On a vu Adele au Sportpaleis, sa réussite reste une énigme

Adele, ici lors de la cérémonie des Academy Awards en 2013 où elle a reçu l'Oscar de la meilleure musique de film. © REUTERS/Mario Anzuoni
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dimanche soir, la star planétaire était à Anvers, pour le premier de ses concerts belges. This is the voice…

Au moment d’entamer Chasing Pavements, son premier tube, écrit alors qu’elle n’avait que 19 ans, Adele se rappelle: « Je chantais dans des petits clubs, devant 12 personnes, dont moi, la plupart bourrées. Je n’arrive toujours pas à croire qu’aujourd’hui cette même chanson soit reprise en choeur par autant de monde. » On imagine bien. Lancée en 2008, la trajectoire de la chanteuse anglaise a suivi une courbe ascendante spectaculaire, passant du statut d’espoir semi-alternatif post-Amy Winehouse à mégastar mondiale. Depuis le triomphe planétaire de son album 21, Adele est devenu un véritable phénomène, l’une des dernières à réussir à vendre des disques. Et à peu de choses près, la dernière arme d’une industrie musicale toujours à la recherche d’un nouveau modèle économique efficace. Après une demi-heure à peine, Adele a ainsi déjà balancé une triplée de hits (Hello, Rumour Has It, Skyfall). Qui dit mieux?…

À bien y regarder, la réussite de la chanteuse semble cependant moins tenir de l’exemple que de l’exception. Une énigme même. C’est ce qu’on s’est dit plusieurs fois, dimanche soir. Quand a-t-on vu, par exemple, pour la dernière fois un concert entièrement assis au Sportpaleis? (Et cela, pas pour voir les énième adieu d’un Charles Aznavour, mais bien une artiste qui n’a même pas 30 ans.) Ajoutez à cela la robe de soirée de la vedette du jour, et certaines chansons penchant (dangereusement) vers ce qu’on appellera, faute de mieux, la variété anglo-saxonne, et on a parfois l’impression d’être à Vegas, dans la salle de concert d’un des casinos locaux. Depuis le carton US de 21, Adele a d’ailleurs pas mal « américanisé » sa musique. Joué en acoustique, sur le devant de la scène, Don’t You Remember, par exemple, ne peut plus rien cacher de ses inflexions country.

Là où Adele ne peut toutefois cacher sa « britannité », c’est entre les morceaux, lorsqu’elle se met à converser. Là, l’accent revient au galop. Les jurons aussi (elle pouffe lorsqu’elle se remémore sa dernière sortie). Ces digressions ne sont pas que des distractions: loin de casser le rythme de la soirée, elles font intégralement partie du plaisir que l’on peut trouver aux concerts d’Adele. La star y met une gouaille, s’amusant à dégoupiller tout glamour. Toutes les stars pop ont appris à glisser dans leurs shows des moments de proximité plus ou moins sincères. Chez Adele, cependant, cette attitude respire le naturel. Placée sur une seconde scène au centre de la salle, la chanteuse s’amuse par exemple à prendre la pose pour les premiers rangs, n’hésitant pas à se pencher en avant dans une pose fort peu gracieuse, mais hilarante. Elle commence encore à dialoguer au téléphone avec une fan bloquée chez elle par les examens. Plus tôt, elle évoque, visiblement sincèrement chamboulée, la tuerie d’Orlando, ou glisse vers le foot (elle a promis de diffuser 3 minutes du match de ce soir, comme elle l’a fait vendredi dernier à Paris)… Et puis forcément, elle consacre plus d’une tirade à évoquer les chaos amoureux qui ont donné naissance à la plupart de ses chansons.

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À cet égard, Adele reste une incroyable interprète quand il s’agit de chanter les regrets et les relations foirées – même la scie Someone Like You, en fin de concert, fait mouche. Derrière elle, le groupe joue sobre, précis, rejoint par moments par une section de huit cordes (Sweetest Devotion) ou des cuivres (Skyfall). Au centre du jeu, la chanteuse déroule impeccablement une setlist bien rodée (identique de soir en soir), sans jamais que les chansons ne sonnent désincarnées. En rappel, All I Ask, When We Were Young et Rolling In The Deep résument bien les humeurs du concert, entre songwriting classique, torch song décomplexée, et tube plus enlevé. Avec pour fil rouge, cet organe vocal XXL qui s’est aujourd’hui entièrement déployé.

Au final, on se dit d’ailleurs que, quitte à ce que chaque époque ait droit à sa chanteuse à voix, autant que ce soit Adele…

SETLIST: Hello / Hometown Glory / One and Only / Rumour Has It / Water Under the Bridge / Skyfall / Million Years Ago / Don’t You Remember / Send My Love (to Your New Lover) / Make You Feel My Love (Bob Dylan) / Sweetest Devotion // Chasing Pavements / Someone Like You / Set Fire to the Rain // All I Ask / When We Were Young / Rolling in the Deep

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