Le streaming au service des artistes

FocusVif.be Rédaction en ligne

The XX, Cat Power, Dirty Projectors, Grizzly Bear, Thee Oh Sees, Animal Collective, Band of Horses, etc, tous mettent leur album en écoute intégrale sur Internet avant la sortie de celui-ci. Mais quel intérêt ont-il à le faire ?

On pourrait penser que mettre son album en écoute intégrale et gratuitement sur Internet, c’est signer son arrêt de mort quand on est artiste. Mais les temps ont changé et la manière de consommer de la musique aussi. Aujourd’hui, être sur Internet c’est être visible et, mieux encore, écouté. La toile est devenue le support parfait pour se faire connaître. En plus de ne rien coûter aux groupes, le fait de mettre sa musique à disposition permet d’avoir une actualité et d’amener les internautes à venir sur le site. Et parmi ces internautes, se trouvent potentiellement de nouveaux fans.

Le partage est la meilleure façon de propager sa musique et de donner envie aux gens d’en savoir plus. Joseph Meersseman, manager du groupe BRNS, explique: « Nous vivons de clic en clic. Les gens piochent. Le digital permet à un groupe de balancer des accroches pour créer une ambiance, attirer l’internaute. La meilleure promotion, c’est le fan qui en parle à ses amis. » Il poursuit: « L’avantage des plateformes streaming, c’est que l’on peut cibler qui écoute et d’où. On peut savoir quel morceau est le plus écouté et lequel marche le moins bien. » Le streaming est donc un outil pour les artistes. Savoir qui écoute et surtout depuis quel pays permet de mieux cibler sa cible. Si vous vous rendez compte que beaucoup des internautes qui écoutent votre musique vivent en France, pourquoi ne pas aller faire quelques concerts là-bas. Si un titre marche bien, il sera sûrement judicieux de le sortir en single. Ce retour, inconscient, des internautes sert à adapter les stratégies marketing des groupes. Mettre sa musique en libre écoute sur son site, c’est donc avoir une sorte de contrôle sur la suite des évènements. « Cela permet de maîtriser plus ou moins le canal de diffusion. Puisque de toute façon, ton disque finira surement sur Internet, autant le mettre toi-même et pouvoir contrôler un minimum le contenu », signale Jean-François Jaspers du collectif Jaune Orange. De cette manière, le téléchargement pirate semble moins utile puisqu’il suffit de se rendre sur le site de l’artiste pour pouvoir écouter sa musique, en toute légalité.

Une méthode à double tranchant

Mais si le fait de partager sa musique sur Internet permet de faire connaître son univers beaucoup plus facilement que via les médias traditionnels, cela peut aussi amener à se faire oublier plus rapidement. « Tu écoutes un titre, si ça ne te plaît pas, tu arrêtes. La musique est devenue jetable. Quand tu achètes un disque, tu te dis que tu vas le réécouter s’il ne t’a pas plu la première fois. Tandis qu’en digital, si ça ne te touche pas directement, tu balances. Sur Internet, l’écoute est plus légère, on passe peut être à côté de quelque chose », révèle David, batteur de The Experimental Tropic Blues Band. Il faut donc savoir capter l’internaute et le garder avec soi. C’est pourquoi, certains artistes rejettent les plateformes comme Spotify ou Deezer. Certes, grâce à ces intermédiaires, les musiciens sont payés, mais cela reste encore un revenu très dérisoire. De plus, intégrer un lecteur Spotify sur son site ne profite pas à l’artiste mais plus à Spotify. Pour pouvoir lire la musique proposée par cette plateforme, il faut avoir un compte… Tout le monde n’a pas accès à la musique si facilement donc. Et c’est au final l’artiste qui rend service à Spotify en lui amenant de nouveaux utilisateurs.

L’écoute intégrale gratuite soulève aussi la question du marché du CD. La diminution des ventes ne date pas d’aujourd’hui, et l’âge d’or du Compact Disc est bel et bien derrière nous. Le streaming, qui n’est pas si vieux que ça, n’est donc pas le seul responsable de ce déclin. La baisse de production de disque, mais également de lecteur de disques, témoigne du fait que le support physique est de plus en plus boudé. Deux explications à cela. Premièrement, beaucoup se demandent pourquoi ils achèteraient un CD alors qu’ils peuvent écouter son contenu gratuitement. Deuxièmement, de plus en plus de mélomanes achètent la musique en digital.

Une nouvelle manière de consommer la musique

Le rapport annuel de l’IFPI le prouve, aux Etats-Unis, les ventes digitales sont supérieures aux ventes physiques, et depuis peu, le secteur digital représenterait 55,5% du marché au Royaume Uni. Tendance qui tend à se propager dans le reste de l’Europe. Une chose est sûre, les revenus venant du numérique ont augmenté de 8% dans le monde en 2011.

Pourtant, le CD n’est pas encore mort, et sa destinée pourrait même rejoindre celle du vinyle. Il doit son salut aux amoureux de l’objet, à ceux qui ont besoin de toucher la musique. Mais pour perdurer le disque doit changer. « L’idée est de transformer le CD en un bel objet, avec une belle pochette, les paroles des chansons, etc. Il faut vendre quelque chose de différent de ce que l’on propose sur Internet », explique Virginie Berger, auteure de Musique et stratégies numériques. De plus en plus d’artistes font un réel effort sur le packaging autour du CD : tirage à peu d’exemplaires, pochette en carton, imprimés originaux et parfois même uniques. Certains vont même plus loin, en offrant, avec leur vinyle ou leur CD, un coupon de téléchargement musical. La solution réside peut-être là-dedans. Digital et matériel doivent être complémentaires pour subsister.

Leslie Meuraillon (stg)

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