Les filles sont-elles l’avenir du rap?

Femme d'affaires et passionnée, Anne-Valérie Atlan, alias Valou Gold, est la reine du rap game français. © ADE ADJOU
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

En tout cas, elles ont déjà largement façonné son Histoire, souvent bien plus qu’on ne le pense. Exemple avec Valou Gold, fly-girl, journaliste, productrice, business woman, présente depuis 30 ans dans le « game » hexagonal.

Côté face, c’est un peu la reine des glaces. Mâchoire carrée, regard métal, visage figé derrière un maquillage insistant et une blondeur sitcom. On comprend comment Valou Gold n’a jamais eu de mal à se faire respecter. Côté pile, le sourire volubile, les yeux truculents et la discussion easy. On devine comment Valou Gold a toujours su aussi séduire et convaincre… Le bon vieux coup de la main de fer dans le gant de velours. Il faut sans doute bien ça pour faire sa place dans le monde du rap français.

On la rencontre dans la salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles: ce soir-là, Anne-Valérie Atlan de son vrai nom est l’une des invitées de la conférence autour de la place des femmes dans le hip-hop, organisée par l’ASBL Shine Prod. Une participante dans le public, qui l’a interpellée juste avant, pendant le débat, fonce vers elle pour lui demander une photo. « Alors, comme ça tu me clashes, puis tu viens me demander un selfie?, rigole-t-elle. Mais non, je plaisante. T’es sur Insta? Attends, je vais demander à mon assistant de prendre la photo. » Quelques secondes plus tard, le cliché a rejoint le compte Instagram de Valou Gold. De quoi alimenter la « story » du jour, juste après, notamment, une photo prise sur la Grand-Place, et une autre à bord du Thalys, filtre « yeux de braise, papillon volant dans les cheveux » inclus. Anne-Valérie Atlan, 47 ans cette année, est toujours « dans le coup ». Alors que l’on était venu pour l’interroger sur son parcours de femme dans les coulisses du rap, on se permet donc de commencer en lui demandant plutôt: est-ce que tout ça est encore bien raisonnable? « Pour moi, oui! Il n’y a pas de secret: pour rester pertinent malgré les années qui passent, la clé c’est d’être entouré principalement de jeunes. Ce sont eux qui continuent de porter ce mouvement. J’ai une société de production: parmi les gens qui se trouvent aux postes stratégiques -ingénieur du son, mixeur, graphistes, etc.- je crois que personne n’a plus de 24 ans. »

1.0Toujours un plaisir de partager et transmettre mon expérience…
Magnifique conférence sur la place des femmes dans l’industrie du Rap par @shine.prod orchestrée par la merveilleuse @ammounasworld ?valou_goldhttps://www.instagram.com/valou_gold19696011061991726713320249542_1969601106Instagramhttps://www.instagram.comrich658

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Du Troca au Bronx

Le hip-hop français doit beaucoup aux filles. Que l’on parle des premières rappeuses à se faire remarquer comme B-Love ou Saliha. Mais aussi de personnalités comme Sophie Bramly -qui créera Yo! MTV Raps-, ou Laurence Touitou -qui produira elle la mythique émission H.I.P. H.O.P., sur TF1. « J’avais douze ans. Tout à coup, je découvrais toute cette culture venue du Bronx. Ça m’a tout de suite pris aux tripes: l’énergie, le dynamisme, la positivité. » Anne-Valérie Atlan habite alors du côté du Trocadéro. Quand elle descend de chez elle, elle tombe sur les premiers breakers, qui tournent sur la tête avec la tour Eiffel pour décor. « Je parle d’une époque où on était maximum une centaine à écouter cette musique. » Et combien de filles? « À Paris? Elles étaient peut-être cinq? » Bientôt six. Quitte à devoir un peu jouer des coudes. « Le dimanche, je sortais au Timist, une boîte du côté de Saint-Germain-des-Prés. J’étais une petite Blanche, au milieu des Renois et des Rebeus. Les quelques filles me regardaient de travers. J’étais un peu persona non grata. Elles voulaient me dépouiller, m’en coller une. Depuis le début, il a fallu se battre (sourire). » Doublement: à la fois pour se faire une place au sein de la minorité de filles, et se faire respecter par les garçons. « Ça n’a pas changé. Quand on dirige une entreprise, c’est parfois compliqué. Je suis associée avec un homme, et je le vois bien: quand il adresse la parole aux gens, ils l’écoutent d’une autre manière. Si je dis la même chose, sur le même ton, on va dire que je me la pète. C’est la vérité! Donc oui, c’est extrêmement dur. Mais ça n’a pas empêché la passion d’avoir toujours été là. »

Son parcours l’atteste. À seize ans, celle qui se fait bientôt appeler Valou Gold rencontre Crazy JM, figure clé du rap parisien. Il a notamment fondé le crew IZB (pour Incredible Zulu B-Boy). Au sein du collectif, Valou Gold participe à l’organisation de soirées et de concerts -dont celui, légendaire, de Public Enemy au Zenith, en 1990. Le bac en poche, la jeune femme s’essaie au droit, avant de bifurquer vers des études de management hôtelier. Elle en profite pour partir un an à New York, réussissant à dégoter un stage chez Bad Boy Records, le label de P. Diddy. « C’est là que j’ai commencé à faire des interviews de rappeurs US, comme Lord Finesse. » Elle les envoie au magazine Radikal, qui vient d’être lancé, au printemps 1996. « Ils ont fini par me demander de reprendre les rênes. Après huit numéros, les deux gars qui avaient lancé le projet étaient épuisés, ils n’en pouvaient plus. À ce moment-là, j’étais revenue à Paris, j’avais commencé un premier job dans un grand hôtel. J’ai tout lâché. » Débute alors une carrière dans la presse, au sein de Radikal donc, mais aussi de publications comme L’Affiche, R’n’B Mag, etc. Elle rencontre Aaliyah, interviewe LL Cool J, monte à bord du jet privé de Jay-Z, discute avec Dr. Dre, pose avec Beyoncé, etc. Au milieu des années 2000, elle finira par monter sa propre structure, Mazava Corps, produisant des artistes comme La Fouine, ou des tournées comme L’Âge d’or du rap français, avant de s’attaquer, prochainement, à celle de Rohff. Tout cela, on a à peine l’occasion de l’évoquer, qu’elle est déjà appelée ailleurs. Le temps tout de même de prendre une photo. « Vous êtes sur Insta?« 

Hip-hop au féminin

Vendredi dernier, l’ASBL Shine Prod invitait donc un panel de femmes actives dans le rap (journaliste, attachée de presse, etc.) pour discuter de la place des filles dans le milieu. Un débat filmé qui sera très prochainement mis en ligne. En outre, dans la foulée de la journée internationale des droits des femmes, ce 8 mars, La Belle Hip Hop inaugure la troisième édition de son festival multidisciplinaire 100 % féminin. Il s’étalera jusqu’au 15 mars. Avec au programme de la danse, du graff, des débats, et bien sûr des concerts, dont la soirée d’ouverture prévue au Botanique, qui sera animée, par une autre activiste du rap français, Juliette Fievet.

www.labellehiphop.com

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