Les Ardentes J1: King Kendrick

Kendrick Lamar © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Jeudi soir, en principauté, Kendrick Lamar a confirmé son talent, au sommet du rap.

On ne pouvait rêver mieux pour couronner une première journée des Ardentes quasi entièrement dédiée au hip hop: Kendrick Lamar, en tête d’affiche, c’était non seulement une exclu, mais aussi tout simplement un évènement. La venue d’un prince en principauté, le nouveau king du rap game ni plus ni moins – son To Pimp A Butterfly pouvant déjà être retenu parmi les deux, trois albums marquants de 2015, tous genres confondus.

C’est pourtant par la face good kid, m.A.A.d city, son disque précédent, que K-dot attaque son concert. Le sample déformé de Beach House lance l’énorme Money Trees – affolement immédiat dans les premiers rangs. En enchaînant avec Backseat Freestyle, Lamar maintient la tension d’un début en fanfare. Dans le fond, un écran balance des images de Compton, LA, filmées par Khalil Joseph: là, par exemple, un cavalier solitaire file en pleine nuit dans les rues de la ville, plus loin, un homme est pendu à un réverbère, la tête en bas, les bras croisés. Poésie visuelle urbaine, raccord avec le récit du jour: Lamar vient de Compton, y est né, y a grandi, et même si le succès l’a « sorti » du ghetto, c’est toujours cette histoire-là qu’il veut raconter. Décalage assuré en bord de Meuse? C’est bien connu, c’est en racontant le particulier que l’on touche à l’universel. Le tube Swimming Pool ou le Fuckin’ Problems d’A$ap Rocky, par exemple, font mouche, forcément. A Liège, le Messie Lamar est Messi: même mètre septante, même sens époustouflant du dribble/flow.

Evitant la formule DJ, le rappeur est accompagné d’un batteur, guitariste, bassiste, et clavier. Ce qui donne un surplus de musicalité, certes, mais étouffe aussi par moment le sample censé dégoupiller le morceau – comme sur m.A.A.d city. En fait, c’est quand le groupe joue simple, groovy, qu’il est le plus pertinent. Sur Sing About Me, I’m Dying Of Thirst, par exemple, Kendrick Lamar parvient à toucher avec un minimum d’effet. C’est aussi le moment qu’il choisit pour enchaîner avec des titres du nouvel album. Il est temps: on est déjà dans la dernière ligne droite du concert quand le single I diffuse ses good vibes. King Kunta et Alright suivent: triplé gagnant et jubilatoire. Avant de partir, K-Dot file encore un ancien ADHD pour la soif, complété par Compton en rappel.

Bilan final? Nul doute que Kendrick Lamar est aujourd’hui au-dessus de la mêlée. Le rappeur a la vision, le flow, le charisme, ainsi qu’une attitude qui devrait lui permettre d’éviter les écueils classique d’une carrière qui s’est emballée. Mais des super-héros, on attend aussi beaucoup. Avec To Pimp A Butterfly, Lamar a sorti un album qui fera date, aussi bien par sa qualité musicale que par son propos, à la fois engagé et nuancé. Un game changer, comme on dit. Pouvait-on en attendre autant sur scène? Secrètement, on l’espérait probablement. En piochant essentiellement dans good kid, m.A.A.d city, Lamar le reconnaît d’ailleurs lui-même: ce qu’il a réussi sur disque, il n’a peut-être pas encore eu l’occasion de le traduire en live (ou alors de manière ponctuelle, souvent sur le plateau de late show, avec un groupe plus conséquent). Même en donnant un excellent concert, Kendrick Lamar aurait donc encore de la marge. La bonne nouvelle du jour.

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