Grizzly Bear, état des lieux: « Tout le monde au sein du groupe se posait des questions »
À l’affiche du prochain Pukkelpop, Grizzly Bear revient sur son déménagement à Los Angeles, son soutien à Bernie Sanders et la conception de Painted Ruins. A kind of magic…
Cinq ans. Il aura fallu cinq ans à Grizzly Bear pour donner un successeur à Shields. Avant de pondre Painted Ruins l’été dernier, l’ours new-yorkais a eu besoin de souffler. Ce repos bien mérité lui a permis de se refaire une santé. « Tout le monde au sein du groupe se posait des questions. Est-ce que ça va vraiment arriver? Est-ce qu’on va bosser sur un nouveau disque?, avoue le batteur multi-instrumentiste Chris Bear, l’après-midi d’un concert à l’Ancienne Belgique, tandis que ses comparses se sont dispersés dans le centre de Bruxelles. À un moment, on était tous vraiment crevés. La tournée de Shields avait été particulièrement épuisante. Ça avait déjà été un disque fatiguant à faire. Je ne sais pas pourquoi. On avait eu du mal dès le démarrage. Sans doute parce qu’on avait commencé à enregistrer avant d’avoir vraiment les chansons… »
Une fois les concerts assurés, chacun s’était mis à vaquer à ses occupations. Musicales ou non. Ed Droste a voyagé, contribué au magazine Vogue et tenté de se remettre de son divorce. Daniel Rossen s’est fondu dans l’anonymat, a coupé du bois, lu des tonnes de bouquins et écrit des chansons que majoritairement il détestait. Chris Taylor a produit Tanlines, Regal Degal et Kishi Bashi, travaillé avec Beth Orton. Rédigé un livre de cuisine, appris à surfer et à construire des motos… Chris Bear, lui, a tourné avec ses amis de Beach House, et bossé sur des projets plus perso. Il a aussi composé de la musique pour la série High Maintenance qui suit les aventures new-yorkaises et la clientèle d’un vendeur de cannabis à vélo… « Non, je n’ai pas décroché le boulot en fumant beaucoup de weed. Mais disons que les mecs derrière High Maintenance savent de quoi ils parlent (rires). À l’origine, c’était une Websérie diffusée sur le site d’hébergement Vimeo. Moi j’ai composé pour la première saison sur HBO. C’était chouette de penser la musique de la sorte: en fonction de courtes séquences, et sans devoir réfléchir en format chanson. Imaginer sur 30 secondes comment créer un sentiment. Les créateurs de la série ont des goûts musicaux très diversifiés. On regardait des épisodes ensemble. Quand ils me disaient: « Pense à ce disque de disco turque », je savais de quoi ils parlaient. »
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Les Grizzly Bear ont également ardemment défendu la cause de Bernie Sanders dans la course aux présidentielles. Bear ne se remet toujours pas de la victoire de Donald Trump. « C’est juste dingue. Impossible de ne pas avoir été consumé par les événements. Le disque était quasiment fini quand il a été élu. Je me souviens, j’allais au studio de Chris (Taylor, NDLR) pour apporter les dernières touches à l’album: on a mis quelques heures avant de reprendre nos esprits et de pouvoir recommencer à travailler. Pendant notre tournée américaine, on a essayé de garder les gens en éveil. Concernés. Ce que j’ai trouvé excitant avec Bernie, c’était de voir des jeunes gens s’engager dans la politique et s’y intéresser de près. En parler. Je n’avais jamais vu ça. Ce serait bien de pouvoir garder cette dynamique à l’avenir. »
Un autre monde
Jeune papa, Bear a déménagé il y a un an demi alors que le disque était pratiquement terminé. Jadis symboles de la branchitude new-yorkaise, les membres de Grizzly Bear sont aujourd’hui à l’exception de Daniel Rossen installés sur la côte Ouest. Dans les quartiers cool et artistiques de Los Angeles où Painted Ruins a été fabriqué. C’est Chris Taylor qui avait envoyé le premier mail en 2015 pour remettre la bête à l’ouvrage. « Je ne sais plus vraiment ce qu’il disait. Mais je me souviens d’une longue conversation téléphonique. Il était impatient de bosser sur de nouvelles choses et moi aussi. On ne savait juste pas trop comment aborder la question. On voulait surtout éviter le processus laborieux de Shields. Il fallait trouver comment s’y prendre. Et il n’y avait pas vraiment d’autre solution que d’attaquer chacun de son côté. Ça nécessite beaucoup plus de temps mais ça permet aux titres de trouver leur écrin. On a fait en sorte que tout le monde soit excité par les idées qu’on voulait développer avant de se retrouver pour les mettre en boîte. Comme on avait une vision générale de ce à quoi les morceaux devaient ressembler, on a pu ensuite se concentrer sur la performance, les arrangements, le choix des instruments. »
Il y a rarement de cahier de charge chez Grizzly Bear. Mais les sons ont une intention, une place, une personnalité. « Et il faut leur donner vie techniquement pour ne pas se retrouver au final avec une pile d’idées. On a toujours essayé de chercher, de créer un univers quasi extérieur à notre monde. Emmener les gens dans un autre endroit, faire en sorte que nos disques soient une espèce de voyage, inviter les auditeurs à pénétrer un ailleurs. »
S’il refuse apparemment d’en parler en interview, le divorce d’Ed Droste a profondément marqué Painted Ruins de son empreinte. En attestent les paroles de Three Rings, Mourning Sound, Wasted Acres… « C’est vrai. On le sent. On interprète parfois en ce sens. Mais Ed ne voulait pas non plus se montrer trop explicite. Plus généralement, on essaie de ne pas s’avancer sur nos propres textes pour éviter que les gens associent nos chansons à des événements particuliers. Ed ne voulait pas que sa séparation soit le sujet du disque mais c’est définitivement là. Il pensait que ça guiderait les gens sur une mauvaise direction: là où Shields était marqué par la tension et l’anxiété, Painted Ruins est sans doute un album plus coloré. »
Painted Ruins, distribué par Sony. ****
Le 16/08 au Marquee de 20h05 à 21h (Pukkelpop). Avec aussi Arcade Fire, James Holden, Shellac (16/08); Ho99o9, Bruxelles Arrive, Sons of Kemet (17/08); Sleaford Mods, King Gizzard, The Black Angels, Kendrick Lamar… (18/08)
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