La nuit bruxelloise de Moderat

Moderat interprétant A New Error © Thom P
Pauline Serrano Izurieta

Le trio électronique allemand était mercredi dernier à l’Ancienne Belgique. Compte-rendu d’un concert magique, où l’univers de Modeselektor et d’Apparat se sont entremêlés avec grâce.

La salle est pleine comme un oeuf lorsque résonne l’aérien This Time à 21 heures. Dès ce premier morceau, le public est ardent. Il faut dire que suite à la tournée postposée (Apparat a été victime d’un grave accident de moto), le passage du groupe en salle belge était très attendu. Cela même si Modeselektor avait repris la majorité des dates programmées (on se souvient de leur prestation au Bozar Electronic Arts Festival).

D’entrée de jeu, le son est très gros. Les basses transpercent les oreilles, les tympans explosent. On est heureux de retrouver cette puissance salvatrice, manquante sur le deuxième album. A New Error, titre phare du répertoire, est balancé très tôt. Sûrement une stratégie de setlist pour que le public entre rapidement en communion. Le rythme de croisière est ensuite déjà atteint avec Milk et ses loops répétitifs.

« La chanson Milk a été conçue la nuit, comme l’explique Sascha Ring lors d’une interview publique du groupe avant le concert. C’est pourquoi elle a ce côté clubbing, nous nous sommes inspirés de l’atmosphère nocturne. Mais d’habitude, nous travaillons de jour car Gernot et Szary, pères de familles, le préfèrent. Pas de bol pour moi, qui suis plus productif la nuit. Nous sommes dans une démocratie donc je ne pouvais pas changer la donne, c’était deux contre un (rires). »

Moderat (de gauche à droite: Gernot Bronsert, Sebastian Szary (Modeselektor) et Sascha Ring (Apparat)) en interview à la Huis 23
Moderat (de gauche à droite: Gernot Bronsert, Sebastian Szary (Modeselektor) et Sascha Ring (Apparat)) en interview à la Huis 23© Thom P

Mais en live, Moderat n’est pas du genre à conduire en cruise control. Seamonkey vient à nouveau affoler le dancefloor géant de l’Ancienne Belgique et est subtilement enchaîné avec Rusty Nails. Difficile de nier l’évidence: les anciens morceaux sont scéniquement les plus efficaces.

« Le premier album a été construit de façon bien plus bordélique que le second, les rôles de chacun étant encore peu déterminés. La vieille histoire de Rusty Nails illustre bien nos anciennes méthodes de travail moins organisées: durant tout un mois, nous n’avons pas cessé de créer des versions différentes de ce morceau. C’est pour ne pas revivre ce genre d’expérience douloureuse que nous avons alors mieux canalisé nos idées collectives. »

Les installations visuelles sont, comme toujours, impressionnantes. Quatre écrans sont disposés en croix derrière le groupe, ainsi qu’un cinquième en arrière-plan. Des faisceaux lumineux forment lignes droites, points et triangles balayant toute la salle. Malgré cette artillerie lourde, on peut qualifier le veejaying de volontairement minimaliste. Volontairement car il s’agit de toute évidence d’un choix artistique assumé. Mais le grand nombre de lasers, fumées ou autres stroboscopes facilitent l’immersion dans l’expérience Moderat.

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Le single Bad Kingdom retentit alors, sublimé par le clip racé des fidèles Pfadfinderei. Le morceau est le prototype du magnifique mélange des deux univers artistiques: une instrumentalisation lourde signée Modeselektor contre les envolées et chant léger d’Apparat.

L’effervescence retombe un peu le temps de Damage Done. Le brouhaha de la foule pour une chanson calme, un grand classique des concerts, n’est pas sans rappeler Somebody, un morceau studio de Depeche Mode illustrant le phénomène. Sebastian Szary surprend en tant que choriste sur la fin du titre, créant une atmosphère toute paroissiale. Last Time, Les Grandes Marches et Nr. 22 achèvent le show juste avant les rappels, laissant successivement le public avec une techno assourdissante et une dubstep lancinante, sons propres à la violence de Modeselektor.

Plongée sur la scène
Plongée sur la scène© Thom P

Moderat est donc avant tout la rencontre de ce côté brut de Modeselektor et la douceur d’Apparat, deux mondes musicaux différents. « Nos places dans cette formation hybride ne sont finalement pas prédéfinis, raconte Sascha Ring. Chacun y est producteur. Si nous étions toutefois un rock band basique, Gernot serait batteur, Szary bassiste et je serais chanteur/guitariste pour ma part. J’ai d’ailleurs beaucoup joué avec ma voix sur le dernier album, bien plus que sur le précédent. »

L’ambiance est comparable à un stade de foot quand le groupe remonte sur scène, mais Gita, morceau dispensable du dernier disque (comme Sick With It sur le premier album) fait retomber le soufflé. Il faudrait quitter le concert maintenant pour s’assurer une place dans le tout petit AB Club pour l’afterparty, où Modeselektor risque de servir un DJ set comme il en a le secret: au rouleau compresseur comme au dernier festival de Dour par exemple, où le manque de place était aussi visiblement un problème (voir la photo ci-dessous). Mais la clôture du concert s’annonce ensuite trop belle pour manquer la fin du show.

Let In The Light et Therapy referment la boucle que le groupe avait ouverte en début de concert avec This Time et A New Error: des sons hauts perchés dans les étoiles. Il est un peu plus tard que les 22h30 réglementaires quand le public, ébahi, se dirige vers la sortie. Un pur moment de grâce.

Setlist

  • This Time
  • A New Error
  • Milk
  • Seamonkey
  • Rusty Nails
  • Versions
  • Bad Kingdom
  • Damage Done
  • Last Time
  • Les Grandes Marches
  • Nr. 22
  • Gita
  • Let In The Light
  • Therapy

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