Oasis – Noel = Beady Eye: « De l’ironie? Je ne sais même pas ce que cela veut dire »

Oasis - Noel = Beady Eye © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Avec un premier album sous influences sixties/seventies, Liam Gallagher, débarrassé du frère ennemi Noel, rejoint par ses ex-partenaires d’Oasis, espère faire de Beady Eye « le plus grand groupe du monde ». À voir.

Après 15 ans d’un stupéfiant parcours commercial avec Oasis -moins fascinant sur le plan créatif-, Gallagher est de retour à la case presque 0 avec ce groupe baptisé Beady Eye (les yeux globuleux). Le premier single à être officiellement sorti de l’album, en janvier 2011, The Roller, a décroché la 31e place dans les charts, ce qui n’est pas étourdissant. Mais la tournée anglaise débutant au printemps dans des salles moyennes a été sold out instantanément. Aucun split de groupe géant n’a jamais enfanté un successeur de même envergure: on mâchonne encore l’axiome quand l’interview débute devant une tournée d’Irish Coffee. À ma gauche, Liam et le batteur Chris Sharrock, qui ne dira pas un mot pendant les 30 minutes d’interview. À ma droite, les 2 guitaristes, à la fois rythmiques et lead: Andy Bell, le plus sympa, et Gem Archer, dans la lignée sardonique de Liam. En moins drôle (1).

A l’été 2009, au moment où Oasis se sépare après cette fameuse querelle avec Noel précédant un concert à Paris, est-il d’emblée évident que vous 4 allez former un groupe ensemble?

Liam: Oui, définitivement. On s’est retrouvés dans la chambre d’hôtel à écluser quelques verres en se disant qu’il fallait faire quelque chose des chansons déjà existantes. Un peu plus tard, en enchaînant 3 titres à la suite en studio, on a compris qu’il y avait un potentiel: d’ailleurs, l’écriture, au départ individuelle, est vite devenue collective, et les morceaux sont signés comme tels. On a fait des démos jusqu’à Noël 2009 puis en mai 2010, on est rentrés avec Steve Lillywhite aux Studios RAK, un endroit formidable des années 60-70…

Andy: Oasis était l’un des meilleurs groupes qui aient jamais existé (…), mais il avait en quelque sorte accompli son cycle naturel. On voulait continuer à faire de la musique.

Etait-il évident que le nouveau son du groupe allait se distinguer de celui d’Oasis, puisqu’on y retrouve aussi bien des intonations à la Jerry Lee Lewis que des influences glam et seventies!

Liam: Il y a plus de « démocratie » dans Beady Eye, même si je déteste ce putain de stupide mot. On a tous eu envie de sonner « great », de faire tourner la machine. Beady Eye est un groupe sans leader, ou alors on l’est tous. Et on est impatients de s’attaquer au second album, même si je ne sais pas pourquoi on a sorti notre premier single (Bring The Light en novembre 2010) en téléchargement gratuit. Putain (air dégoûté)…

On dit que la tension causée en studio -je pense aux enregistrements avec Noel- amène parfois une forme de créativité: exact?

Liam: De la créativité, non, mais des maux de tête, oui.

Sans surprise, le son du disque est largement une déclaration d’adoration aux sixties/seventies: l’un des titres de l’album s’appelle Beatles And Stones…

Liam: Oui, mais cela n’a rien à voir avec le rétro-rock à la Lenny Kravitz! On aime les années 60 pour la musique, le cinéma, la mode, donc on ne cherche pas à recréer quelque chose, cela sort naturellement. C’est comme la nourriture: on s’en fout que ce soit nouveau si cela a un goût merdique. Les Beatles et les Stones sonnent encore de manière fraîche, 35 ans plus tard (sic). S’ils existaient aujourd’hui (…), on pourrait directement monter avec eux sur le ring, en compagnie des Who ou des Kinks, on est aussi bons.

Comme d’habitude, la voix de Liam est supportée par un océan de réverb, comme Lennon l’a fait en son temps: c’est devenu complètement naturel pour toi, Liam?

Liam: Ça me fait bander mec, je me sens bien avec de la réverb.

Andy: Avec Oasis, Liam ne venait qu’à la fin du processus d’enregistrement, quand tout le reste était en boîte.

Liam: C’était une putain de lutte continuelle, là j’ai tout chanté avec un SOURIRE incroyable, mec!

Il ne semble y avoir aucune chanson politique sur l’album…

Gem: En Angleterre, la politique est devenue un business, faudra employer un autre mot et cela m’intéressera! Des milliers de gens ont dit « Non » à la guerre dans les rues de Londres et on se l’est quand même prise dans la tronche! Le disque est d’abord optimiste, revigorant.

Andy: Pour être politisé, il faut croire un minimum en la politique et je ne connais personne dans ce cas, pas moi plus qu’un autre. J’ai voté mais je n’y crois pas. Notre politique, c’est le groupe.

Liam: J’aime voir aux news les gens qui se révoltent et jettent des pierres sur ces foutus clowns de politiciens, mais mon intérêt s’arrête globalement là…

Tu prends soin de ta voix?

Liam: Oui, enfin, non (hilarité des autres). Je ne fais pas de putains de piqûres au citron avant de monter en scène.

L’ultra-confiance que tu sembles manifester dans tous les domaines, notamment en faisant régulièrement des commentaires acerbes sur les autres musiciens, a-t-elle toujours été là?

Liam: Oui, c’est vrai, je veux être le meilleur et je crois à la compétition. C’est peut-être quelque chose qui vient de l’enfance, quand je devais me distinguer par rapport à mes 2 frères (et un père alcoolique et violent, ndlr). Si on me demande ce que je pense de tel chanteur, je ne vois pas pourquoi je devrais mentir: quand on démolit mon groupe, je ne vais pas pleurer dans les jupes de ma mère. Etre numéro 2, c’est incroyablement ennuyeux, non?

Gem: On ne va pas prendre notre retraite ou retourner aux études, la musique est ce qu’on fait… La dernière tournée d’Oasis a duré 13 mois, là on n’a aucune idée de ce que Beady Eye va amener, c’est vivifiant (…), on va débarquer uniquement avec de nouvelles chansons qu’on va jouer en regardant les gens droit dans les yeux.

Liam: Pourquoi la musique aurait-elle dû s’arrêter simplement parce que 2 mecs ne s’entendaient plus? Noel fera aussi des disques formidables.

Vous avez reparlé?

Liam: Non, parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire…

Il y a de l’ironie dans Beady Eye?

Liam: De l’ironie? Je ne sais même pas ce que cela veut dire.

(1) En live, la formation est complétée par le bassiste Jeff Wooton et le claviériste Matt Jones.

BEADY EYE « DIFFERENT GEAR, STILL SPEEDING »

DISTRIBUÉ PAR PIAS. ***

Dès le premier titre pétaradant, l’intention est claire, Oasis c’est fini: « Nothing lasts forever » chante Liam avec conviction. Les 13 chansons boostées par la production radiophonique de Steve Lillywhite (The La’s, U2, The Smiths) créent une puissante sonorité cristalline, quelque part entre l’éternel fantasme Carnaby Street (Millionaire), les relents lennonesques (The Roller) et un meeting de piano maniaque à la JL Lewis et les choeurs angéliques de T. Rex (Bring The Light). Les guitares, très présentes, sont riches en électricité (Standing On The Edge Of Noise), mais c’est lorsque le tempo se dégraisse que Beady Eye lâche ses 2 meilleures compositions: le final de The Beat Goes On et The Morning Son, intensément mélancoliques, option Liam gros sentimental.

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Esprit de groupe: un pour tous…

Liam Gallagher n’est pas la première star à fondre sa masse d’ego dans l’anonymat relatif du groupe. Il y a des précédents rétros: ainsi quand Eric « God » Clapton, à son zénith de superstar sixties, intègre Blind Faith avec une autre étoile d’époque, Stevie Winwood, pour rejoindre ensuite la formation complètement low-profile Delaney and Bonnie. Précédant la fin officielle des Beatles, John Lennon crée avec Yoko Ono The Plastic Ono Band, qui sort le tube Give Peace A Chance et l’album Live Peace In Toronto 1969 sous cet unique nom, avant de recoller les patronymes de Lennon et Ono sur les sorties suivantes… Autre exemple beatlesien avec Paul McCartney et ses Wings à succès (1971-1981). Plus récemment: An Pierlé met son groupe White Velvet à égalité de pochette et Nick Cave s’engloutit dans le side-project Grinderman, en radicalisant la sonorité des Bad Seeds. Sans oublier Eminem, engagé pour 2 albums avec ses potes de D12 ou Robbie Williams, délaissant sa carrière solo pour rejoindre Take That et encore plus de succès. Pas forcément une règle, surtout si l’on songe à David Bowie qui, après quelques albums solos calamiteux, fonde en 1988, un « vrai » groupe égalitaire, Tin Machine. Cela durera 2 albums, éreintés par la critique et boudés par le grand public, avant que Bowie ne délaisse totalement sa crise de démocratie…

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