Le carnet de bord de Roza, en tournée à travers la France en carriole solaire
La jeune artiste bruxelloise Roza, qui mélange avec brio les sonorités électroniques et traditionnelles (guitare, n’goni, banjo), s’est lancé un défi pas comme les autres: partir seule en tournée sur les routes belges et françaises, à bord d’un vélo électrique alimenté par des panneaux solaires. Chaque semaine, elle nous livrera son carnet de bord, illustré par ses soins: en voici le premier chapitre.
Il y a quelques mois, alors que la vie reprenait peu à peu son cours, et que mon abonnement étudiant devenait sérieusement périmé, la question du transport de mes instruments de musique s’est mise à me tarauder.
Jusqu’alors, pour me rendre à mes concerts ou répétitions, je prenais le tram, et je devais demander aux passagers de m’aider à y faire rentrer tout mon matériel.
Si j’avais le malheur de tomber sur le tram 81 (ligne sur laquelle circule un magnifique mais surtout très étroit ancêtre des trams bruxellois), ou sur des personnes aigries, la mission était rendue d’autant plus fastidieuse.
Alors que je parlais de cette problématique à mon papa (intrépide bricoleur), nous est venue l’idée de confectionner un véhicule, à partir d’un vélo.
De là, les choses sont allées très vite: nous avons passé des soirées à discuter des composants que nous allions assembler, pour enfin imaginer un vélo, doté d’une remorque, d’une assistance électrique et de panneaux solaires.
Après des semaines de récoltes de matériaux, et d’innombrable discussions autour de volts, watts, ampères, diamètres et embouts de câbles, nous avons mis les mains à la pâte. Nous passons plusieurs jours à assembler les fruits de nos récoltes pour arriver à la première version de la carriole solaire!
Tout au long du processus, je prends énormément confiance en moi et en mes capacités à raisonner. J’avais déjà de l’expérience en matière d’électricité et de mécanique, mais elle était restée confinée au domaine théorique.
J’ai longtemps eu du mal face à un problème mécanique à m’atteler à sa résolution, de peur de manquer de compétences. Je m’assume de plus en plus en tant que bricoleuse, et peut-être est-ce là l’un des plus précieux acquis de cette aventure.
La première version de la carriole n’a qu’une roue et je lui fais faire de nombreux kilomètres, pour la mettre à l’épreuve. Après de très chouettes épopées à ses côtés, je finis par me rendre à l’évidence que les contraintes de torsion entre la remorque et le vélo finiraient rapidement par me mener la vie dure. Mais ayant déjà entrevu la liberté que pouvait m’offrir un tel véhicule, je me remets rapidement à l’ouvrage.
On repart cette fois-ci d’une charrette pour enfant, et la première version de la remorque est aussitôt récupérée par un ami maraîcher qui s’en sert à présent pour vendre ses légumes!
En parallèle, des amies m’invitent à leurs mariage en Aveyron. Celui-ci aura lieu fin juillet, et beaucoup de musiciens y assisteront. L’idée fait son chemin, je commence à songer à y aller avec ma carriole (ce serait dommage de ne pas avoir mes instruments sur place!) et puis une chose en entraînant une autre, je me dis que j’en profiterais bien pour partager ma musique!
Dans l’enthousiasme de cette nouvelle perspective, on finit la seconde version de la carriole d’autant plus vite et travaillons parfois très tard!
Lorsqu’elle est enfin finie, il ne me reste plus qu’à entamer une dernière phase de test. Je fais alors mes deux premiers concerts à vélo! L’un d’eux se fait à l’occasion du départ de la course du « sun trip » (course de vélos solaires à travers l’Europe), et je suis ravie de chanter pour des passionnés de vélos solaires!
Vient alors le moment d’annoncer mon projet sur les réseaux sociaux, et je suis encore étonnée de la portée que cela a eu: j’obtiens en quelques jours des milliers de partages, et des centaines de messages!
Je peine à répondre à tout le monde, tant ma messagerie est inondée. Je me rends peu à peu compte de la difficulté de l’exercice auquel je m’attelle, et cela me vaut quelques insomnies… Au milieu de cette tempête organisationnelle, tout s’embrouille dans ma tête… Je réalise qu’un tas de peurs m’habitent, et que mon excitation des dernières semaines les avait occultées.
Peur des accidents, de ne jamais arriver à temps, de décevoir toutes ces nouvelles personnes qui me suivent de près ou de loin dans l’aventure, de croiser la route de personnes mal intentionnées…
L’avant-veille du départ, je prends alors un moment pour les matérialiser. Elles prennent la forme d’un monstre, peint à l’aquarelle, à qui je tente de souhaiter la bienvenue dans mon corps. Je pense « vous êtes là, nous devons partager le même corps, et nous devons faire un voyage ensemble, si nous nous écoutons, sans nous embraser, tout devrait bien se passer… »
L’aventure commence aussitôt.
Je réunis mes amis les plus proches, pour entamer cette tournée par un concert chez moi. C’est très émouvant de jouer pour ceux qui me connaissent si bien, tant ils savent les histoires cachées derrière mes textes. Je ne réalise pas tout à fait que la route m’attend dès le lendemain matin…
C’est ainsi que je me retrouve, le vendredi 25 juin, à pédaler 60 kilomètres pour aller faire un concert au pied d’un grand chêne, devant un tas de belles personnes, et marquer le début d’une grande aventure…
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