Critique | Musique

Madonna, rebelle sans cause

Madonna © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Avec Rebel Heart, Madonna continue de faire débat dans les salons pop. À défaut de vraiment se réinventer, acculée à suivre les tendances, elle qui les a si longtemps définies.

Madonna se prenant une gamelle, lors des Brit Awards. La scène aura fait ricaner la Toile. Retenue par sa cape Armani, la star s’était alors étalée de tout son long devant les caméras. La métaphore était tentante: la chute en direct d’une icône, piégée par son propre accessoire royal. Plus prosaïquement, l’incident fut un accroc de plus dans un lancement d’album parmi les plus calamiteux de la carrière de Louise Ciccone. Dès la fin novembre, Madonna a vu ainsi une série de morceaux « fuiter » sur le Net. La première réaction fut la panique, l’intéressée parlant de « terrorisme », avant de se décider à lâcher six premiers titres sur iTunes. Le mal était cependant déjà fait. A l’heure où les autres têtes de gondoles de la pop ont appris à jouer avec la souplesse du Net pour créer, par exemple, l’effet de surprise, Madonna a donné, elle, l’impression de rester coincée dans son personnage de control freak, incapable de s’adapter…

Bataille de reines

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Il est évidemment tentant de vouloir ringardiser des vedettes aussi indéboulonnables que Madonna. Après un MDNA un poil poussif, la chanteuse n’entend toutefois pas se laisser déclasser si facilement. Treizième album studio de sa discographie, Rebel Heart hurle encore et toujours son besoin de convaincre.

Cela part d’ailleurs plutôt bien, avec le single Living For Love, qui lorgne du côté d’une house « pupute » nineties qui lui va bien. Dans la foulée, Devil Pray et sa guitare acoustique reprennent les choses là où l’album American Life les avait laissées. La suite invite cependant davantage à la perplexité. Comme le reggae d’Unapologetic Bitch, produit paresseusement par Diplo. De son côté, le cador EDM Avicii n’a pas la main beaucoup plus légère sur les nombreux titres auxquels il a collaboré. Sur Bitch I’m Madonna, la « queen of pop » invite encore la « queen of rap », Nicki Minaj, mais l’étincelle ne vient jamais. Madonna a toujours su s’entourer. Mais là où auparavant son flair lui permettait d’avoir un demi-coup d’avance, elle semble aujourd’hui se contenter de suivre…

Au moins, ne s’épargne-t-elle pas: Rebel Heart compte pas moins de quatorze titres -19 sur l’édition Deluxe (et même 25 sur la super Deluxe). C’est beaucoup. Et forcément inégal (pour un HeartBreakCity touchant, un Holy Water autoparodique). Mais peu importe. Madonna fait le forcing. Pour non seulement préserver son statut, mais montrer aussi que le temps n’a pas d’effet sur elle. Que même à 56 ans, il est toujours possible de jouer un rôle dans le grand cirque pop. C’est son grand combat actuel: après avoir joué la provoc’ avec la religion, contribué à la libération sexuelle, Madonna veut dénoncer aujourd’hui un certain « âgisme ». Elle a évidemment raison. Dans le show-biz, il n’est pas facile d’être quinqua. Surtout quand on est une femme.

Pourtant, ce n’est pas vraiment ce que raconte Rebel Heart. Truffé d’auto-références, le disque n’évoque pas tant la difficulté de vieillir. Mais plutôt celle d’être Madonna, et de dealer avec 30 ans d’une carrière unique. Car en réalité, le défi est moins de réussir à faire avec le temps qui passe, qu’avec le temps passé – cette cape bien trop lourde et serrée, qui empêche Madonna de réellement se réinventer…

DISTRIBUÉ PAR WARNER.

EN CONCERT LE 28/11, AU SPORTPALEIS D’ANVERS.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content