Critique | Musique

[l’album de la semaine] Kid Cudi – « Man on the Moon III: The Chosen »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Au bout d’une année chaotique, Kid Cudi boucle la trilogie qui l’a rendu célèbre. Avec un dénouement qui ne résout pas tout, mais le montre plus apaisé.

Il aura donc fallu onze ans à Kid Cudi pour clôturer la trilogie Man on the Moon. On pourra débattre d’une oeuvre qui a pu parfois se perdre entre l’intention de départ et ses différents résultats. On pourra plus difficilement contester qu’en mettant ses angoisses sur la table, Cudi aura contribué au zeitgeist du rap des années 2010. En l’occurrence, un état d’esprit où l’ego trip s’est volontiers transformé en ego strip, où l’important était moins de rouler des mécaniques que de dévoiler ses tourments plus intimes -des mélancolies pop de Drake aux rappeurs soundcloud emo à la XXXTentacion, en passant évidemment par les dérapages en quasi direct de Kanye West.

C’est d’ailleurs auprès de lui que Kid Cudi a entamé sa propre quête. Pour rappel, Scott Mescudi de son vrai nom, né à Cleveland, en 1984, débarque à New York, avec 500 dollars et une simple démo en poche. Repéré par West, il commence par participer à la réalisation du Blueprint 3 de Jay-Z, avant de mettre sa patte sur 808s & Heartbreak, album décisif dans la carrière de son mentor. Dans la foulée, il sort une première mixtape perso, A Kid Named Cudi. On y retrouve notamment le morceau Day ‘n’ Nite, son premier et plus gros hit. Un an plus tard, en 2019, le rappeur enchaînera avec un premier album officiel, présenté dès le départ comme le volet inaugural d’une trilogie: Man on the Moon: The End of Day.

[l'album de la semaine] Kid Cudi -

All the lonely people

Dans ce triptyque, Kid Cudi va étaler ses tourments psychologiques. Depuis qu’il a perdu son père à onze ans, le jeune homme a eu tendance à s’enfoncer toujours plus profondément dans la dépression -jusqu’à développer des idées suicidaires; ou tenter de s’échapper à travers l’alcool et les drogues, sous les traits de Mr. Rager, son double autodestructeur.

Ce fil existentiel, Kid Cudi le prolonge une dernière fois dans The Chosen qui ressasse ses noeuds plus qu’il ne cherche à les délier. Peut-être parce que Cudi tient à ce que le maximum de personnes concernées se reconnaissent, sa tristesse reste très « générique ». « For every lil’ homie that’s lonely/This is all for you« , répète-t-il encore sur 4 da Kidz, s’étant donné pour mission d’être la voix de tous ces gamins paumés et solitaires. Par le passé, ce fond a pu se déliter dans une forme trop éclatée. Avec The Chosen, découpé en quatre parties, Kid Cudi rassemble son propos: il n’en a que plus d’impact. Cela ne veut pas dire que le rappeur a laissé tomber ses ambitions d’un rap sans oeillères. Après un début d’album marqué par les productions trap et drill du moment (Show Out avec Pop Smoke et Skepta), on retrouve les nappes de synthés, héritées de son amour pour ELO et Pink Floyd, mais aussi la chanteuse indie Phoebe Bridgers (Lovin’ Me), Finneas (le producteur et frère de Billie Eilish sur Sept. 16) ou les copains de Ratatat (The Pale Moonlight). Au-delà de ces différentes couleurs, ce sont bien les rêveries lunaires de Cudi qui donnent toute la saveur au projet. Avec au bout du compte, cette lueur d’espoir que le rappeur n’a jamais tout à fait perdue de vue. « I’m not just some sad dude« , insiste-t-il sur Tequila Shots, avant d’ajouter: « You can see my life, how I grew. I want serenity« …

Kid Cudi, « Man on the Moon III: The Chosen », distribué par Universal. ***(*)

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