Orelsan confirme ses envies pop, tout en observant un monde en surchauffe. La fête est vraiment finie…
Il est arrivé une chose étrange à Orelsan: le succès. Énorme, massif. Non pas qu’il n’avait connu que les galères jusqu’ici, loin s’en faut. Mais avec La fête est finie, sorti en 2017, et sanctionné entre-temps par un disque de diamant et trois Victoires de la musique, il est définitivement passé de l’autre côté du « miroir ». Conséquence: plus que jamais, le rappeur était attendu au tournant avec son nouvel album, Civilisation. Installé jusqu’alors dans le rôle du challenger, le rappeur occupe désormais la position de favori. Comment celui qui a commencé sa carrière en clamant » puer la défaite » allait-il encaisser le « choc »?
D’abord en l’assumant. Sur Civilisation, Orelsan a en effet l’élégance de ne pas se dérober et de confirmer ses envies pop. Avec plus ou moins de réussite. À l’instar de tubes comme La terre est ronde ou Tout va bien, La Quête se rapproche toujours plus de la chanson. Plus loin, la production électro de Du propre rebondit toutes les 30 secondes, tandis que Bébéboa est une drôle de sucrerie funk, évoquant l’alcoolisme au féminin. Ah oui, il y a Dernier verre aussi, enregistré avec les Neptunes, fantasme avoué d’Orelsan, mais qui a du mal à dépasser le stade de l’anecdote, tandis que la ballade Jour meilleur ne décolle jamais vraiment. Soit. Sur la forme, Orelsan et son camarade Skread, son fidèle producteur, continuent en tout cas d’essayer, quitte à parfois se louper.
Et sur le fond? La réponse est donnée sur Casseurs Flowters Infinity, le duo fendard avec le pote Gringe: » J’ai fait un album qui ne parle que de ma meuf et de la société » . De fait, branché sur la seconde thématique, le single L’Odeur de l’essence a déjà fait son petit effet. Énervé, le morceau grince des dents, égrenant les tensions de l’époque. Politique, Orelsan? Il l’a toujours été. Mais le ton a peut-être un peu changé. Avec le succès, l’ironie permanente est devenue un caprice. Avec l’âge, le sarcasme systématique, un luxe (Aurélien Cotentin, de son vrai nom, se rapproche des 40 ans). Ce qui n’empêche pas la lucidité. Qu’il s’agisse de sa vision du couple ( » T’es pas parfaite/Je suis sûrement pire« , sur Ensemble), ou du monde qui l’entoure.
Orelsan observe, prend note. Il tente de comprendre, tout en ayant » peur qu’il n’y ait rien à comprendre » . Sur Rêve mieux, il renvoie dos à dos » la dictature des beaufs » et celle des » bien-pensants » . De sa position privilégiée, le rappeur superstar » ne cache pas que la vie est belle » ( Seul avec du monde autour). Cela ne l’empêche pas d’assister, comme tout le monde, aux effondrements de l’époque. C’est frappant sur l’un des titres-phares du disque, Manifeste, impressionnant storytelling de plus de 7 minutes: se retrouvant un peu par hasard dans une manif’, Orelsan pense « pécho », et finit par relever les blessés. Sous les pavés, la rage…
Sans faire la leçon, ni esquiver ses propres dérives, Orelsan tente ainsi un blockbuster qui garderait les yeux ouverts sur un monde où » on se bat pour être à l’avant dans un avion qui va droit vers le crash« . » Comprendre et ne pas juger » , disait Simenon…
Orelsan
« Civilisation »
Distribué par Wagram/Pias. Le 25/03 au Palais 12, bruxelles.
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