Manu Louis: « Chanter en français permet de faire des choses plus dramatiques »

© Matias Ranwez Van Elst

Rencontré au festival Propulse, le multi-instrumentiste Manu Louis trace les contours d’un style musical qui lui appartient. Un vrai melting-pot de genres entre pop, jazz et musique électronique populaire.

Actif depuis plusieurs années dans plusieurs groupes aux styles différents et loufoques, Manu Louis laisse aussi libre cours à son imagination débordante en solo. Après plus de 100 dates aux quatre coins du globe en 2016, il était de passage au Propulse Festival. Nous en avons profité pour en apprendre plus sur ce personnage haut en couleur.

Peux-tu expliquer en quoi consiste ton projet solo?

Il y a plusieurs choses… Il y a le disque et il y a mes concerts en solo. Sur le disque, il y a des musiciens qui jouent. Il y en a une dizaine, peut-être même un peu plus, et il y a une partie qui est faite seul aussi. Le disque est un hybride entre le moment où je travaillais encore avec des gens et puis le moment où j’ai commencé à faire des solos. Pour les concerts, j’ai refait des versions solos de tout qui sont beaucoup plus électroniques.

Qu’est ce qui t’a donné envie de démarrer une carrière en solo?

Il y a beaucoup de choses. Avant, je travaillais avec des instruments acoustiques surtout. Il y avait du violon, du saxophone… J’avais un groupe qui s’appelait Funk Sinatra pendant plusieurs années. J’ai commencé à m’intéresser de plus en plus à la musique électronique pour toutes sortes de raisons. Le créneau dans lequel ma musique rentre est quand même un peu large mais c’est quand même difficile de tourner en groupe.

Tu as des influences jazz, pop, on entend aussi parfois des musiques balkaniques… Comment est-ce qu’on se dit un jour « je vais mixer tout ça avec de la musique électronique »?

Tout vient de manière expérimentale. Je travaille avec des sonorités qui à un moment m’attirent et je me retourne vers là. Je n’ai pas conceptuellement pensé à mélanger tous ces styles de musique. Et puis il y a tout mon parcours. J’ai fait du jazz à une époque, j’ai étudié un peu de musique contemporaine, j’ai fait de la pop… Tout ça se retrouve dans mes morceaux.

En live, tu sautes d’une machine à l’autre. Comment se passe au niveau de la composition des morceaux?

C’est plus calme… Non ce n’est pas vrai, en fait. J’ai toutes sortes de méthodes. Je suis beaucoup en tournée, je fais une centaine de concerts par an, et j’écris des paroles tous les jours quand je suis en tournée. Après, je stocke toutes ces paroles, je choisis les meilleures et je commence à composer des morceaux. Pour mon prochain disque, je me suis limité à certains synthétiseurs ou sonorités. Ce qui le différencie de Kermesse Machine qui est plus éclaté.

Il y a une place pour l’improvisation dans tes lives?

Bien sûr, je garde de l’espace. J’improvise avec les différentes machines et la guitare. Je change l’ordre des morceaux à chaque fois, je change de set. Il n’y a jamais deux concerts qui sont les mêmes. Ça va des chansons qui ressemblent à du Kurt Vile à des chansons très chantantes.

Comment expliques-tu le fait que tu te produises autant à l’étranger et si peu en Belgique?

Parce que c’est plutôt une musique de grandes villes. A un moment, j’ai accepté que mon public c’était des gens qui allaient aux Ateliers Claus, au cinéma Nova et des gens qui s’intéressent à une certaine forme de pop expérimentale. Et ça ne se trouve pas nécessairement partout. Il y a toujours des exceptions et de toute façon je suis prêt à jouer là où on m’appelle. Mais on retrouve plutôt ce genre de scènes à Barcelone, à Vienne, à Berlin, à Paris… qu’à Marche-en-Famenne par exemple. Il y a beaucoup de musiciens qui tournent partout en Europe. C’est très différent des gros groupes pop qui vont investir pays par pays avec une communication massive dans des trucs mainstream. Moi je dois passer par d’autres filières, de magazines plus internationaux comme The Wire…

Tu mélanges français et anglais dans tes chansons. Y-a-t-il une langue que tu préfères?

Le français permet de faire des choses plus dramatiques. L’anglais, c’est très difficile que ça ait l’air sérieux à partir du moment où on a un accent, à partir du moment où on a un vocabulaire limité, à partir du moment où on n’est pas anglophone. Donc je le garde pour les choses plus légères. J’essaye d’utiliser un anglais continental. L’anglais que je parle et pas celui du dictionnaire des synonymes.

Sur scène, tu te produis avec un tablier et tu mets des nappes sur tes tables. A quoi cela fait-il référence?

Je ne sais plus d’où est venu ce truc en fait. Mais ça peut être vu comme la manière que je compose. Dans Kermesse Machine, ce sont des fragments et des échantillons du monde entier mis dans les doigts. Ça donne un peu l’impression de faire de la cuisine.

D’où proviennent tes samples et les images que tu utilises?

Pour les samples, il y en a à moi mais il y en a plein que je vole sur d’autres disques. Pour les images, j’en vole aussi mais c’est délibéré. C’est de la réappropriation d’images et de sons. C’est intéressant de produire les sons soi-même mais je trouve ça très intéressant aussi d’utiliser des sons qui ne viennent pas de toi. C’est une vieille technique dans les arts plastiques mais dans la musique c’est plus récent. Ça a commencé dans les années 90.

Comment tu donnerais envie aux gens d’écouter ton album?

C’est un disque assez baroque. Ça peut intéresser tous les gens qui n’aiment pas la société de consommation. Il y a un lien avec l’art conceptuel, il y a un côté très léger aussi. Ça mélange la musique pop et la musique populaire belge et c’est difficile à faire sérieusement. Mes affinités depuis ma naissance vont plutôt vers la musique pop mais je me suis senti obligé d’utiliser les autres trucs qui viennent de là où je suis né.

En concert le 09/02 à Chenée et le 14/03 à Bruxelles.

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