Myriam Gendron s’approprie le répertoire traditionnel nord-américain sur un merveilleux album de folk bilingue et habité: Ma délire: Songs of Love, Lost & Found.
Mieux vaut tard que jamais. Même pour quelqu’un qui fait du neuf avec du vieux. L’album, passé sous nos radars lors de sa sortie début octobre, voit désormais le jour en vinyle. Le prétexte tout trouvé pour revenir sur Ma délire: Songs of Love, Lost & Found. Poignant, vibrant, exceptionnel deuxième effort de Myriam Gendron. En 2014, pour son premier album Not So Deep as a Well, la Canadienne avait décidé de mettre en musique les textes de Dorothy Parker (1893-1967), poète, scénariste et activiste, née Rothschild, réputée pour son humour caustique, ses traits d’esprit et son regard sur la société urbaine du XXe siècle. Elle avait fait ça dans sa chambre. Toute seule avec sa guitare et quelques logiciels.
Deux ans plus tard, l’autrice, compositrice, interprète et réinventeuse à tête chercheuse -alors obsédée par un album (Ça roule) des folkloristes modernistes Philippe Gagnon et Dominique Tremblay- enregistrait lors d’une résidence dans le village de Le Bic, au Québec, sa version de la chanson traditionnelle Au coeur de ma délire. Gendron commença a y réfléchir sur la fin de l’hégémonie catholique dans sa région et le désintérêt que le phénomène engendra pour la musique folk traditionnelle québécoise. Ça lui donna envie de l’explorer, de l’actualiser malgré ses origines dogmatiques. Une bourse du Conseil des arts et des lettres plus tard, elle s’immergea dans ce petit joyau. Myriam Gendron, qui n’est pas ethno-musicologue mais libraire et a étudié la littérature, se souvint à l’époque d’un de ses travaux universitaires autour de The Lost Canadian (Un Canadien errant), relecture par Leonard Cohen d’une vieille ballade québécoise. Elle est sur Ma délire, la chanson de Cohen. Dans Poor Girl Blues, mélangée à Poor Boy, Long Ways From Home de Mississippi John Hurt.
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Née à Ottawa et installée à Montréal (elle a vécu à Gatineau, Washington et Paris), Gendron joue avec son héritage culturel. Se réapproprie le folklore, le réaménage. Elle a emprunté, coupé, collé, adapté, traduit, composé. Elle a ôté les références géographiques et historiques, les mots difficilement prononçables et la morale religieuse. Elle est en somme allée à la moelle pour toucher à l’universel. Avec beaucoup de respect mais aussi un grand élan de liberté.
Pour Au coeur de ma délire, Gendron invite des bruits d’enfant, des chants de criquet et un reportage télévisé sur un accident de la route. Pas une fantaisie. Un geste fort. Celui d’une artiste convaincue que les vieilles chansons ont encore des choses à nous dire. Mais persuadée aussi qu’elles ne doivent pas rester figées dans le temps, mais se transformer avec l’époque et la réalité des gens. Album hybride et bilingue, Ma délire doit aussi beaucoup à cette voix délicate, puissante, ensorcelante, intemporelle. À découvrir d’urgence.
Myriam Gendron, « Ma délire: Songs of Love, Lost & Found », distribué par Les Albums Claus. ****(*)
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