Critique | Musique

[l’album de la semaine] Skin, de Joy Crookes: Peau sensible

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son premier album, Joy Crookes se love dans une pop-soul so British, n’hésitant pas à y glisser des éléments personnels et politiques.

Joy Crookes a beau n’avoir que 23 ans, cela fait un moment maintenant que la jeune femme est sur les radars musicaux. Un premier single en 2016 (New Manhattan, plainte amoureuse censée se dérouler dans le quartier bruxellois du même nom, côté gare du Nord), l’EP l’année suivante (Influence), suivi d’un passage désormais obligé par la plateforme Colors et des débuts en festival à Glastonbury. Au passage, elle n’oublie pas de collectionner les coups de pouce du métier -nommée dans la catégorie Révélation (Rising star) des Brit Awards 2020, terminant quatrième au BBC Sound of… de la même année.

À vrai dire, ce n’est vraiment pas la première à connaître ce genre de cercle vertueux. L’Angleterre a d’ailleurs souvent le chic pour multiplier les promesses neo-soul-pop-r’n’b avant souvent de les laisser tomber dès que les choses sérieuses se précisent. Comme si, à force d’avoir été pressés, les artistes arrivaient déjà rincés, sortant un premier album déjà trop calibré, trop cadenassé. Maîtrisé de bout en bout, Skin n’échappe pas complètement au syndrome. Malgré cela, Joy Crookes parvient à garder la main sur son histoire.

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En l’occurrence, elle est d’abord celle d’un métissage. Née dans le sud de Londres en 1998, Joy Crookes est la fille d’une mère d’origine bengalie et d’un père irlandais. Quand ils se séparent, elle prend garde de ne froisser aucun des deux côtés. Elle étudie à l’école catholique, prend des cours de danse irlandaise. Même si sa couleur de peau tranche… D’où le titre d’un premier album, Skin, qui veut célébrer son identité, tout en refusant d’y être assignée. Derrière certains grands effets orchestraux (un ensemble de cordes, enregistré à Abbey Road), le récit est intime, potentiellement thérapeutique. Comme sur 19th Floor, l’étage du HLM dans lequel habitait sa grand-mère maternelle, chez qui elle a passé pas mal de temps gamine, entre les souvenirs d’un pays -le Bangladesh- né d’une guerre d’indépendance sanglante, et le goût de la cardamome qui « colore les dents« . Plus loin, Kingdom, écrit après la victoire électorale des Tories en 2019, se montre grinçant. Sous ses airs guillerets, Crookes rappelle qu' »il n’y a pas de Royaume /quand les enfants grandissent sans lendemain« , tandis que sur Power, elle insiste: « Melanin is not your enemy« .

Musicalement, comme beaucoup de ses collègues, la jeune femme balance volontiers entre ce qui semble être devenu depuis les années 2000 les deux figures tutélaires de la pop-soul made in UK: Amy Winehouse d’un côté (When You Were Mine, Feet Don’t Fall Me Now) et Adele de l’autre (To Lose Someone, la ballade hollywoodienne Unlearn You). Sans les égaler forcément, mais sans s’y borner non plus ou se faire écraser par leurs influences, ramenant ici et là des accents reggae, soul, glissant même jusqu’au trip hop à la Massive Attack (19th Floor). En toute fin, Theek Ache semble emprunter au Lean on Me de Bill Withers. Son titre, en bengali, veut dire  » ça va aller » . Avec un premier album déjà très solide, tous les espoirs sont en effet permis.

Joy Crookes, « Skin », distribué par Sony. ***(*)

Le 12/02 à l’AB, Bruxelles.

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