Avec le nouveau Sons of Kemet, le saxophoniste Shabaka Hutchings confirme qu’il est le patron de la scène jazz londonienne.
On l’a un peu vite présenté comme le Kamasi Washington anglais. Le coup de jeune et le vent de fraîcheur sur le jazz de l’autre côté de la Manche pour le coup, et pas à l’autre bout de l’Atlantique. Né à Londres en 1984, le saxophoniste, clarinettiste et compositeur Shabaka Hutchings est en train de prouver disque après disque, tout en slalomant entre les genres, qu’il est encore plus fondamental au jazz que son homologue américain. Quand il n’attaque pas le dancefloor avec Danalogue et The Comet Is Coming et quand il ne questionne pas l’afrofuturisme avec sa formation sud-africaine Shabaka and the Ancestors (on vous passe les coups de main aux disques des copains), le Britanno-Barbadien aux dents du bonheur et au saxo magique emmène la destinée de Sons of Kemet. Supergroupe fondé en 2011 avec les batteurs Sebastian Rochford (aujourd’hui Edward Wakili-Hick) et Tom Skinner et le joueur de tuba Oren Marshall remplacé depuis par le formidable Theon Cross, Sons of Kemet sort le grand jeu avec son quatrième album.
Après avoir réfléchi à l’effondrement de notre société et à notre extinction future l’an dernier (We Are Sent Here by History), Shabaka rend hommage avec Black to the Future aux grandes personnalités antiracistes et panafricaines. N’essayez pas d’imaginer Marty McFly et le Doc Emmett Brown après cinq jours de solarium… Black to the Future est entièrement consacré à la valorisation du patrimoine africain et à l’héritage précieux transmis au monde entier malgré les frontières, les murs et les barrières par ses différentes diasporas.
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Présenté comme « un poème sonore qui invoque le pouvoir, le souvenir et la guérison », une oeuvre qui redéfinit et réaffirme ce que cela signifie d’agir pour l’émancipation des Noirs, Black to the Future repose sur un casting cinq étoiles. Philadelphia, Chicago and London calling… Si les formidables Américaines Camae Ayewa (Moor Mother) et Angel Bat Dawid font des ravages sur Pick Up Your Burning Cross, des poètes et MC londoniens donnent également de la voix. Joshua Idehen ouvre et ferme l’album avec la puissance dévastatrice d’une droite de Mike Tyson (Field Negus et Black). D Double E fait chalouper For the Culture… « Je suis né de la boue avec l’agitation en moi », rappe Kojey Radical sur un morceau (Hustle) partagé avec Lianne La Havas. Throughout the Madness Stay Strong, Think of Home, In Remembrance of Those Fallen… Les titres des chansons parlent d’eux-mêmes tandis que les interventions de Cassie Kinoshi (saxophoniste alto), d’Ife Ogunjobi (trompettiste) et de Nathaniel Cross (tromboniste, frère de Theon) incarnent la relève. Un énorme disque, dans l’air légitimement revendicateur et Black Lives Matter du temps.
Sons of Kemet, « Black to the Future », distribué par Impulse!/Universal. ****(*)
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