Interview-fleuve avec Mehdi Maïzi, premier visage français d’Apple Music

"Cela m'énerve quand on dit que je n'ai pas d'opinion." © APPLE MUSIC
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec sa nouvelle émission Le Code, le journaliste-animateur est devenu le premier visage français d’Apple Music. Une reconnaissance supplémentaire pour celui qui a su accompagner comme nul autre l’explosion rap de ces dernières années.

On le sent un peu gêné. Une interview? « Avec plaisir! Il faut juste valider avec la RP… » Une question de détail. Mais Mehdi Maïzi devra s’y habituer. Plus de dix ans après avoir pondu ses premières piges pour un site de geeks de rap, il prend ses quartiers chez Apple Music. Même dévotion, autre dimension. Depuis le 12 juin, il y anime Le Code, émission audio et vidéo, et playlist rap francophone.

Nommé Head of hip-hop, Mehdi Maïzi devient ainsi le premier visage français du géant américain du streaming. Qui d’autre? Depuis quelques années, le trentenaire est « le » journaliste rap incontournable. Un titre qui, jusqu’il y a peu, pouvait sembler vain, ou réservé à quelques pionniers. Comme Olivier Cachin, par exemple, plus belle frange du rap français depuis RapLine, en 1990. « Pendant longtemps, j’étais un peu tout seul. Aujourd’hui, on a des journalistes comme Mehdi qui sont non seulement des passionnés de rap, mais qui ont aussi l’avantage d’avoir toujours baigné dedans! »

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Enfant du rap

De fait. Quand NTM, par exemple, sort son premier album en 1991, Mehdi Maïzi a à peine cinq ans. Né à Aïn Taya, dans la banlieue d’Alger, il a débarqué en France un an plus tôt, « au début de ce que l’on a appelé la décennie noire« . « Mon père présentait le JT, et à ce titre, faisait partie des personnes qui représentaient le pouvoir« , aux yeux des islamistes. Quand le couple divorce, Mehdi grandit avec sa mère, médecin en Algérie, infirmière en France, faute d’équivalence de diplôme. « Elle m’a éduqué en me montrant plein de super films, en me faisant écouter des tas de super musiques. Sans jamais se la raconter, c’est quelqu’un d’extrêmement cultivé. Au fond, elle m’a transmis sa curiosité. » Soit son principal moteur, le fil rouge de son parcours. Avec l’enthousiasme, et sa capacité à le transmettre. « C’est le coeur de ce qu’il fait« , explique Raphaël Da Cruz, journaliste, ami et collègue, depuis l’Abcdr du son, le site web sur lequel il pond ses premiers papiers, dès 2008.

Mehdi Maïzi est alors étudiant -une prépa HEC-, puis employé comme consultant. « Je m’ennuyais terriblement. Le midi, je mangeais tout seul. Dès que j’avais cinq minutes, je mettais mon casque pour écouter du rap. » C’est en 2013 que tout bascule. Dailymotion propose à l’Abcdr de monter une émission. Mehdi Maïzi démissionne et se jette à l’eau. « Je ne me suis jamais dit que j’allais pouvoir en vivre, c’était juste une aventure à tenter. » Raphaël Da Cruz: « Il a cette intelligence de prendre les bonnes décisions rapidement, et au bon moment. »

L’émission va en effet lui servir de rampe de lancement. D’autant qu’avec l’arrivée du streaming, les chiffres d’audiences du rap explosent. La scène est en pleine ébullition. Son paysage médiatique aussi. De l’Abcdr du son, Mehdi Maïzi passe à OKLM, la radio montée par Booba, où il anime une quotidienne, La Sauce. À l’analyse fouillée, il mêle la faconde de l’animateur, « host » à l’américaine. « Pour moi, souligne Martin Vachiery, boss du média Check, il a vraiment amené un tournant intéressant dans le journalisme rap, dans sa manière de décrypter. C’est quelqu’un qui a une énorme connaissance; en même temps, c’est un intervieweur assez fin, qui sait mettre ses invités à l’aise. » Raphaël Da Cruz: « C’est vrai que Mehdi est quelqu’un qui parle facilement avec tout le monde. »

Boulimique, il va rapidement multiplier les formats -quitte à collaborer avec les marques, à la fois lucide sur les enjeux que cela implique, mais aussi sur l’impossibilité de s’en passer sur le Web « tant que c’est bien fait ». Outre La Sauce, il anime le podcast No Fun, gère des playlists pour Deezer, collabore avec France 4, etc. « J’ai du mal à dire non. » En 2018, il se retrouve même à intégrer la bande à Cyril Hanouna, dans Balance ton post! « C’est l’illustration même de ce que je disais (rires). Honnêtement, je n’ai rien à dire sur la manière dont j’ai été accueilli. Mais j’ai vite compris que je n’allais pas m’y retrouver. »

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Après deux émissions, il repart et revient à ses fondamentaux. Plus que jamais sur la balle, mais pas borné. Ce qui peut être utile dans un paysage hip-hop particulièrement éclaté: comment parler à la fois de Jul et Booba, de Koba LaD et Soprano? Pour Mehdi Maïzi, cela ne pose pas de problème. Au point que certains lui reprochent de glisser dans le consensuel, de se montrer trop « gentil »… « Bah, c’est le jeu, relativise-t-il. Dès que vous êtes exposé, des gens vont vous aimer, et d’autres moins. Quand je discute, j’ai en effet tendance à être dans l’empathie et la bienveillance. On ne peut pas aller tout à fait contre sa nature… Mais c’est une technique d’interview qui donne des résultats. Cela m’énerve juste quand on dit que je n’ai pas d’opinion. Ceux qui me suivent savent que cela n’est pas vrai. » Par exemple, quand il s’emballe pour le héros Dany Dan ou ses chouchous du moment -de PNL à Dinos en passant par le Belge Isha. Stan, manager du rappeur bruxellois: « Mehdi a la réputation d’être un « forceur » sur les artistes qu’il kiffe (rires) . On a eu la chance d’en faire partie. » Un soir, sur l’antenne de la radio Mouv’, Mehdi Maïzi lance par exemple l’idée de créer un Isha FC. « C’était une blague évidemment, explique Stan. Mais le soir-même, j’ai créé une page sur Instagram. Quand j’ai voulu faire la même chose sur Twitter, je me suis rendu compte que des fans l’avaient déjà lancée. Aujourd’hui, ce sont eux qui gèrent ces comptes. On leur file régulièrement des infos, des exclus. » Mehdi Maïzi ne fait peut-être pas (encore) les stars, mais il sait comment alimenter la flamme.

Il aura l’occasion de le démontrer à nouveau sur Apple Music. Avec Rap jeu, quiz qu’il anime sur Red Binks, la chaîne YouTube de la boisson qui donne des ailes, le Code constitue désormais son unique terrain de jeu. Et une certaine forme de consécration. « On en rigolait l’autre jour, conclut Martin Vachiery. Quand il était en prépa HEC, bosser pour Apple représentait le Graal pour tous les étudiants. Lui, il y est arrivé, en suivant uniquement sa passion. »

Notre interview en intégralité

Le Code a été lancé le 19 juin dernier. Tes premières impressions?

Je suis déjà très heureux que ce soit sorti! Cela fait un moment que le projet est dans les tuyaux. J’ai quitté Deezer en octobre. Et, pour des raisons de clauses, je n’ai pas pu démarrer chez Apple avant février. Est arrivé ensuite le covid… Aujourd’hui, je suis content et soulagé que ça existe. C’est un bonheur d’avoir à nouveau une plateforme où discuter musique. Ce qui est quand même ce que je préfère faire.

Pendant le confinement, tu as d’ailleurs proposé chaque jour des interviews en live sur Instagram.

Oui, c’était beau d’avoir des moments comme ça, qui sont aujourd’hui un peu perdus dans les limbes de l’Internet. En fait, on devait lancer le Code la semaine où a démarré le confinement. Tout a dû être reporté. Du coup, j’étais tellement conditionné pour me remettre à parler musique que je me suis lancé là-dedans. Cela m’a fait beaucoup de bien. Je crois même que j’aimerais me servir de ça pour la suite. Je crois qu’on a tous eu un ton un peu différent, les discussions n’étaient pas forcément les mêmes que d’habitude, un peu moins formelles.

Revenons-en aux sources: quand démarre ta passion pour le rap?

Il commence à être important vers 14, 15 ans, soit fin des années 90, début 2000. Pour les rappeurs, c’est une décennie compliquée parce que les ventes des disques s’effondrent. Mais pour moi, ce furent des années super formatrices. Dès que j’ai eu une connexion Internet, je me suis intéressé à plein de choses. Aujourd’hui, cela n’a l’air de rien. Mais par rapport à nos aînés, cela a tout changé: on pouvait se faire une discographie en une nuit. J’en ai vraiment profité. Je n’ai pas de grand frère, et à l’école je ne traînais pas avec des gens qui écoutaient vraiment du rap. Donc j’écoutais NTM et IAM parce que c’était gros. Mais cela n’allait pas beaucoup plus loin. Ce sont vraiment les mecs sur les forums qui m’ont éduqué, en postant des listes des « 20 meilleurs albums de rap ». Ce qui n’était pas vrai, mais c’est pas grave, tu découvres plein de choses. Tu as l’impression que c’est un genre infini.

Sais-tu aujourd’hui pourquoi cette forme musicale musique te touche autant?

Peut-être parce que c’est celle qui me semble la plus accessible? J’ai toujours aimé la musique, mais je n’ai jamais été trop patient. J’ai essayé de faire du son à un moment, j’avais même une MPC, mais j’étais nul. Je n’étais pas trop bon pour comprendre la technique musicale. Par contre, je pouvais saisir plus facilement la technique des mots. Je me souviens par exemple très bien de la première fois où j’ai entendu Demain c’est loin d’IAM ou Eternel recommencement de Youssoupha.

Est-ce que le rap t’a aussi touché dans ce qu’il pouvait refléter d’une certaine réalité sociale?

Oui et non. Quand je suis arrivé en France, à l’âge de 4 ans, on a atterri en HLM, mais on en est très vite parti. Au final, j’ai davantage grandi à la « campagne » qu’en ville (NdR: dans l’Oise, et le Val d’Oise pour l’essentiel). Donc je ne me retrouvais pas forcément dans le quotidien narré par les rappeurs. Si je m’y reconnaissais, c’était davantage par le côté fils d’immigrés – par exemple quand je découvre la Rumeur. En fait, jeune, j’étais plus sensible aux rappeurs « sociaux », « engagés », qui étaient très présents dans le rap de l’époque. Mais je suis aussi un enfant d’Internet. Très vite, le rap a adopté le ton du Web. Dans les années 2000, quelqu’un comme Kanye West est devenu très important. Je parle de lui parce qu’il symbolise bien le fait d’arriver avec quelque chose de différent, en s’habillant autrement; quelqu’un qui est issu d’une classe moyenne, et devient l’un des rappeurs les plus importants de l’histoire. Il a permis à pas mal de monde de se décomplexer et d’aimer le rap en tant qu’esthétique musicale. Au fond, sans renier l’héritage social du rap, qui est évidemment essentiel, je pense être plus proche de Kanye West que de Public Enemy.

Tu commences à collaborer à l’Abcdr du son en 2008. En 2013, Dailymotion vous propose une émission que tu vas animer dès le début de l’année suivante. A partir de là, tu n’arrêteras plus, multipliant les projets. Jusqu’à huit en même temps!

Ce qui était évidemment trop… J’ai un problème dans la vie, j’ai beaucoup de mal à dire non. Mais c’est aussi très dur de refuser quand on te propose des trucs qui ont l’ait cool, surtout quand tu viens d’un job qui ne te plaisait pas. C’était une chance, un luxe.

Tu t’es même retrouvé sur le plateau de Balance Ton Post, avec Cyril Hanouna…

Voilà, c’est une très belle illustration de ce que je viens de dire (rire). Bon, je suis parti au bout de deux émissions. Je n’ai rien de négatif à dire sur la manière dont j’ai été traité. A la base, c’est via Enora Mallagré, que je connais un peu, que je reçois la proposition. En fait, dès le début, je me dis c’est pas pour moi. Mais j’ai quand même cette envie de voir ce que c’est. Surtout qu’au début, il y avait la promesse d’aller sur le terrain d’émissions comme On n’est pas couché ou Tout le monde en parle. Donc, si je peux parler musique, ciné, pourquoi pas? Très vite j’ai vu que c’était pas trop le cas. Donc je suis parti, sans regret. Quelque part, cela m’a servi de « leçon ». Surtout par rapport à la télévision. J’en ai fait deux fois – pour C8 et France 4, avec de plus petites audiences, mais où j’étais plus libre pour le coup. Ce sont des codes très différents de ceux que l’on a adoptés depuis longtemps sur le Net. Je ne dis pas que je ne ferai plus de télé. Mais je serai plus vigilant. De toute façon, là, je suis très bien sur le web, où je me considère comme privilégié.

En bossant sur tous ces médias différents, as-tu pu saturer à un moment?

Je ne me suis jamais senti dans une sorte de burn out. Du tout. Mais parfois, il m’est arrivé d’être simplement un peu fatigué. Il y avait toujours un jour dans le mois ou je rentrais chez moi le soir, je faisais la gueule, j’étais invivable. Mais dès le lendemain matin, c’était reparti. C’est sûr que certains jours, c’était un peu absurde. J’étais le matin chez Deezer, le midi à la Sauce, puis j’enchaînais ave une interview, et l’enregistrement de No Fun le soir. Comme j’arrivais à tout faire rentrer dans mon agenda, je pensais que c’était ok. Sauf que non, parce qu’il y a forcément d’autres choses qui rentrent en compte. Aujourd’hui, je le sais et je fais attention. C’est aussi pour ça que le projet Apple est arrivé à point. Avec une feuille blanche, où tout est à faire. De cette manière, cela me permet de tout mettre au même endroit. Tout est plus clair, je ne dois plus me démultiplier – sauf pour Rap Jeu, que je continue.

Certains te trouvent parfois trop « gentil », et te qualifient parfois de « Michel Drucker du rap ». Cela t’agace?

Honnêtement, non. Il faut être à l’aise avec qui on est. Je pense savoir ce dont je suis capable, ce dont je suis incapable. Pour le moment en tout cas. Peut-être que dans le futur, cela va évoluer. Je crois quand même que c’est dur d’aller contre sa nature. Quand je discute avec les gens, je pense en effet être empathique et bienveillant. C’est la réalité. Donc que me le dise, cela ne m’agace pas. Ce qui dérange plus, c’est quand on affirme que je ne donne jamais mon opinion. Ceux qui me suivent savent que c’est faux. Mais soit, c’est pas très grave. A partir du moment où tu t’exposes, même à mon niveau qui n’est pas non plus incroyable, il y aura des gens qui vont t’aimer, d’autres moins. Je me souviens des premiers podcasts Deeper Than Rap, en 2013. On recevait des messages, du genre, « Mehdi, avec son cheveu sur la langue », etc. Franchement, cela m’a fait rire. Dès que tu incarnes quelque chose, tu deviens un personnage. Après, je considère que pratiquer la bienveillance et l’empathie est une technique d’interview qui permet d’obtenir des choses auxquelles tu n’aurais pas accédé si tu étais plus dans le conflit par exemple.

As-tu eu des modèles en la matière?

Je ne sais pas trop… Petit, j’ai beaucoup regardé la télé. Notamment quelqu’un comme Denisot, à qui on reprochait justement aussi sa bienveillance. Je le préférais par exemple à Fogiel, qui m’énervait en fait. Même si je pense que c’était un style et qu’il faisait bien son boulot, son agressivité envers les invités me dérangeait souvent. Cela peut être intéressant quand tu interviewes des gens qui méritent que tu sois agressif avec eux. Mais moi, je n’interviewe pas des hommes politiques qui doivent rendre des comptes. J’interroge des artistes. L’idée est qu’ils puissent s’exprimer et parler de leur musique. Cela fait aussi pas mal d’années que je regarde beaucoup quelqu’un comme Zane Lowe. Pareil, il a également un style très bienveillant. Je me souviens d’un tweet de Jon Caramanica, qui est un autre journaliste que j’aime beaucoup, qui bosse au New York Times, et qui écrivait : « Zane Lowe has zero opinion about music ». Voilà, c’est le jeu.

Ce qui n’est pas ton cas. Tu as aussi des vrais partis pris, des artistes que tu soutiens.

Oui, j’entends même parfois: « Mehdi, il est trop fan ». Ben oui, en fait. Je suis fan de rap. Et le jour où je le serai moins, cela se sentira. Je pense que c’est précisément ce que l’on a apporté avec l’Abcdr. On n’est pas journalistes. On est arrivé avec nos gros sabots de passionnés, et c’est ce ton-là qu’on a ramené. Je ne dis pas qu’on est les premiers. Mais globalement, le journalisme rap identifié jusque-là, c’était d’un côté Fred Musa, qui est plus un animateur, et de l’autre Olivier Cachin, avec un ton très expert. Nous, on est arrivés en parlant comme des fans de rap. Le jour où je perds ça, je perds tout. La passion gomme beaucoup de défaut. Un de mes meilleurs amis est fan de dodgeball. Pour moi, c’est pareil à balle au prisonnier, cela ne m’intéresse pas du tout. Mais quand il m’en parle, je trouve ça passionnant.

Il y a aussi un truc qu’il ne faut pas oublier. Grosso modo, même si le rap existe depuis longtemps, on est encore au début des médias rap indépendants et professionnels, en francophonie. On a encore beaucoup à apprendre, en termes de ton ou même de déontologie – par exemple à partir du moment où la plupart des sites rap sont financés par les labels. Je crois que cela va changer, qu’on a une nouvelle génération qui nous a beaucoup écoutés, mais qui a aussi envie de changer les choses.

Aujourd’hui, tu te considères comme journaliste?

Je ne sais pas. Quand je fais Rap Jeu, je suis plus dans l’animation d’un divertissement. Mais quand je fais l’interview de Ninho? Je crois que je le suis, oui. On me dira que je bosse pour Apple, et encore avant pour Deezer. Mais ceux qui me suivent depuis longtemps peuvent voir que le ton est le même. Ce qui m’intéresse, c’est le contenu: est-il bon? A-t-on fait du bon travail? Est-ce que les gens apprécient? Si à un moment, on a le sentiment que notre parole est transformée, tronquée, alors on pourra se questionner. Mais c’est tout le débat du journalisme et des marques. Avec d’un côté une presse pour qui c’est compliqué; et de l’autre des entreprises qui ont envie de produire des contenus cool, autour de la musique, du sport… Cela pose évidemment des questions. Mais est-ce si dramatique que ça, si c’est bien fait?

Est-ce que l’idée avec Apple Music est aussi de profiter de sa force de frappe pour couvrir davantage le rap américain?

Oui, bien sûr. Aujourd’hui, la priorité est le Code, avec un format audio et vidéo. Parce que le rap francophone est extrêmement important dans nos pays, je ne t’apprends rien. Mais à terme, l’idée est de fournir une plateforme aux artistes internationaux quand ils sont de passage en France et qu’ils ont envie de prendre la parole. On ne va pas mettre en avant que le rap. D’autres genres vont être adressés – pas uniquement par moi d’ailleurs. Tout cela va se faire par étapes. C’est aussi ça qui est intéressant. J’avais l’habitude de tout faire en même temps, quitte à rendre parfois le message diffus. Là, les choses se font progressivement, collectivement. Cela a du bon aussi. Cela structure les choses. J’ai toujours bossé en équipe, mais pas souvent en amont des projets. C’est le paradoxe: même si je vais animer seul, pour l’instant en tout cas, derrière il y a beaucoup de gens qui bossent.

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