Dans un album electropop et new wave sur shots de mélancolie, Alynda Segarra dévore la biosphère planétaire, malgré le désastre environnemental.
Drôle d’oiseau assurément, Alynda Segarra, 33 ans. Oiseau migrateur qui, ado, délaisse une famille portoricaine du Bronx. Fixette: retrouver le sentiment bossu des hobos, vagabonds aventuriers qui, lors de la Grande Dépression, passent clandestinement de train en train vers un ailleurs fantasmé. Histoire de tester si l’herbe est plus verte ailleurs, Segarra, née Lee, s’installe à New Orleans en 2007, où elle baptise son groupe Hurray for the Riff Raff –quelque chose comme « Vive la canaille »-, un sérieux indice de son amour pour la matrice punk-hardcore-underground, en plus de ses bains d’enfance dans le doo-wop et le répertoire Motown. La décantation s’installe au fil des albums. Life on Earth représente le numéro huit d’une discographie toujours très ventilée entre les genres, avec en point commun, la voix performante de Segarra. Indépendamment de la soundtrack parfois névrotique des compositions, elle sonne toujours comme une source de rafraîchissement et de tonicité.
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Monde sans pitié
Justement, Life on Earth est d’abord un manifeste. Ainsi défini par son autrice: « J’ai voulu trouver une forme de rébellion dans la vie des plantes (…). Répondre à l’appel du monde de la nature et tenter de voir la vie d’une façon nouvelle. Une expansion de la pensée, un trip psychédélique, une avancée spirituelle. L’apprentissage de l’adaptation et l’ouverture à la sagesse de ton paysage. Être capable de réparer les choses dans ta propre arrière-cour, ta propre communauté. » À la manière de HFTRR qu’illustre parfaitement le clip de Rhododendron. Dans cette vidéo foutraque aux images DIY, Segarra et ses copines punks apparaissent maquillées comme des voleuses de voitures. Hybrides au minimum… Ce moment est très représentatif de la santé musicale de l’album: on pense à l’irrésistible 1979 des Pumpkins et, plus d’une fois, aux rythmiques incarnées par The Cure au long des années 1980-1990. Comme dans le très groovy Pierced Arrows. On se laisse porter par un espoir contagieux dès le premier titre, Wolves, jusqu’à Pointed at the Sun, avant de passer au chapitre slow de l’album. C’est sans doute ce qui surprend le plus dans l’enchaînement Jupiter’s Dance, Life on Earth, Night Queen et le superbe Precious Cargo. Ce dernier, moment ultra-vibrant des onze plages, traite des migrations, de la misère et de l’oppression. Il nomme l’Immigration and Customs Enforcement, agence étasunienne de sécurisation des frontières, et l’absurde politique consistant à dresser des murs pour fuir les réalités d’un monde impitoyable. Grande chanson, aussi impressionnante que Saga, deux plages plus loin. Wow.
Hurray for the Riff Raff, « Life Oo Earth », distribué par Warner. ****
Au Botanique (Bruxelles) le 16/09.
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