Hide & Seek festival: Bruxelles est un village

Akutuk © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le festival Hide & Seek joue à cache-cache avec les amateurs de musiques « world ». Au programme, des concerts intimistes, planqués dans des endroits insolites de la capitale.

Ça y est, les plus grosses cartouches de l’été sont passées. La saison des festivals n’est pas finie, loin de là. Mais à partir de la fin du mois d’août, tous les mastodontes auront replié leur affiche à rallonge. Ils laissent place à une série de rendez-vous souvent plus intimistes. Des événements qui évitent de jouer la surenchère pour miser au contraire sur une certaine convivialité. C’est, par exemple, le Deep in the Woods qui aura lieu début septembre, dans les Ardennes. C’est aussi, dès cette semaine, les Feeërieën, soirées musicales précieuses, organisées par l’Ancienne Belgique, dans le Parc Royal.

Depuis l’an dernier, un petit nouveau est venu s’ajouter dans cette même catégorie: le Hide & Seek. Du 21 au 27 août, il proposera une série de concerts dans des lieux inédits de la capitale. Le créneau? Les « musiques traditionnelles du monde ». On pourra ainsi écouter, notamment, un concert de l’Ukrainienne Mariana Sadovska au milieu de l’atelier de moulage du Cinquantenaire, assister au lever du soleil depuis le sommet de la tour du WTC en écoutant de la musique classique indienne, ou danser sous les rythmes klezmer à bord d’un tram.

Nihil Obstat (Klezmer in the tram)
Nihil Obstat (Klezmer in the tram)

Derrière l’initiative, on retrouve l’ASBL bilingue Muziekpublique. Elle va fêter ses quinze ans cette année, et ressemble au lieu qui l’abrite. Planquée derrière les murs du théâtre Molière, magnifique bonbonnière de 375 places plantée au milieu d’une des galeries de Matonge, elle est aussi discrète et peu connue du grand public que dynamique et animée. Depuis son lancement, la petite structure n’a en effet cessé de multiplier les activités: concerts évidemment, mais aussi cours (chorale orientale, percussions galiciennes, etc.) et lancement d’un label. « À chaque fois, explique Morgane Mathieu, de Muziepublique, il s’agissait de répondre à un besoin du secteur. »

L’idée part d’un constat très simple: de nombreux musiciens étrangers se retrouvent à tourner quasi uniquement dans leur communauté. Comment leur offrir une visibilité plus large? Et par la même occasion, une scène plus professionnelle, mieux équipée? Sans snober les circuits communautaires, mais en s’appuyant sur eux –« notamment sur leurs canaux promo, qui sont souvent très différents de ceux qu’on utilise généralement ». « Récemment, on a par exemple affiché sold out pour un concert de musique iranienne, quasi sans promo. On était les premiers surpris. »

On sait par ailleurs ce que le terme de world music peut susciter comme discussion. Chez Muziekpublique, on a vite tranché: il est question de mettre en avant les « musiques traditionnelles du monde ». « On a pu par exemple programmer des musiciens du Bouthan qui, pour le coup, est un pays qui ne s’est ouvert que très récemment et est resté assez préservé des influences extérieures. » Pas question pour autant de faire dans l’archéologie musicale ou la muséologie de rythmes ancestraux. « On veut aussi privilégier le dialogue, susciter des collaborations, pour qu’un joueur de saz turc, par exemple, puisse venir danser sur du folk. » En 2010, le CD Blindnote proposait un casting de musiciens sénégalais, mexicain, belge, malgache, turc et arménien, tandis que l’an dernier, le projet Voxtra faisait se rencontrer plusieurs traditions vocales, parfois très différentes (sarde, finlandaise, etc.).

Je peux pas, j’ai piscine

Mariana Sadovska
Mariana Sadovska

Pour Muziekpublique, le festival Hide & Seek est un peu la cerise sur le gâteau. « On avait envie de sortir un peu de nos murs. Et puis, un festival est aussi l’occasion d’aller vers un public plus large, lui faire découvrir d’autres goûts, d’autres saveurs. » Sans pour autant viser tout à coup la masse, ou de voir gonfler l’ASBL en une immense structure. Une dizaine de concerts sont ainsi proposés, pour des jauges oscillant, selon les lieux, entre 50 et 200 personnes. Ils sont en majorité acoustiques, à écouter assis, « parce que toutes les musiques ne se dansent pas ». Mais sans exclure pour autant l’une ou l’autre séquence plus festive: « Le vendredi, par exemple, le groupe belgo-brésilien Anavantou s’installera sur le toit du COOP, installé dans l’ancienne meulerie Moulart, à Anderlecht. » À près d’une dizaine sur scène, cela risque de déménager…

Au-delà du volet musical, Hide & Seek cherche également à investir la ville, en dénichant des endroits de Bruxelles, qui n’ont pas l’habitude d’accueillir des concerts. L’an dernier, l’Atomium ou le sommet de la Tour Reyers avaient notamment servi de décor. Cette fois-ci, l’équipe de Muziekpublique a dégoté toute une série de nouveaux « spots », de la Villa Empain à la champignonnière des caves de Cureghem en passant par l’ancien atelier funéraire du cimetière de Laeken. « Cela n’est pas toujours simple. En fonctionnant comme ça, on multiplie les contraintes. Mais le projet du festival consiste aussi à organiser ce dialogue entre un patrimoine musical, immatériel, et un patrimoine matériel. » Aux bains de Bruxelles, par exemple, le duo Akutuk jouera directement au milieu du bassin pour faire découvrir une technique camerounaise de percussions sur l’eau.

Autre particularité: les événements de l’affiche qui sont organisés durant l’après-midi sont couplés à une visite guidée du lieu. Ce sera par exemple le cas au centre d’accueil pour demandeurs d’asile du Petit Château, après le concert du quintet Refugees for Refugees, rassemblant des musiciens belges, tibétains et afghans. « Au départ, c’est évidemment un peu touchy. Mais tout le monde s’est montré très enthousiaste. Dans ce cadre, l’affiche du jour prend évidemment tout son sens. Et puis les résidents seront évidemment les bienvenus. Avec la visite, cela permettra de démystifier aussi l’endroit et de faire se croiser les personnes. Finalement, c’est la dimension principale du projet depuis le début: on a envie que la musique soit un vecteur de rencontres. »

• Hide & Seek, du 21 au 27/08, à Bruxelles. www.muziekpublique.be

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