

Clin d’oeil à un chant de mariage érythréen, Solarius Gamma n’est pas que le titre de l’album, c’est aussi le nom de la galaxie dans laquelle invite Doucet. En quête de lumière, il imagine des astres qui tournent autour d’un ou plusieurs soleils. L’idée est de zoomer. De se rapprocher par la suite d’une planète avant d’ajuster sa focale sur les continents. « J’ai voulu avec ce projet mettre en place un univers se situant quelque part entre la dystopie et la science-fiction. J’ai essayé de rassembler mes expériences autour du globe et de m’en servir pour créer un monde à part. Ce qui me fait tripper, ce n’est pas le space opéra, les Martiens, les aliens… Plutôt la métaphysique, le philosophique. Notre rapport à nous. Où est-ce qu’on va en tant qu’êtres humains? Quelle est notre place dans le monde? J’ai été très marqué par Dune . Frank Herbert a réussi à synthétiser tout ce que je kiffe en SF. »

Selon lui, le futur, pour les Éthiopiens, ressemble moins à Black Panther qu’à de grosses usines qui bouffent le monde. Florian n’aime pas parler pour les autres. « J’ai toujours adoré avec ce projet mêler le moderne et le traditionnel. Il m’est arrivé de me gourer complètement, de désacraliser en allant dans la mauvaise direction. Entre l’hommage et la récup’ carte postale, la limite est parfois bien mince. »

Pendant son périple d’un mois, Doucet a rencontré les producteurs Ethiopian Records et Mikael Seifu. « Tu connais l’Ethiopiyawi? C’est un mélange de musique éthiopienne avec de l’électronique. Un truc très abstract. Ça fait un peu penser au post-dubstep. » Il s’est promené dans le club de Mulatu Astatke et le centre culturel Fendika géré par Melaku Belay, l’incroyable danseur qui accompagnait en tournée The Ex et le saxophoniste Getatchew Mekurya. Il y a aussi eu la diva Eténèsh Wassié ,qui chante sur deux titres de l’album. Puis les joueurs de masenqo, guitar heroes éthiopiens au violon droit traditionnel. « En rentrant, j’ai mis deux semaines à m’en remettre. Je revenais de la planète Mars. Pendant trois mois, j’ai dérushé, réarrangé les morceaux, recomposé par rapport aux voix. Après, il y a eu le mix final et les visuels. »

Arrivé en Belgique pour ses études aux Beaux-Arts, Florian est illustrateur de formation et s’intéresse depuis longtemps au Moyen-Orient, au Maghreb. « Ils sont extrêmement riches au niveau traditions, costumes. Mais qu’est-ce qu’il y avait vraiment à l’origine? L’Éthiopie est une des sources du Nil. Tout ça est lié dans mon cheminement. Les petites découvertes ethnographiques m’ont toujours branché. J’adore l’histoire et la géographie. »

Solarius Gamma, distribué par Humpty Dumpty. ***(*)

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