Mahalia: « Dans le monde de la musique, tout tourne autour du business »

Après un passage par la folk-soul acoustique, Mahalia inscrit son premier album dans une veine r'n'b plus dans l'air du temps. © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Âgée d’à peine 21 ans, la chanteuse vient ajouter son nom à la nouvelle scène soul-pop anglaise, entre affirmation de soi et refrains mellow.

S’il faut parfois tirer les vers du nez à certains artistes, on ne rencontre pas ce problème avec Mahalia. La jeune femme parle facilement, beaucoup. En interview, sur scène, ou sur Instagram. Il n’y a là rien de forcé. En fait, la nouvelle révélation soul anglaise d’à peine 21 ans ressemble à sa musique: simple, chaleureuse, affable, sans prétention. Stylée, oui, mais pas « flamboyante » ni « star ». Surtout pas. « Si je cause souvent et beaucoup entre les morceaux, c’est aussi pour briser la distance éventuelle avec le public. Quand je vais voir un concert, j’ai souvent l’impression qu’il y a un mur entre l’artiste sur son podium et les gens. J’ai envie de casser ça, de me rapprocher. »

Illustration avec son album sorti le mois dernier, intitulé Love and Compromise, sur lequel elle chante notamment le morceau Regular People: « Une chanson pour ma famille, mes amis. Je voulais qu’ils puissent s’y retrouver. Aujourd’hui, je vis la plupart du temps dans un monde -celui de la musique- qui est très autocentré, où tout tourne autour du business. Je ne suis pas forcément à l’aise avec ça. En fait, vous devez être très égoïste pour faire ce boulot. Ce qui n’est pas trop dans ma nature. Je préfère m’intéresser aux autres, me soucier d’eux, c’est mon côté maternant. » (rires) Pour l’heure, la priorité, c’est pourtant bien elle, et sa carrière. Mahalia monte au front promo, bien décidée à convaincre avec un album pour lequel la major Warner a mis les moyens (grosse production, featuring avec des superstars comme Burna Boy). L’excitation et la joie sont palpables. Les appréhensions aussi: la jeune chanteuse est depuis assez longtemps dans le circuit pour ne pas en avoir déjà repéré certains traquenards et impasses…

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Esprit de famille

Née le 1er mai 1998, Mahalia Burkmar grandit dans une famille musicale, voire musicienne: dans les années 80, père et mère avaient monté leur propre duo soul-funk -Club O-, après s’être retrouvés, pour l’une dans le groupe Colourbox (anomalie r’n’b-reggae dans le catalogue new wave de 4AD), pour l’autre à jouer en studio et sur scène avec le combo synth-pop Erasure. « Et puis ils ont eu des enfants…« , glisse Mahalia dans un sourire. En l’occurrence, elle est la seule fille d’une fratrie de quatre. Dans la sono du salon passent à la fois les classiques soul-jazz des parents, le rock indé de l’un de ses frères, le hip-hop de l’autre. Elle gobe tout, mais se retrouve plus encore dans les « songwriteuses » pop anglaises: « J’ai « saigné » le premier album d’Adele, puis Amy Winehouse, Lily Allen, Kate Nash, des filles qui ont de fortes personnalités. » Comme elle?

Officiellement, Mahalia écrit sa première chanson à huit ans… « Depuis toute petite, la musique a toujours été partout. En ce sens, avoir des parents musiciens est forcément un avantage, notamment parce qu’ils m’ont toujours soutenue. Dès que je leur ai dit que je voulais devenir chanteuse, ils m’ont fait confiance. » Ils l’encouragent, la conduisent à des scènes ouvertes, elle, ses premières ébauches de morceaux et sa guitare acoustique. De fil en aiguille, les choses se mettent en place. Un soir, elle rencontre Ed Sheeran, dans les coulisses de l’un de ses concerts. Le lendemain, le chanteur, dont la carrière est en train d’exploser, poste sur Twitter un lien vers un morceau de Mahalia… Trois mois plus tard, la gamine signe un contrat avec le prestigieux label Atlantic. Elle a treize ans.

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La voie apparaît toute tracée. Peut-être un peu trop d’ailleurs. « J’imagine qu’ils pensaient que je serais prête plus tôt. À un moment, j’ai mis le frein. J’ai voulu retourner à l’école, obtenir mon diplôme. Je continuais à écrire, mais je ne sortais rien. » Petit à petit, elle se rend compte également que les plans prévus pour elle ne lui correspondent pas forcément. « En tant que fille, on attend de vous d’agir et de vous vêtir d’une certaine manière. Or, j’avais l’impression de ne pas correspondre à ce moule. Je viens par exemple de Leicester. Ce n’est qu’à trois heures de Londres, mais malgré tout, on a un accent particulier, un humour aussi. Même si je suis plutôt quelqu’un de calme, j’aime bien l’ouvrir et dire ce que je pense. J’avais le sentiment que tout ça ne collait pas trop avec ce qu’on attendait de moi… »

Sur Instagram, elle revient aussi régulièrement sur le fait d’assumer ses rondeurs. Raccord avec une génération écartelée entre la scénarisation de soi à outrance et la célébration de ses différences, elle insiste encore sur son identité de jeune femme noire. Même si elle est métisse? « C’est vrai. Mais pour les gens, je suis noire. À Leicester, j’ai grandi dans un quartier majoritairement blanc, et ça ne faisait pas de doute. Plus tard, quand je suis partie étudier à Birmingham, c’était plus mélangé. Mais j’étais quand même trop noire pour les Blancs, et trop blanche pour les Noirs. Aujourd’hui, je m’en fous. Je suis comme je suis. Je ne peux pas changer ma génétique. »

En 2016, Mahalia sortait Diary of Me, encore largement marqué par ses passions folk-soul acoustiques. Trois ans plus tard, pour ce qu’elle considère comme son premier véritable album, elle a légèrement changé de cap, embrassant une veine r’n’b plus dans l’air du temps. Sans que cela ne modifie pour autant son état d’esprit. Elle le confirme au début de Love and Compromise, en citant un extrait d’une interview d’Eartha Kitt. « Je crois que c’est important de dire ce que l’on pense, et croire en soi. C’est un peu ce que raconte Eartha Kitt: il n’y a que quand on est vraiment soi-même que l’on peut être ouverte aux autres et partager… »

Mahalia, Love and Compromise, distr. Warner. ***

Le 19/12 à l’Ancienne Belgique, Bruxelles.

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