Funky Chicken, la double compile qui exhume les perles funk belges des 70’s

Chakachas, Placebo, Funky Tramway © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Qui a dit que le groove à la belge était aussi plat que le pays? Une double compilation remonte à la surface quelques pépites funky seventies. Un grand paquet de soul food du terroir. Sauce à part.

« On trouve de plus en plus de labels qui s’acharnent à déterrer des vieux albums soul oubliés, ou ressortir des disques introuvables de musique africaine. Par contre, il existe peu de choses sur ce qui a été fait ici, en Belgique. » Stefaan Vandenberghe a raison: il est plus facile aujourd’hui de dénicher une compilation de proto-punk péruvien des années 60 que de mettre la main sur des archives maison. Il y aurait pourtant tout un filon à creuser. C’est ce que démontre Funky Chicken, double CD pétaradant, rassemblant quelques pralines soul-funk locales des années 70. Elles sont souvent peu connues -ce qui ne les empêche pas d’être recherchées à prix d’or par les spécialistes, ou de se retrouver samplées par les rappeurs ricains, comme le Scrabble de René Costy (le break de batterie chopé par J Dilla).

Avenue Louise

On connaît souvent mal l’histoire des musiques made in Belgium. Un peu comme si le pays avait flemmardé en banlieue de la culture pop jusqu’aux années 80. Il faudra le punk, la new wave et surtout la nouvelle donne électronique (new beat, techno, house…) pour que la Belgique se connecte enfin. Stefaan Vandenberghe, patron du label NEWS la semaine, et Dr Lektroluv le week-end, est d’ailleurs lui aussi passé par la case eighties: « Mais petit à petit, j’ai commencé à remonter le fil. C’est peut-être aussi parce que je suis né au début des années 70, mais j’ai l’impression qu’on n’a jamais produit autant de bonnes musiques qu’à cette période-là. »

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Récemment, le docu The Sound of Belgium avait déjà montré que les racines les plus dansantes de la belpop pouvaient remonter plus loin qu’on ne le pensait. Par exemple jusqu’au popcorn, sorte de northern soul « moules frites », née à la fin des années 60. La compilation Funky Chicken s’attarde elle sur une scène voisine. Elle part dans tous les sens: soul, funk, latino, jazz, library music. « Les morceaux sont souvent l’oeuvre de musiciens de studio qui, une fois leur boulot terminé, prolongeaient leurs sessions en jammant; ou des backing bands, comme celui de Leo Cavallo qui dirigeait le groupe de Will Tura (l’Adamo flamand, ndlr). A côté de ce gagne-pain, ils se permettaient d’essayer d’autres choses sur le côté. »

Dans cette histoire, deux noms reviennent régulièrement: les frères Jean et Roland Kluger d’un côté, et le Mouscronnois Marcel De Keukeleire de l’autre. Soit des producteurs qui, à leur manière, feront sonner le tiroir-caisse, souvent avec des hits improbables (ceux de Two Man Sound pour les premiers; de la Danse des canards à Born To Be Alive pour le second). Ils publieront cependant aussi des choses plus audacieuses. Pas forcément expérimentales mais au moins décalées. Voire surréalistes? Quitte à glisser dans le cliché national, Stefaan Vandenberghe n’est pas loin d’abonder: « Si cette musique a quelque chose d' »ici », c’est en effet son goût de l’absurde. La Belgique reste quand même un pays particulier… »

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Exemple de belgitude parmi d’autres: le disco-funk Avenue Louise, du groupe Black Blood mené par le Congolais Steve Banda Kalenga, réalisé par Michel Jaspar, un producteur (et pilote d’avion) belge né à Lubumbashi. Le band se fera connaître avant tout avec sa reprise de Aie A Mwana. À la base, le morceau est un « pastiche » de musique traditionnelle japonaise, pondu en 1971 par Jean Kluger et Daniel Vangarde (oui, le père d’une moitié de Daft Punk). Avec Black Blood, il fera un premier tour du monde.

The Chakachas sont un autre exemple de one hit wonder à portée planétaire: en 72, leur Jungle Fever -censuré sur la BBC pour cause de feulements trop érotiques- se vendra à plus d’un million d’exemplaires aux Etats-Unis. Ce n’est pourtant pas ce titre-là des Chakachas que Stefaan Vandenberghe a retenu (mais bien Stories et Turtle Soup). « J’avais envie d’un document plus intemporel, avec des choses peut-être moins connues, mais souvent plus intéressantes. » Pour les Chocolat’s, pas de Brasilia Carnaval donc, mais bien El Caravanero, morceau qui passera par les mains de Tom Moulton, l' »inventeur » du remix, pour le compte du prestigieux label Salsoul Records! Le reste du tracklist est à l’avenant, invariablement dansant, proposant des morceaux de Placebo (celui de Marc Moulin, pas l’autre), The Rapture (pas le combo dance-punk mais le binôme Willy « Chakachas » Albimoor/René Costy), ou des plus improbables Chicken Curry (and his Pop Percussion Orchestra), Open Sky Unit (le Liégeois Jacques Pelzer!), The Mol Percussion Band, ou de Les Hélions, signalés du côté de Seraing. « Ceux-là ont été les plus compliqués à retrouver. Je n’avais que le nom du compositeur, Sam Suffy -un pseudo évidemment. Finalement, on a réussi à retrouver sa véritable identité -il s’agit de René Geuens- et ses coordonnées via les Pages d’or. Mais quand j’ai téléphoné la première fois, je suis tombé sur sa femme. Elle m’a remballé: elle n’avait jamais entendu parler de Sam Suffy! (rires)« 

  • FUNKY CHICKEN, DISTRIBUÉ PAR SDBAN/NEWS.
  • Disponible en CD et vinyles (2 LP ou 7 x 7 inch)

Santa retromania

Il y aurait donc un véritable patrimoine belpop à (re)découvrir. A côté de la compil’ Funky Chicken, les albums du Placebo de Marc Moulin viennent par exemple de ressortir en vinyle. Tandis que la série Rewind de l’AB propose aux gloires locales de rejouer sur scène leur magnum opus (de De Puta Madre à Wim Mertens), Starman Records s’échine à rééditer en vinyle des compiles de rock garage sixties (Belgian Vaults), ou des albums aussi emblématiques que celui de Freckle Face, le premier groupe d’Arno. Il y a quelques mois, le label anglais LTM sortait lui l’anthologie Belgian Cold Wave 1979-1983. De son côté, si le terrain de jeu du label Freaksville se concentre plus sur la marge, d’où qu’elle vienne, que sur un territoire précis, il a déjà démontré qu’il pouvait remonter à la surface quelques belles pioches noir-jaune-rouge (Comme la romaine, de Duvall). Enfin, à Anvers, Bart Cattaert a lancé récemment le label Ilunga, spécialisé dans la réédition de rumba congolaise fifties-sixties. Retro fever!

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