The Weeknd propose un nouvel album rutilant, gavé au son des années 80 et baignant dans un miel soft-disco grinçant. Un coup de maître.
Vous vous souvenez des premières mixtapes de The Weeknd? Le r’n’b poisseux et déviant de House of Balloons? Le mystère qui régnait encore autour d’Abel Tesfaye -pas d’interview, ni de photos pour le crooner chelou? Une décennie plus tard, le Canadien s’est transformé en poster boy à l’aura planétaire. Peut-être la plus grande pop star masculine du moment. En 2020, l’album After Hours, lancé en même temps que le premier confinement, deviendra l’un des plus gros best-sellers de la pandémie, avec Blinding Lights comme variant intercontinental. Comment enchaîner après un tel carton? Récemment, The Weeknd expliquait avoir recommencé à travailler très tôt sur de nouvelles chansons. Mais celles-ci s’avéraient tellement déprimantes qu’il a préféré laisser tomber. À la place, il a conçu un disque plus léger. Une « fantaisie« …
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Fantômes eighties
Dès l’intro, The Weeknd pitche le scénario. Coincé dans les embouteillages, il avance au pas, guidé par Dawn FM, station radio qui va l’accompagner jusqu’à la lumière, au bout du tunnel. « We’ll be here to hold your hand and guide you through this painless transition« , annonce l’animateur. Il est interprété par Jim Carrey, voisin de Tesfaye à Los Angeles. Puisqu’ici, c’est Hollywood, avec tout ce que cela suppose de luxe et d’extravagances. À l’image d’un casting sans queue ni tête, mais pas sans allure. À la production, The Weeknd réunit ainsi Max Martin (la vista pop) et l’expérimental Oneohtrix Point Never (les synthés équivoques). Il convie à la fois Tyler The Creator et le Beach Boy Bruce Johnston, l’alien Lil Wayne et toute une série de fantômes eighties. Dont Prince inévitablement (I Heard You’re Married). Mais surtout Michael Jackson, comme sur Out of Time. Juste avant, c’est le producteur fétiche du Roi de la Pop, Quincy Jones, qui fait d’ailleurs une apparition pour parler de son enfance (A Tale by Quincy).
L’exercice rappelle volontiers celui que Daft Punk avait réalisé avec Giorgio Moroder sur Random Access Memories. De fait, non content d’avoir partagé des hits (I Feel It Coming), les défunts robots et Tesfaye cultivent un même amour pour les années 70-80, miel et dérives kitsch compris. The Weeknd s’en sert pour dévoiler ses déviances. Dawn FM a beau chercher la lumière, le chanteur n’a pas perdu ses vieilles tournures. « It’s 5 AM, I’m a nihilist/I know there’s nothing after this« , grince-t-il sur Gasoline.
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Depuis le début, The Weeknd ressemble en fait à un personnage de Brett Easton Ellis (le titre Less than Zero est aussi celui du premier roman de l’auteur). Mieux: il s’échine à produire la musique qui ferait danser Patrick Bateman, le yuppie psychopathe d’ American Psycho. Une pop FM à la fois clinquante et vicieuse, rutilante et dépravée, pétillante mais, au fond, terriblement désenchantée. » You silly fool, you can’t change your fate » , annonçait Chic sous la boule à facettes. Dès lors, conclut Jim Carrey à la toute fin de Dawn FM, » dance ’til you find that divine boogaloo » …
The Weeknd, « Dawn FM », distribué par Universal. ****
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