Le Supervue, entre les gouttes
À Liège, le Supervue a une nouvelle fois montré qu’il y avait moyen de proposer un festival curieux et accessible, à dimensions humaines. Même sous les trombes d’eau…
Il faudrait veiller à ne passer pour plus snob qu’on ne l’est: les superproductions, on n’a rien contre. Mieux: on adore ça. Les festivals XXL, avec grands effets spéciaux, et pluie de grosses vedettes internationales. Le tout généralement super bien organisé, réglé comme du papier à musique. Quitte à glisser vers une certaine aseptisation de l’événement festival? Sans doute, mais qui ne s’est jamais réjoui de la non-surprise bien commode d’un Starbucks ou de l’anonymat confortable d’un passage chez MacDo?
Tout ça pour dire que si l’on trouve son compte dans les gros festivals mammouths de l’été, de temps en temps, il est bon de changer de perspective, et revenir à des dimensions plus modestes. Depuis 2016, le Supervue, à Liège, prône ainsi un certain « retour aux sources ». L’idée? Proposer un événement à la fois curieux et ouvert, pointu et accessible, qui mélangerait musique et arts visuels, et qui veillerait à préserver une certaine « intimité »: ici, le festival se limite à deux scènes (plus une pour les performances artistiques), trois bars, et une grande tente/cantine végé, à la bonne franquette. Le tout dans un cadre atypique. En l’occurrence, le terril Piron, du côté de Saint-Nicolas. En vrai, c’est lui la vraie tête d’affiche du festival, terrain de jeu qui offre une (super)vue sur le bassin liégeois (la Meuse, les dernières lignes d’Arcelor, le stade de Sclessin…). Le genre de panorama qui suffit à marquer l’identité d’un festival.
Le week-end dernier, on se pressait donc pour grimper sur le promontoire, installé au sommet du terril. Dimanche, le Supervue annonçait même une édition « record ». Et cela, malgré une météo pas franchement riante. Appelez ça la loi de la vexation universelle. Vous vous préparez toute la semaine pour un festival sous le soleil. Vous montez toute la structure sous un cagnard sauvage, frôlant les 40 degrés. Et puis, bardaf! Les portes à peine ouvertes, vous vous retrouvez rincé par un beau et gros orage.
Vendredi, dès le début de soirée, le terrain était donc déjà en bonne partie trempé. Pas de quoi refroidir l’enthousiasme du public, que du contraire. « À Liège, tout peut arriver« , nous rappelle-t-on. C’est tout à fait vrai. Ce jour-là, par exemple, le bateau tangue, mais ne coule pas. Du côté du point de vue, on passe le cap de minuit dans le noir, en attendant que le son et la lumière reviennent. Pareil sur le Parvis, où Moesha 13 fait sauter les plombs. Pas longtemps heureusement. Trois minutes plus tard, quand la DJ/rappeuse/productrice marseillaise relance la machine, la furia prend des dimensions encore plus tapageuses: entre brutalisme gabber, citations hip hop (le 113), secousses trance, on n’a toujours pas bien compris ce qui s’est passé (un album est annoncé sur le label Nyege Nyege: curieux d’entendre ça).
Dans un coin du terril, une installation vidéo montre notamment des images du boxeur Mike Tyson caressant ses pigeons: le Supervue, c’est un peu ça, l’amour et la violence. Ou pour le dire autrement, un set moelleux de Cabasa d’un côté, et le concert secoué de la Jungle de l’autre. Avec pour synthétiser tout ça, Veence the prince, aka Veence Hanao, accompagné du Motel, sur la scène principale. Avec Bodie, sorti l’an dernier, le rappeur noctambule avait effectué un retour magistral. On n’imaginait toutefois pas que le duo allait réussir à transformer à ce point l’essai sur scène. Notamment le circuit des festivals – qui ne se présentaient pas forcément comme les meilleurs endroits pour distiller les ruminations de Veence Hanao. Au Supervue, le binôme a pourtant démontré qu’il maîtrisait l’exercice à la perfection, musclant son set, sans jamais perdre les nuances. La grande classe.
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